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Critique de Tachan


Quand 20th Century Boys est sorti, j'étais lycéenne. J'avais pris le train en cours de route lorsque celle-ci avait reçu le prix de la meilleure série du 31e festival d'Angoulême et j'avais alors englouti tous les tomes sortis avant de ronger mon frein et d'attendre patiemment des sorties de plus en plus espacées. Force m'est d'avouer que même si j'avais adoré les débuts et que j'adore nombre d'oeuvres d'Urasawa, j'avais aussi été déçue dans mon souvenir par la fin de celle-ci. Mais en discutant avec d'autres fans, notamment L'Apprenti Otaku, est arrivée l'idée que peut-être mon rythme de lecture d'alors n'avait pas été le bon et que j'aurais vraiment pris sa pleine mesure en lisant le titre d'une traite. C'est ce que je vais m'échiner à faire avec cette relecture ces prochaines semaines.

Avec le premier tome d'une saga qui en compte 22 + 2 bonus dans sa forme originale, Urasawa signe une oeuvre de son temps. Sortie au Japon en l'an 2000 pour le tournant charnière de deux siècles, ce récit se veut également celui de deux époques, celui de l'enfance des héros qui se déroule au XXe siècle et celui de leur âge adulte au XXIe siècle, un biais de lecture qui m'a accompagnée tout au long de ce premier tome déjà particulièrement efficace.

Urasawa est connu pour ses séries tour à tour thrillers policier, thrillers futuriste ou thrillers fantastique mais aussi pour ses comédies sportives, ici il part dans un récit futuriste et rétro tendu particulièrement séduisant où il prend le temps pour distiller ses ambiances et ses thèmes grâce à une narration particulièrement immersive. Grâce à des chapitres entre légèreté et humour où le texte abonde, il nous plonge dans de multiples lignes temporelles visant à raconter une revisite audacieuse du mythe du héros des temps modernes. Une revisite vous l'aurez compris que je trouve particulièrement réussie dès le démarrage.

Ce premier tome plante le décor, un décor multiple mystérieux et chaleureux à la fois où l'auteur joue sur un effet nostalgique qui devrait se saisir du lecteur adulte qui suivra un groupe d'enfants devenus adultes dans une lutte contre le mal, un mal appelé "Ami". Ça en dit long. Pour cela, il s'amuse à nous balader entre différents passés et différents présents, ceux des héros que nous allons suivre. Ces héros, ce sont des garçons on ne peut plus banal, qui enfants aimaient bien jouer aux héros dans leur base secrète et imaginer comment lutter contre le mal. Ils avaient pour cela construit une forteresse en herbe, imaginé plein de scenarii et s'étaient même inventé un logo pour se reconnaître entre eux. Alors comment après un tel récit puis-je vous parler de récit tendu et futuriste ? Parce que dans notre présent XXIe siècle, ils se retrouvent après la mort de l'un d'entre eux et surtout de nombreux incidents plein de coïncidences faisant ressurgir le dit logo. Mais que se passe-t-il ?

Tout l'enjeu de 20th Century Boys va alors être de percer le mystère. Un mystère savamment entretenu et distillé par l'auteur dès les premières pages d'abord en passant d'une époque à l'autre, en montrant des événements qui ne semblent pas bien significatifs et qui pourtant vont être plein de sens pour ceux qui s'en rappellent. Mais un mystère aussi entretenu par une narration pleine de zones d'ombres savamment pensées et installées dans le paysage du titre. En effet, Urasawa truffe ce premier tome de case où certains personnages n'apparaissent pas, où on n'entend que leur voix, où on ne semble pas se rappeler d'eux et de ce qu'ils ont fait. C'est percutant et génial pour instaurer un doute, une méfiance et pousser à chercher qui ça peut bien être, si on les connaît, si on sait ce qu'ils ont fait, ce qu'ils sont devenus, etc. Urasawa est vraiment un génie dans ce premier tome pour poser cette ambiance.

Pourquoi est-ce que ça fonctionne autant ? Parce qu'en faisant cela, il plonge le héros et le spectateur lecteur dans quelque chose d'étrange qui lui échappe. Fini le petit quotidien simple à s'occuper de sa boutique avec le bébé que sa soeur vient d'abandonner. Finis les souvenirs fatigués d'une époque où tout nous semblait brillant en écoutant les derniers tubes de rock sortis. Place à un quotidien inquiétant où un mystérieux logo réapparaît de nulle part, où tout semble incriminer un groupe de gamins devenus des adultes pépères qui ne comprennent pas ce qui va leur arriver, où une mystérieuse secte apparaît et semble reprendre des éléments de leur passé pour commettre des exactions sans qu'ils ne le sache. C'est terrible et fascinant.

Ce premier tome est donc un modèle du genre pour plonger le lecteur dans un thriller étrange et inquiétant où le quotidien se met d'un coup à tanguer sans qu'on comprenne pourquoi. C'est aussi un modèle d'efficacité pour créer une ambiance accrocheuse et chaleureuse où on va suivre un groupe d'amis auquel on s'attache très vite grâce à cette nostalgie palpable des années 60-70 et de leur paysage musical. Urasawa décrit avec beaucoup de sincérité cette jeunesse d'autrefois, d'avant les internets, les CD et la bulle immobilière. Cela a un sentiment d'authenticité qui touche et rend le décalage avec les étranges morts qui se produisent encore plus fort.

Ainsi, dès la relecture de ce premier tome, je me suis retrouvée comme l'adolescente que j'avais été, fascinée par la maestria du maître pour démarrer une histoire aussi complexe et mystérieuse avec des personnages authentiques et sincères dans une double ambiance parfaitement maîtrisée qui marque bien le passage entre les deux siècles qui traversent cette oeuvre. Un début parfaitement maîtrisé et qui augurait déjà d'une grande série. On espère que la suite en ira de même !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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