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Critique de berni_29


Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! Qu'il est bien intrigant ce titre que nous propose notre amie poétesse Maryna Uzun ! J'ai pensé forcément aux pancartes posées sur les paysages picorant les yeux, picorés d'oiseaux dans nos parcs urbains. J'ai imaginé Maryna Uzun écrivant ces vers en se promenant dans le Parc du Luxembourg, ou bien pourquoi pas le Parc Montsouris. Un petit sentiment de nostalgie me vient alors en pensant à Jacques Higelin que j'embrasse là où il est et pour qui le Parc Montsouris était le domaine où il aimait tant promener ses anomalies en pensant à son père...
Maryna Uzun aime aussi promener ses anomalies dans des pages dévorées par les vers...
En poétesse inspirée, elle m'a ouvert les grilles d'un parc aux songes désuets. J'y suis entré comme on entre dans une chapelle vide, comme on entre en amour pour la première fois, dans le vertige d'une amante, s'y perdre comme au bord d'un puits...
Eh bien moi je les aime les poètes et je les nourris... Je les nourris de mes désirs ardents, de mes soifs d'azur, de mes lointains rivages à portée de mains, de regards, de respirations...
Roman-poème ou poème-roman ? Telle n'est pas la question.
Maryna Uzun nous ouvre ici les portes de son coeur. C'est un oiseau blessé mais qui rit encore aux éclats, comme pour faire semblant. La poésie sait faire cela.
C'est l'histoire d'un amour éperdu, qui a du plomb dans l'aile.
Un vers à moitié vide ? Un vers à moitié plein ? Et me voilà renversé dans les mots de Maryna Uzun.
Mon vers est plein d'odeurs légères et je veux boire jusqu'à l'Eulalie.
Dans ces arabesques insolites, je m'invite à perdre pied, à perdre mon âme peut-être. C'est un paysage intérieur façonné d'ivresses.
Ce sont des vers aléatoires qui retiennent le désir comme des digues...
Des vers parfois solitaires pour cheminer dans les sentiers intérieurs.
Des vers correcteurs pour atténuer la douleur ténue du monde.
Comment noyer son chagrin dans la succession et l'entrechoquement des vers ?
Allez ! Venez ! C'est ma tournée.
J'ai aimé ce vagabondage des mots où l'intime prévaut toujours.
Heureux paysage où les frontières sont abolies. Où les pas sentent les herbes folles, les mauvaises herbes comme je les aime. Où les mots effleurent l'épiderme... Sur la partition des pages, les mots jouent des sonates impromptues.
Au pied des arbres, les vers s'insinuent grouillant de vie et d'azur.
Ce jogger que la poétesse croise et qui court en sens inverse, où court-il donc ? Est-ce qu'il se pose lui-même la question ? Où cours-je ?
Dans les parcs solitaires, des femmes des hommes courent, des oiseaux picorent, les pages des livres s'envolent sur le bord des bancs publics...
Ce sont des mots qui nous dévorent des yeux.
Ici un corps se souvient sans cesse...
Primesautière et facétieuse est l'écriture de Maryna Uzun.
Douloureuse aussi pour qui sait lire entre les lignes, écarter le store, approcher une main qui se souvient encore des gestes d'autrefois si bien apprivoisés.
Inviter la lune, la décrocher, y poser un baiser astral...
Exister dans l'entrelacement des phrases, dans la blessure torride qui tangue et s'ouvre.
Les philtres magiques n'ont plus cours. Quelqu'un a perdu la recette, elle est tombée au fond d'un puits à force de s'y pencher, alors il faut baisser le store, baisser les bras, arpenter d'autres corps...
Bucoliques, mélancoliques, érotiques sont les errances de Maryna Uzun.
Marier les mots dans l'atelier d'un alchimiste, c'est l'alliance improbable dans le creuset d'un livre qui devient vivant et nous emporte dans l'eau vive d'une amante fugitive, son corps emporte en moi des torrents de gourmandise.
Marcher dans les allées d'un parc, s'éprendre d'un chêne, d'un cèdre, ce saule qui penche vers nous, ce cerisier à portée de la main, ce pommier allègre.
Comment continuer d'étreindre un amour lorsque celui qu'on aime devient trop conformiste pour imaginer l'horizon, inviter l'impatience des oiseaux ?
Sous le feuillage callipyge des arbres, se cachent des endroits aux abîmes insoupçonnés, j'ai effeuillé le désir sous la page tant convoitée.
Les arbres s'éprennent entre eux dans le carrousel du parc. Il y a des odeurs de barbe à papa. C'est la quête mélancolique d'un amour qui fut, d'un amour qui fuit comme un robinet mal fermé. Les amours contrariées ont quelque chose de tenace, reviennent comme la rengaine d'un orgue de barbarie qui entame une valse et fait tourner le paysage. Peut-être ainsi peut-on effacer tout et s'offrir une chance de tout recommencer ?
Posée sur mes paupières fermées, la langue de Maryna Uzun m'embrase, s'immisce sur ma peau, m'éveille aux sens, chatoyante à l'oreille comme une promesse éprise et troublante, comme une désillusion qui s'en va...
Parfois elle invite un prince oriental, un joggeur du matin qui sent encore la lessive, un pluvier majestueux, un paon qui tourne autour du matin comme une brouette ensorcelée.
Elle réveille les miroirs endormis, nous invitent à les traverser. Elle est cette reine d'un royaume joyeux et triste à la fois.
J'ai ouvert cette cage fermée depuis trop longtemps et les mots se sont envolés comme des funambules.
Affamée, inventive, impudique, libre, telle est l'écriture de Maryna Uzun...
Les circonvolutions ont dressé leur chapiteau, la piste aux étoiles jette un peu de sable dans nos yeux ébahis.
Vous aimez les poètes, ne les enfermez pas, même dans des cages dorées !
Le soir vient, je m'en vais, je referme les grilles du parc.
Le livre peut s'envoler comme un oiseau apaisé.
Vous reprendrez bien encore un vers ?

Merci chère Maryna pour cette invitation magnifique, pour ces mots qui m'ont apprivoisé.
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