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Critique de camilleD


Quelle belle journée que ce 8 mars, Journée de la femme, pour chroniquer l'autobiographie de Consuelo Vanderbilt Balsan, « Une Duchesse Américaine » !

C'est un récit conséquent, dense et intime que nous livre avec ses doigts de fées la Duchesse. Humble et droite, elle se rappelle chaque moment de sa vie, qui sont autant d'étapes d'émancipations, le tout avec une grâce et un esprit qu'on l'on ne peut qu'admirer.

Sa plus tendre enfance, passée aux Etats-Unis, sous le joug d'une mère qui orchestre chacun de ses mouvements, son mariage avec un membre illustre de la noblesse anglaise, son départ pour l'Angleterre où elle fera partie des plus hauts cercles de la société royale londonienne, sa séparation puis son divorce, son dévouement pour des causes philanthropiques, son second mariage avec le français Jacques Balsan, puis son départ retour à New York pendant la seconde guerre mondiale, sont autant de péripéties romanesques qu'elle raconte avec brio.

Jeune américaine cultivée, elle découvre la société anglaise et se moque doucement de son étiquette rigoureuse, qu'elle décrit avec humour et passion. de sa plume dansante, elle dresse une galerie de portraits où se retrouvent les plus grandes personnalités de son siècle. Parmi eux, le futur président français Paul Deschanel, qui lui fait la cour, ou encore le jeune Winston Churchill, cousin par alliance, qui restera un de ses très proches amis jusqu'à la fin de sa vie. Elle côtoie aussi Sacha Guitry, Charlie Chaplin, H. G. Wells, la famille impériale russe, et fait partie du cercle restreint des proches de la famille royale anglaise.

Si pendant toute sa jeunesse elle craint, redoute et tente en vain de tenir tête à une mère presque castratrice, les deux personnalités se retrouvent plus tard dans des quêtes communes. Leurs parcours peuvent d'ailleurs paraître similaires : sa mère, en effet, se sépare et divorce de son père à une période où ce genre d'émancipation est aussi peu reconnu que mal vu par la société. La duchesse fera de même en se séparant de son époux, onze ans après leur mariage. Peut-être inconsciemment, elle empruntera en Europe le même chemin que sa mère, qui défend les droits de la femme et de la démocratie aux Etats-Unis.
Nombreux sont ceux qui s'étonnent d'ailleurs qu'une duchesse puisse être à ce point progressiste, et c'est en toute modestie que Consuelo raconte ses premiers pas aux assemblées et ses premiers discours politiques. Surnommée la « duchesse des bébés » suite à ses nombreuses actions pour la protection des femmes et des enfants, Consuelo prend de l'assurance, de la prestance aussi, et voit la presse internationale relayer mot pour mot ses propres discours.

Elle décrit avec légèreté, humour et acuité les nombreuses réceptions auxquelles elle participe. La rigueur des cérémonies se plie à la souplesse de ses descriptions, qui nous rend alors familières les rencontres avec les familles royales ou impériales qu'elle n'a de cesse de côtoyer.
C'est sans amertume, et parfois même avec nostalgie, qu'elle se rappelle des nombreux bals auxquels elle a assisté. Tout comme elle, le lecteur sort parfois exténué des descriptions des lieux, des invités et des réceptions que son statut lui oblige à fréquenter. Cependant ce sentiment est vite effacé quand, avec justesse et humour, elle inclut à son récit des dialogues enfouis dans sa mémoire ou des articles minutieusement conservés.

Les quelques photographies nichées au coeur du livre mettent des visages sur ces noms qui, au fil de la lecture, nous deviennent familiers. Les parures, son port de tête et son entourages passent alors de la fiction à la réalité, et l'on se plait à comprendre qu'elle était bien plus belle qu'elle ne l'ose l'avouer.
Cette modestie nous flatte, et donne alors à voir une femme de son siècle, qui ne cesse d'aller de l'avant. Et si elle ne juge que très rarement les membres de son entourage très aristocratique, elle-même ne se retrouve jamais figée dans la rigueur et le conservatisme qu'aurait pu imposer son rang.

Le lecteur suit donc avec intérêt la duchesse, à travers le siècle et à travers l'espace. New York, Londres, Paris, Moscou, puis le sud de la France sont décrits avec passion. En observatrice assidue, elle analyse chaque personne, chaque endroit, et nous le rend de sa plume gracieuse.

C'est donc avec humour, justesse et légèreté que Consuelo nous livre ses Mémoires. le récit n'est jamais pompeux, et ne tombe point dans l'emphase. Ce témoignage donne alors à voir de l'intérieur une société de mondanités, de parures, dans lequel s'immisce la démocratie en même temps que les guerres explosent. Consuelo Vanderbilt Balsan avait donc un talent certain de conteuse, qu'elle a mis au profit d'un tableau doux-amer d'un monde figé par son étiquette. Elle incarne la femme émancipée et cosmopolite, qui, tout en liant les continents, a su lier les siècles et briller dans cette transition.
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