Citations sur Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations (34)
L'entreprise scolaire n'a-t-elle pas obéi jusqu'à ce jour à une préoccupation dominante ;: améliorer les techniques de dressage afin que l'animal soit rentable ?
Aucun enfant ne franchit le seuil d'une école sans s'exposer au risque de se perdre ; je veux dire de perdre cette vie exubérante, avide de connaissances et d'émerveillements, qu'il serait si exaltant de nourrir, au lieu de la stériliser et de la désespérer sous l'ennuyeux travail du savoir abstrait. Quel terrible constat que ces regards brillants soudain ternis ! …
Mais pourquoi les jeunes gens s'accommoderaient-ils plus longtemps d'une société sans joie et sans avenir, que les adultes n'ont plus que la résignation de supporter avec une aigreur et un malaise croissants.
Une société qui abolit tout aventure fait de son abolition la seule aventure possible.
L'obligation de produire aliène la passion de créer.
Le pas en avant de la radicalité sera toujours suivi des deux pas en arrière de l’idéologie.
Chaque progrès de la marchandise engendre des libertés formelles et une conscience qui a sur elles l'inestimable privilège de s'incarner dans les individus, de s'identifier au mouvement des désirs
Aucun problème ne vaut pour moi que celui que pose à longueur de journée la difficulté d'inventer une passion, d'accomplir un désir, de construire un rêve comme il s'en construit dans mon esprit, la nuit. Mes gestes inachevés me hantent et non pas l'avenir de la race humaine, ni l'état du monde en l'an 2000, ni le futur conditionnel, ni les ratons laveurs de l'abstrait. Si j'écris, ce n'est pas, comme on dit, « pour les autres », ni pour m'exorciser de leurs fantômes ! Je noue les mots bout à bout pour sortir du puits de l'isolement, d'où il faudra bien que les autres me tirent. J'écris par impatience et avec impatience. Pour vivre sans temps mort.
Un ami de Joyce racontait : " Je ne me souviens pas qu'une seule fois en toutes ces années, Joyce ait dit un mot des événements publics, proféré le nom de Poincaré, de Roosevelt, de Valera, de Staline, émis une allusion à Genève ou à Locarno, à l'Abyssinie, à l'Espagne, au Japon, à Violette Nozière ..."
A vrai dire, que pouvait-il ajouter à Ulysses, à Finnegans Wake ? Après le Das Kapital de la créativité individuelle, il importait que les Leopold Bloom du monde entier s'unissent pour se défaire de leur pauvre survie, et pour introduire dans la réalité vécue de leur existence la richesse et la variété de leur "monologue intérieur".
L'art, l'éthique, la philosophie l'attestent : sous l'écorce des mots et des concepts, c'est toujours la réalité vivante de l'inadaptation au monde qui se tient tir, prête à bondir. Parce que ni les dieux ni les mots ne parviennent aujourd'hui à la couvrir pudiquement, cette banalité-là se promène nue dans les gares et dans les terrains vagues; elle vous accoste à chaque détour de vous-même, elle pus prend pat l'épaule, par le regard;et le dialogue commence. Il faut se perdre avec elle où la sauver avec soi.
Dans l'espace de la création, le temps se dilate. Dans l'inauthenticité, le temps s’accélère.
ceux qui parlent de révolution et de lutte de lasses sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu'il y a de subversif dans l'amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre.