AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gabb


gabb
21 février 2024
Et voilà, ça recommence !
Encore un uppercut, encore cet éblouissement et tout suite après ce foutu malaise, ces descriptions soignées et envoûtantes brusquement interrompues par des accès de violence extrême, à la limite du supportable.
Encore des personnages torturés et une famille dysfonctionnelle, encore ce mélange étonnamment explosif d'écriture brillante et de sujet terrible, d'émotions intenses et de scènes chocs, (très) dérangeantes, (trop ?) malsaines.
Bref, encore un roman perturbant, de ceux dont on ressort sonné, groggy, incapable de véritablement savoir ce qu'on en a pensé.
Aucun doute possible : on est chez David Vann.

Au début c'était beau, pourtant.
Caitlin et sa passion pour la mer, sa prodigieuse maturité mêlée de candeur enfantine, son goût assumé pour le silence et la contemplation.
Caitlin et ses visites quasi-quotidiennes au grand aquarium de Seattle en sortant du collège, sa connaissance parfaite des coraux, des méduses, des poissons-fantômes, des hippocampes feuilles et de toutes ces merveilleuses créatures des abysses, muettes et souvent aveugles, suspendues, "maintenues par rien", que David Vann nous décrit comme personne.
Caitlin et la puissante amitié qu'elle tisse avec Shalini, sa camarade de classe.
Caitlin et ses premiers émois amoureux, Caitlin et sa maman bien sûr, sa seule et unique famille, cette mère vaillante mais sans ressources prête à tous les sacrifices pour les sortir de l'ornière et les mettre toutes deux sur les rails d'un avenir meilleur.
Et puis cette curieuse rencontre avec le vieillard, devant les bassins enchanteurs de l'aquarium, leurs yeux dans ces "mondes au sein d'autres mondes"...

Alors c'est la bascule, le plongeon dans l'horreur.
Je connaissais l'auteur, son "côté obscur" et ses violentes volte-face, mais j'ai quand même été saisi. Reprenant un schéma similaire à celui du terrible Sukkwan Island (en transposant juste le duo père/fils au féminin), il commence par nous parler d'amour filial, de complicité, d'ivresse des profondeurs et de plénitude marine ... avant de tout faire voler en éclat et de nous projeter à nouveau en plein coeur d'un drame familial de la pire espèce. La mère-courage se mue en furie démente, des secrets douloureux nous sont révélés, les séquences traumatisantes se multiplient, et les lecteurs non avertis seront peut-être tentés d'écourter leur lecture éprouvante. Les autres, les plus téméraires (ou les plus dérangés ?), vous parleront de "roman coup de poing", d'une noirceur éblouissante, de vertige, de rage et de rédemption, d'une bulle féerique qui soudain explose et vous laisse pantois.
Et moi dans tout ça ?
Moi j'essaye avant tout de reprendre mon souffle, je regagne prudemment la surface en respectant tous les paliers de décompression. Puis j'applaudis des deux mains le style cru et brutal de David Vann en redoutant déjà notre prochaine rencontre, et je tâche de garder en mémoire la beauté obsédante des créatures de l'aquarium - "émissaires d'un univers plus vaste" - plutôt que les effroyables épreuves physiques et psychologiques endurées par Caitlin, une fois quitté son précieux sanctuaire.

La morale de l'histoire ? "Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière, et c'est ce monde-là qu'on connaît ensuite, pour toujours. C'est le seul monde. On est incapable de voir à quoi d'autre il pourrait ressembler."
Commenter  J’apprécie          206



Ont apprécié cette critique (20)voir plus




{* *}