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Critique de Ally


Ally
09 novembre 2014
Sukkwan Island est le nom d'une île sauvage de l'Alaska isolée du reste du monde, accessible uniquement par bateau ou hydravion. Un père et son fils vont y habiter pendant un an. Leur seul lien avec l'extérieur repose sur une radio et le passage irrégulier de Tom, le pilote de l'hydravion.
Au début, le rythme semble très lent car une sorte de routine se met en place. Jim le père et Roy le fils, prennent peu à peu leurs marques dans la cabane. Ils essaient également de s'apprivoiser l'un l'autre. Jim, après son premier divorce, s'est très peu occupé de ses enfants. Il ne connaît pas véritablement son fils âgé de treize ans. Ils se parlent peu ou s'échangent seulement des banalités.
D'un côté, il y a un homme au comportement étrange et imprévisible. de l'autre, un garçon de 13 ans qui peine à trouver sa place.
Dans la première partie du livre, le lecteur est du côté de Roy. D'ailleurs, le prénom du père n'est révélé qu'au bout de 113 pages, juste avant le passage dans la deuxième partie du livre. Avant cela, Jim était simplement le "père de Roy". Cette rupture à la page 113 annonce l'imminence du drame qui va survenir.

Dans cette première partie, le lecteur prend confiance. Cette aventure hors du commun ne peut que rapprocher un père et son enfant. Cependant, des indices sur l'état mental du père et le malaise de Roy ne peuvent laisser rien présager de bon. Jim est un homme perdu dans sa vie. Ses deux mariages ont été un fiasco, l'homme ne pouvant résister aux charmes des prostituées. Jim n'est pas quelqu'un de fiable ni de responsable. Il se conduit souvent égoïstement, ne cherchant que très rarement à protéger son fils de 13 ans. Lorsqu'un ours éventre toutes les provisions dans la cabane, il décide de partir à sa recherche pour l'abattre. Il laisse Roy pendant deux jours livré à lui-même. Un comportement absurde voire totalement ridicule. Souvent, le fils se conduit plus raisonnablement que le père.
Le lecteur ressent le malaise de Roy, enfermé sur une île sauvage avec un père qu'il connaît mal et qui se révèle très souvent décevant. La nuit, il doit supporter les sanglots de son paternel et ses épanchements, très malvenus. Jim confie à son fils ses infidélités, son mal-être, son besoin de relations sexuelles avec une femme. Des confidences dures à entendre pour un garçon de 13 ans. Certes, Roy a l'air en avance sur son âge en ce qui concerne son habileté à se débrouiller seul et ses pulsions sexuelles, mais il reste un enfant qui ressent le manque de sa mère et de sa petite soeur. D'ailleurs, Roy souhaite quitter l'île au bout de quelques mois. Son père le retient d'une manière malhonnête en le faisant passer pour un "bébé" s'il part. Roy accepte finalement de rester sur Sukkwan Island comme si tel était finalement son destin. le lecteur a d'ailleurs l'impression qu'une certaine malédiction plane sur l'île. Impossible de repartir vivant de ce coin perdu du monde.
Jim a également des penchants suicidaires. Lors d'une randonnée, il manque de se tuer en sautant d'une falaise. Roy parvient à le récupérer et à le traîner jusqu'à la cabane. Grâce à son fils, Jim s'en sort. A aucun moment, ce dernier n'a pensé au tort qu'il pouvait causer à son enfant.
Difficile d'imaginer ce que peut ressentir ce pauvre garçon venu sur l' île pour un père indigne. Ce dernier n'hésite pas à confier qu'il se sent seul malgré la présence de Roy. le garçon a l'impression d'être transparent devant un père qui ne sait pas regarder. Une phrase résume parfaitement la situation : "Il [Roy] avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père".
L'enchaînement semble logique. A cause de Jim ou pour se sacrifier à sa place, Roy commet l'irréparable.

La deuxième partie est la plus difficile à lire car nous avons un aperçu de la noirceur de l'âme humaine avec un Jim incapable d'être à la hauteur de son fils. Cependant, le lecteur éprouve de la pitié voire de la compassion pour cet homme perdu et qui se retrouve dans l'une des pires situations imaginables. Comme le personnage, nous avons le sentiment d'évoluer dans un cauchemar. S'agit-il de la réalité ou est-ce une pirouette de l'auteur ? Jim va-t-il se réveiller ? Se trouve t-on dans un mauvais rêve du personnage ?
Malheureusement non. Jim va devoir affronter la vérité et s'expliquer. Mais encore une fois, l'homme va opter pour la solution qu'il choisit toujours, la fuite.

Ce roman m'a vraiment bouleversée. L'auteur est parvenu à endormir ma vigilance avec un début assez calme et le passage dans la deuxième partie s'est fait violemment. D'autre part, la psychologie de Jim et Roy est vraiment très intéressante. D'ailleurs, tout au long de la deuxième partie, le lecteur se pose les mêmes questions que Jim : pourquoi ? Des éléments de réponse sont apportés vers la fin du livre.
Le style d'écriture mérite également d'être souligné car il y a une vraie connivence entre le fond et la forme. Beaucoup de répétitions et de descriptions, un souci du détail. le lecteur s'imprègne de l'atmosphère, des sentiments. Nous avons vraiment l'impression de faire partie de l'histoire, d'être sur cette île de Sukkwan Island. Nous ne sommes jamais laissés pour compte. D'ailleurs, j'aurais aimé parfois que l'auteur nous fasse grâce des détails morbides.
Un roman qui se lit entièrement et non à moitié. Pour comprendre Roy, Jim et l'âme humaine. Ou tenter de comprendre.
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