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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Saga, tome 2 (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il faut impérativement avoir commencé par le premier tome. Il comprend les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2013, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés, encrés et mis en couleurs par Fiona Staples, avec un lettrage réalisé par le studio Fonografiks.

Sur la planète Landfall, un vétéran sans abri pousse son caddie en passant devant la clinique pour les soldats. À l'intérieur la file d'attente est longue. Dans son lit, un soldat de Landfall regarde les pansements sur le moignon là où se trouvait avant sa main droite. Il est en train de répondre aux questions de deux journalistes, Upsher & Doff, travaillant pour un magazine à sensation de la presse à scandale. Il n'en revient toujours pas qu'un soldat comme Alana ait pu avoir des relations sexuelles et romantiques avec un individu en provenance de Wreath, et que leur union ait débouché sur un enfant. Ailleurs Hazel indique qu'elle se trouvait alors à l'époque dans un vaisseau spatial, traversant le système des étoiles Clockwork, que leur destination est la planète Quietus pour rencontrer l'auteur D. Oswald Heist, et qu'elle vient juste de faire dans sa couche. Alana rentre dans la chambre de son bébé Hazel, et sa belle-mère Klara lui indique qu'elle l'a déjà changée. Klara met le livre A night time smoke, sous le nez d'Alana en lui demande si elle l'a fait lire à Marko. Alana indique que oui, et qu'en plus ils espèrent que son auteur Heist sera en mesure de les aider quant à ce qu'ils doivent faire. Klara lui annonce qu'elle les accompagne, pour les protéger de leur propre naïveté. À quelque distance, ils sont poursuivis par le vaisseau de Robot Prince IV qui es en train de lire A night time smoke.

Sur une planète assez proche, The Will a contacté son assurance-vaisseau pour savoir quand ils viendront pour réparer. Gwendolyn demande à Sophie, l'enfant esclave, si elle entend quelque chose. Cette dernière répond par la négative, car son audition n'a pas encore récupéré de l'accident. The Will raccroche et s'emporte contre Gwendolyne parce qu'il lui avait demandé d'aller chercher du bois. Elle lui répond qu'elle n'est pas son assistante personnelle, et le ton de la conversation monte. Sophie leur rappelle qu'ils ont promis de ne pas en venir aux mains. le vaisseau arbre a enfin atterri sur la planète Quietus et Izabel sort la première en reconnaissance. Elle indique aux autres de faire attention en sortant, car le sol est jonché d'os humains. Klara se baisse et ramasse un crâne qui s'anime et lui mord violemment l'oreille, sans la lâcher. Izabel explique que c'est le virus des os qui les réanime. le squelette entier d'un grand animal se met à s'animer et Alana lui décoche un coup de masse d'armes. Marko arrache le crâne ayant attaqué sa mère Klara, et il arrache en même temps son oreille gauche. Un tir de pistolet à rayon détruit le squelette animal. Klara, Izabel, Marko et Alana avec Hazel dans les bras se retournent et découvrent un homme âgé en slip et chaussons roses, avec une robe de bain grande ouverte, et une bouteille à la main : D. Oswald Heist.

Le précédent tome se terminait avec Prince Robot IV face à l'auteur D. Oswald Heist, et la famille d'Hazel coincée dans une pièce au-dessus dans le phare. Conforme à ses habitudes, Brian K. Vaughan ramène le lecteur pour lui montrer tout ce qui s'est passé avant pour en arriver à cette situation tendue. Dès la première page, le lecteur est frappé par le mélange de banalité ordinaire et d'éléments de science-fiction. Tout du long, il relève ces éléments qui ancrent le récit et les personnages dans un réel très proche : le sans-abri avec toutes ses affaires dans son caddie, la presse à scandale, la couche à changer, l'enfant qui demande à ses parents de ne pas se disputer, le vieux débraillé, tout ça rien que dans l'épisode 1. Par la suite, de tels moments continuent de survenir : une partie de pêche, un baiser non consenti, un individu qui fait le plein de son véhicule, etc. Pour autant, chacun de ces moments est habillé des oripeaux de la science-fiction, avec la forte personnalité graphique de Fiona Staples. Elle continue de réaliser ses dessins à l'infographie, détourant les principaux éléments (personnages, contours des décors), d'un trait encré assez fin, donnant l'impression d'une technique en couleur directe pour l'intérieur des surfaces. Elle utilise également d'autres fonctions de l'infographie telle que la mise en transparence (très bel effet de transparence pour l'eau de la fontaine), la possibilité d'intégrer des modèles 3D pour les bâtiments, ou encore des formes géométriques pour les étoiles Clockwork.

Cette combinaison de plusieurs techniques avec les éléments de science-fiction donne un aspect exotique à ces scènes banales. le sans-abri a des petites ailes sur le dos. Belle maman a changé la couche dans une caverne avec des parois de bois et un champignon phosphorescent pour l'éclairage. L'enfant Sophie qui parle à une dame avec des cornes, à côté d'un chat qui fait sa taille, le vieux débraillé avec un pistolet à rayon (et un slip taché sur le devant), la pêche aux requins volants, le baiser avec une dame araignée en arrière-plan, un monsieur en habit militaire du dix-neuvième siècle et une tête en poste de télé qui fait le plein de son vaisseau spatial. le lecteur constate également que l'artiste a progressé en ce qui concerne la gestion de ses décors. Il ne se produit plus d'impression de vide dans les arrière-plans et les pages font voyager de planète en planète : le planétoïde (avec une forme étrange) sur lequel se trouvent The Will, Gwendolyn et Sophie au milieu d'une grande prairie très verte, la zone brumeuse sur Quietus avec l'ossuaire, la zone pavillonnaire où habite Eden, la mère d'Alana, la plage paradisiaque de sable blanc avec le responsable de l'agence de mercenaires, la vision des gratte-ciels de la mégapole où se trouve la comtesse Robot X. À chaque fois, le lecteur se sent transporté dans un lieu différent, avec ses particularités et son ambiance, le caractère champêtre étant à l'opposé de la ville bétonnée. Il en va de même pour les scènes d'intérieur : Fiona Staples permet au lecteur de se projeter dans la chambre d'hôpital très austère du soldat, dans le salon très accueillant d'Even et Rustik, dans l'appartement spacieux et dépouillé de l'agent spécial Gale, dans le salon beaucoup plus chaleureux de D. Oswald Heist où c'est un vrai plaisir de détailler les accessoires.

Le lecteur a eu le temps de s'habituer aux bizarreries physiologiques des personnages dans les épisodes précédents : les ailes d'Alana comme les cornes de Marko. Il retrouve la morphologie toujours aussi repoussante de Stalk, et celle tout aussi repoussante d'Izabel, avec ses intestins qui continuent de dégouliner. Il découvre les deux jeunes reporters venus interroger le soldat : un dessin en pleine page qui les rend immédiatement sympathiques, amenant un franc sourire sur le visage du lecteur. Even (la mère d'Alana) a également droit à sa présentation dans un dessin en pleine page : une surprise pour le lecteur, et à nouveau un personnage tout de suite sympathique. le lecteur n'est pas près d'oublier l'apparition de Velour dans un dessin en pleine page, la première amante de Gwendolyn, celle qui lui a pris sa virginité. En revanche, The Brand et Sweet Boy sont immédiatement inquiétants. L'agent spécial Gale est toujours aussi antipathique. Les Robots (IV et X) sont toujours aussi déconcertants avec leur vieux téléviseur en lieu et place de tête. le lecteur observe les émotions et le langage corporel des autres personnages : la vivacité d'Alana, le calme de Marko, la rigidité de Klara, les gestes plus détendus de D. Oswald Heist, ces jeux d'acteur participant à exprimer la personnalité des protagonistes.

Le lecteur a pu assimiler les principes de base du conflit entre Wreath et Landfall, et apprendre à connaître les principaux personnages dans les 2 premiers tomes. Il se sent plus à l'aise pour suivre l'intrigue et ses différents fils. Ce tome commence avec l'introduction des deux journalistes Upsher & Doff qui interrogent successivement le soldat ayant combattu sur Cleave (la planète avec le camp de prisonniers géré par Landfall), Even (la mère d'Alana), Comtesse Robot X, et l'agent spécial Gale. Ce fil narratif permet au scénariste de faire de brefs rappels sur les événements précédents, et d'apporter de nouvelles informations dans une forme ludique par le biais de 2 personnages qui approfondissent la situation, ce qui correspond exactement au positionnement du lecteur. Il suit également la cellule familiale d'Alana, Marko, Klara, Hazel et Izabel, jusqu'à Quietus, chez D. Oswald Heist. Ce sont les personnages dans lesquels il est le plus investi émotionnellement : il comprend graduellement qu'ils ont déjà chacun une histoire personnelle. Il se pose des questions sur les responsabilités d'Alana dans l'armée, sur les valeurs de Klara, tout en appréciant le regard que Hazel jette en arrière en commentant ces moments-là. le lecteur comprend assez rapidement ce qui se passe sur le planétoïde, entre The Will, Gwedolyn et Sophie. Il se rend compte que même s'ils représentent les ennemis des héros, il s'est attaché à eux. Sophie est avant tout une victime, une enfant qui a dû se prostituer dans une maison close, et finalement The Will et Gwendolyn se conduisent entre êtres humains dotés d'empathie, animés par des émotions, à l'opposé d'ennemis méchants parce que c'est comme ça. En arrière-plan, le lecteur remarque que Brian K. Vaughan est très doué pour intégrer tout naturellement des situations qui sortent de l'ordinaire. Alana et Klara doivent apprendre à se connaître, avec des convictions très opposées. The Will se retrouve confronté à son envie de vivre une vie sans donner la mort. D. Oswald Heist et Klara se rendent compte qu'une expérience traumatique similaire les rapproche. le plus étonnant est la découverte d'Even, la mère d'Alana, peut-être encore plus provocatrice du fait de sa relation passée avec Alana.

Avec ce troisième tome, les auteurs continuent de défier les clichés. Fiona Staples a abouti à une narration visuelle très personnelle, mettant à profit les possibilités de l'infographie, sans en abuser, pour transcrire sa sensibilité. Brian K. Vaughan sait faire s'exprimer toute la saveur de ses personnages. Les deux auteurs manient avec une rare habileté les conventions de genre de la science-fiction, emmenant le lecteur dans un univers qui n'appartiennent qu'à eux, mêlant la condition humaine dans ce qu'elle a de plus ordinaire, avec le merveilleux de lieux et de personnages spectaculaires, dans une comédie dramatique classique et bien menée.
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