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Critique de SZRAMOWO


Juanita Narboni nous invite dans son petit théâtre : la société coloniale marocaine de la ville de Tanger où, Français, Espagnols, Italiens Marocains, autochtones et indigènes, étrangers et transplantés, jouent chacun leur rôle sous l'oeil bienveillant des autres. Athées, Juifs, Catholiques, Musulmans vivent en bonne intelligence.
Les occasions de représentation sont nombreuses et se font en live. La plage s'y prête. Les fêtes aussi. Et, sans tomber dans le « c'était mieux autrefois », ce qui fait la différence entre cette société et la nôtre, c'est que l'image de l'autre, de l'étranger, du différent de moi, ne passe par aucun filtre, il est telle que je le vois au quotidien.
Juanita est l'aînée d'une famille de deux soeurs. Une mère malade, un père volage, une petite soeur aguicheuse : « Dieu me pardonne mais je n'ai jamais vu des gens se peloter avec aussi peu de pudeur. », qui elle, a eu droit au Lycée Français.
Juanita elle, est restée à la maison, où « (…) personne en fait la viande en sauce mieux que moi (…) ». Elle observe, réfléchit, doute, laisse la bride sur le coeur à ses pensées... « Je n'arrive jamais à exprimer mes intentions. On dirait que mes gestes m'échappent. »
Elle est dépositaire d'une histoire, d'une culture, d'une langue au sens de Camus, ma patrie c'est la langue française.
La patrie de Juanita est une langue construite à partir de différentes cultures, le Haketia, dialecte judéo-espagnol parlé par les megorachim, les Juifs séfarades installés au Maroc.
Et pour autant que l'on prête foi à l'affirmation du linguiste Claude Hagège, « la langue structure la pensée d'un individu. », réminiscence de celle de Jacques Lacan « les mots structurent la pensée », alors on comprend mieux la performance d'Angel Vazquez lorsqu'il a écrit La chienne de vie de Juanita Narboni.
La voix de Juanita, est plus qu'une voix, elle est l'image d'une société disparue.
Dans le petit théâtre de Juanita, on y trouve pêle-mêle, mais bien vivants, toutes les notabilités de Tanger qui s'expriment par son intermédiaire et finissent par ne faire plus qu'un avec elle :
Juanita est tour à tour, Mme Naudy, Mme Pichery, Rina Ketty sombreros y mantillas, Ricardo Atalaya, la Virgen del Carmel, Isabel, la bonne de Cartagina, Maria Benêt, Mme Marinetti, Germaine Laroc, Rupert l'écrivain anglais, Obdulia, Don Jesus Perez, Monica Rito, Simita Benchimol, Margarita Espinosa, Caridad Medio, Dona Socorrito, El Rubito le marchand de chaussures, El Remate le vendeur de vêtements, Lunita Josan, Marinita Medina, Les Panades, le Dr Many, Casablanca le petit Paris, la Pharmacie Bouchard, les Bonbons Perugina de chez Furlan, l'Eau de Cologne "pompeya", les journaux, El Porvenir et l'A.B.C…, il « cuore » d'Edmundo d'Amici.
Un livre étonnant, rassurant, iconoclaste et rafraichissant.
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