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Critique de amenul


On échappe rarement aux mesquineries pécuniaires, surtout quand on est une légende en devenir. le projet date de 1950-1951, une période difficile pour Vian précise Nicole Bertolt dans la postface. le pataphysicien était alors en quête de liquidités !

Le livre devait sortir dans la collection « Roman Série noire » des éditions du Scorpion, s'adresser à un grand public et être signé Vernon Sullivan, comme J'irai cracher sur vos tombes. Vian, qui semblait enthousiasmé par ce projet, oublia curieusement la cinquantaine de feuilles dans une pochette, avec le synopsis. Sa veuve Ursula Vian Kübler couva longtemps le désir de faire terminer le livre. Hélas elle n'aura eu le loisir de voir exaucer son voeu... en tout cas de son vivant ! Car la « cohérie Vian », dont fait partie son fils Patrick, a finalement confié aux sociétaires de l'OuLiPo la poursuite du dernier roman non-édité de l'auteur maudit.

C'est l'histoire d'un revenant de Corée, qui aspire tout naturellement à oublier les atrocités de la guerre. Hélas, il n'a pas le temps d'embrasser sa mère que le voilà confronté à un crime horrible : la femme qui l'a initié a été assassinée. Et c'est pas fini ! Car Frank découvre que ses ex meurent une à une...

Tous les codes du roman noir (burlesque) sont réunis pour plaire aux amateurs : rythme effréné, détails croustillants, psychologie minimaliste, suspens garanti.

L'édition accompagne ce texte de notes à tous les chapitres, permettant de comprendre quelques références jazzistiques, littéraires ou automobiles de Vian et de ceux qui l'ont imité. Elle précise aussi les « coulisses » de la rédaction, notamment les questions qui se sont posées. Comment par exemple, écrire aujourd'hui sur les femmes ou les Noirs dans un roman supposé écrit aux Etats-Unis il y a soixante-dix ans? Ainsi l'Ouvroir justifie t-il la poursuite du « machisme vintage » de Sullivan avec un alibi bien trouvé : il était impulsé par Clémentine Mélois, la seul femme des six pasticheurs ! Ils ont eu raison, en voici un exemple, page 82 : « Avec Carmen, Narcissus avait tiré le gros lot, enfin, gros juste là où il faut. Elle était moulée dans une robe de soie émeraude qui rimait très bien – comme un poème – avec ses yeux verts, aux iris mouchetés d'or. Un truc vraiment chouette. » Cette phrase, page 65, est pas mal aussi : « Il y a dix ans, c'était le genre de brune incendiaire pour laquelle un golfeur aurait rebouché les trous du green pour éviter qu'elle y tombe. ».

L'OuLiPo a pris de la liberté avec le synopsis, assez allusif, en se permettant d'inventer de robustes personnages secondaires. Il s'est aussi amusé à refourguer de vraies phrases de Vian, à coller un poème obéissant à des règles bizarres en note et à d'autres minces exercices, aussi stimulants pour les écriveurs que pour les lecteurs. En somme ce n'est pas un livre qui change une vie, mais on peut saluer ce travail d'écriture exigent, publié chez Fayard ; et on referme le livre en se disant que rien n'a changé. Combien d'écrivains majeurs les majors de l'édition peuvent-ils laisser sur le carreau ?
Lien : https://blogs.mediapart.fr/e..
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