AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ladesiderienne


CHALLENGE ABC 2014/2015 (18/26)

Dévoré, plus que lu, dans le bus qui m'emmenait à Venise (inutile de préciser qu'il n'a pas tenu tout le trajet), l'ambiance de ce roman n'était pas vraiment en accord avec celle du carnaval qui m'attendait. Peu importe, cela ne m'a pas empêché d'en apprécier toute la tragédie.

Paris, deux solitudes vont se frôler, se côtoyer dans l'anonymat de la ville tentaculaire. Mathilde, cadre dans une société de marketing, a réussi à surmonter son veuvage et élève seule ses trois enfants. Sa vie professionnelle bascule le jour où elle soutient un consultant face à son responsable. de brimades en persécutions, elle va finir dans un obscur bureau à côté des toilettes, sans matériel informatique. Lâchée par la majorité de ses collègues, elle se retrouve au bord du gouffre, accrochée à la prédiction d'une voyante qui lui a dit que sa vie va changer le 20 mai. Thibault, lui, est médecin urgentiste, métier auquel il a consacré toute son existence. Sa ville, il la connaît aussi bien qu'il peut faire sûrement le diagnostic d'une maladie. Éperdument amoureux de Lila, il s'est pourtant résolu à rompre avec elle devant l'indifférence et le peu de sentiments de la jeune femme. le voilà, à 43 ans, inquiet devant le bilan de sa vie. Dans ce monde déshumanisé, le mal être n'est plus l'apanage des classes défavorisées.

Comme, je suppose, beaucoup de lecteurs, à chaque page tournée, j'ai espéré la rencontre de ces deux êtres qui sont sur le point de renoncer, sur le point d'accepter d'avoir perdu. Delphine de Vigan, auteure que je découvre, décrit avec talent le quotidien de ses personnages, en alternance à chaque chapitre, leur passé, leur présent, mais leur avenir reste flou, comme en suspension. Et pourtant, il suffirait de pas grand chose, car on les sent fait l'un pour l'autre. La justesse du ton et la sincérité des émotions sur ce monde du travail qui peut détruire si facilement un être humain m'ont touchée. J'y ai aussi parfois retrouvé un peu d'humour noyé dans le désespoir, celui de la dernière chance, quand dans un dernier sursaut d'orgueil, on se dit, il vaut mieux en rire qu'en pleurer.
C'est aussi le roman d'une ville et j'ai beaucoup aimé la peinture de la vie souterraine des milliers de gens qui empruntent les couloirs du métro parisien.

Mon seul reproche concernera la longueur du roman : j'aurais préféré ne pas descendre tout de suite à la station et aller jusqu'au terminus avec Mathilde. Un 18/20 pour honorer ce drame moderne et silencieux !


"Ça s'passe boul'vard Haussman à cinq heures
Elle sent venir une larme de son coeur
D'un revers de la main elle efface
Des fois on sait pas bien c'qui s'passe

Pourquoi ces rivières
Soudain sur les joues qui coulent
Dans la fourmilière
C'est l'Ultra Moderne Solitude" (Alain Souchon)


Commenter  J’apprécie          260



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}