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Critique de sebthoja


« Les fidélités silencieuses »

Suis-je loyal envers ma famille, mon passé, envers moi-même, c'est la question que nous pose Delphine de Vigan dans son nouveau roman. Texte court et incisif qui met en scène successivement quatre personnages, tous en prise avec eux-mêmes, en prise avec leurs « loyautés ».

Hélène, professeure de SVT dans un collège parisien qui remarque très vite en Théo, son jeune élève de 5ème, un mal-être qui lui rappelle tellement le sien : la maltraitance. Elle croit voir en sa fatigue permanente et dans son regard fuyant les stigmates des coups qu'elle-même a reçus à son âge.

Théo Lubin, 12 ans encaisse en effet les coups sur son corps, mais seulement ceux dont il s'inflige lui-même. Les cours de sciences naturelles d'Hélène aident à mieux comprendre le fonctionnement de la digestion. Pour lui, il s'agit d'améliorer les effets de l'absorption de puissances nocives. L'alcool, dans son tube digestif d'enfant. Boire à s'en faire « exploser » la tête.
Boire pour oublier, s'oublier, disparaître. Ne plus avoir à passer « d'un monde à l'autre » : une semaine chez sa mère, rongée par la déception et la haine de l'homme qui l'a quittée, son père ; une semaine chez cet homme qui n'en est plus tout à fait un, ravagé par la déchéance sociale qui le cloue au lit, incapable de toute responsabilité paternelle, impuissant.

Mathis Guillaume, 12 ans lui aussi, qui accompagne et soutient Théo. C'est son copain. Il vit chez ses deux parents dans un bonheur apparent, mais qui n'est que de façade.

Si chez Hélène et Théo, les « loyautés » sont trahies par les corps meurtris, chez Mathis et sa mère, Cécile, ce sont les mots qui enchaînent. Les mots que celle-ci a dûs apprendre pour paraître dans ce milieu bourgeois qui n'est pas le sien. C'est celui de William, le père de Mathis. Mais les mots qu'il lui a appris pour qu'elle parle un « bon français », lui servent en fait, grâce à une double personnalité sur internet, à exprimer ses haines « racistes, antisémites, homophobes et misogynes ».

Les corps qu'on aliène. Les mots qui enchaînent. Les « loyautés » sont difficiles à vivre pour Hélène, Théo, Mathis et Cécile. Quatre personnages pris dans la tourmente de notre monde d'aujourd'hui, entravés par ces « tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves ».
Mais celles-ci peuvent aussi être « les tremplins sur lesquels nos forces se déploient »...C'est donc le souffle court, dans ce roman dense et intense que nous partirons à la recherche de cet espoir, à la recherche de notre « propre lumière ».
De la première ligne à la dernière, c'est seulement en tournant la dernière page, grâce à une narration implacable, que vous reprendrez votre respiration, face à ces « loyautés », face à vous même.

Après ses deux derniers livres à succès et largement récompensés : Rien ne s'oppose à la nuit, qui obtint notamment le prix du Roman Fnac en 2011, et D'après une histoire vraie, prix Renaudot et Goncourt des Lycéens en 2015, Delphine de Vigan, avec ce huitième roman, renoue avec la trame narrative des Heures souterraines, publié en 2009, sur « les violences invisibles d'un monde privé de douceur »...
Les Loyautés, ces « fidélités silencieuses », comme elle les définit elle-même, laisseront en vous des traces invisibles mais tenaces.

Lu en janvier 2018.

Retrouvez mon article sur Fnac.com/Le conseils des libraires :
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