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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissances préalables des personnages. Il comprend les 3 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, écrits, dessinés, et encrés par Adam Hughes, avec une mise en couleurs effectuée par José Villarrubia, avec un lettrage réalisé par Jack Morelli.

À Riverdale (une ville fictive des États-Unis), Hot Dog, le chien de Jughead est en train de commenter (pour le bénéfice du lecteur) le dessin pleine page qui montre Betty (Elizabeth Copper) et Veronica (Veronica Lodge, surnommée Ronnie) en train de se crêper le chignon devant d'autres étudiants, dans le gymnase couvert de l'université. 6 semaines auparavant, Archie (Archibald Andrews) et Jughead (Forsythe Pendleton Jones III) étaient en train de marcher en réfléchissant à l'issue de combats imaginaires, entre le Père Noël et le Lapin de Pâques, entre eux, entre Betty et Veronica. En devisant ainsi, ils parviennent devant la maison de Betty. Elle est en train de manipuler des sacs de gravier de 30 kilogrammes, pendant que Veronica se prélasse dans une chaise longue en lui donnant des conseils relatifs à son hydratation. Les 4 amis décident de se rendre au diner de Pop (Terry Tate) pour aller manger.

En route, les 4 amis manquent de se faire renverser par un camion de l'entreprise Kweekwegs Koffee, une chaîne de café. Ils arrivent et constatent une pancarte annonçant la fermeture imminente du diner Chez Pop. Ils pénètrent dans l'établissement et interrogent Pop sur la raison de cette fermeture. Il leur explique que la chaîne Kweekwegs souhaite installer un de leurs établissements sur le site du sien, et qu'ils l'ont racheté à la banque auprès de laquelle il a contracté un prêt. Il disposait d'un délai de 6 semaines pour réunir la somme manquant pour rembourser la banque et ainsi éviter ce rachat. Malheureusement il ne voit pas comment réunir 60.000 dollars dans un délai aussi court. En outre, il ne peut pas renégocier son prêt, car la chaîne Kweekwegs a racheté cette banque. Betty décide immédiatement de prendre les choses en main pour réussir à réunir cette somme. Veronica reste étrangement en retrait.

Le personnage d'Archie a été créé en 1941 par John L. Goldwater, Bob Montana et Vic Bloom. Sa série de comics met en scène des personnages blancs au lycée vaguement facétieux, pour des gags très consensuels. La série initiale a donné lieu à de nombreuses séries dérivées dont une consacrée à Betty & Veronica. Les lecteurs se désintéressant progressivement de cette vision édulcorée et très blanche d'une petite ville de l'Amérique, les responsables éditoriaux ont entrepris de la moderniser. Un signe avant-coureur a été l'arrivée de zombies à Riverdale dans Afterlife with Archie (2013/2014) par Roberto Aguirre-Sacasa & Francesco Francavilla, et la mort d'Archie dans The Death of Archie: A Life Celebrated. En 2015, les lecteurs ont vu arriver une nouvelle série consacrée au personnage : Archie Vol. 1 (2015) par Mark Waid & Fiona Staples, avec des protagonistes un peu plus âgés, et des histoires pour un lectorat également un peu plus âgé. Enfin en 2017, Archie et consorts ont eu droit à une série télévisée : Riverdale. le présent tome s'inscrit dans cette vague de modernisation.

Le lecteur peut donc être attiré par l'envie de découvrir des personnages de son enfance se comportant en jeunes adultes, dans une histoire un peu moins tout public. Plus vraisemblablement, le lecteur de comics est venu attiré par l'identité de l'auteur : Adam Hughes, surtout célèbre pour ses couvertures proposant des versions pin-ups de superhéroïnes, et pour quelques rares épisodes dont il a dessiné l'intérieur, comme la rencontre WildCATS / X-Men : les temps modernes (1997). Il ne fait pas de doute que cet artiste saura transcender l'apparence de Betty et de Veronica pour en faire des jeunes femmes à la séduction physique irrésistible. La couverture montre deux jeunes bien comme il faut, pleines de vie, sans hypersexualisation de leur corps. le premier dessin en pleine page les montre en train de se tirer les cheveux, avec des silhouettes fines, en talons hauts, mais sans exagération de leur taille de bonnet ou de leurs hanches. le dessin le plus dénudé se trouve également dans l'épisode 1 alors qu'elles sont allongées sur le sol en bikini, mais là encore il n'y a pas de pose lascive ou suggestive. Dans l'épisode 2, il y a bien une scène de lavage de voiture en bikini, mais ce n'est ni Betty, ni Veronica qui passe l'éponge sur les carrosseries et le lecteur ne voit qu'un mollet dénudé et un avant-bras sortir de la mousse.

Adam Hughes réalise donc des planches très chastes, sans intention d'émoustiller le lecteur mâle ou de titiller sa libido. En entamant ce tome, le lecteur se trouve un peu surpris du parti pris du metteur en couleurs. José Villarrubia a choisi une palette un peu terne. Il ne s'agit pas de teintes sépia qui désigneraient le récit comme appartenant au passé, ou comme étant une vision fantasmée d'une Amérique sublimée. Il s'agit plutôt d'une approche qui refuse une vision rutilante, préférant donner une vision plus en retenue, ce qui est en cohérence avec l'approche de l'artiste. Tout du long des 3 épisodes, le lecteur apprécie de pouvoir se projeter dans des environnements représentés de manière réaliste avec un bon niveau de détails : la pelouse devant la maison des Cooper, le diner de Pop, le salon des Cooper, le gymnase du lycée. Il observe que les feuilles d'automne tombent régulièrement quand les personnages se trouvent dans la rue. Il peut regarder les tenues vestimentaires des personnages, simples et adaptées à des jeunes, ainsi que les différentes coiffures. Hughes sait conférer une évidence naturelle à tous ces éléments.

Le récit repose sur l'imminence d'un changement, une menace déjà utilisée dans la série Archie à plusieurs reprises, à savoir la disparition du diner de Pop. Il s'agit avant tout d'une comédie de situation, disposant d'un peu plus de moyens qu'à l'ordinaire, ce qui permet d'inclure des séquences tournées en extérieur. La vitalité de la narration repose donc beaucoup sur le jeu des acteurs. Sur ce plan-là, Adam Hughes sait insuffler de la vie à ces personnages, que ce soit au travers des expressions de leur visage ou de leur posture. Il compose des plans de prise de vue qui accompagnent les personnages, et changent régulièrement d'angle pour se focaliser soit sur leurs mouvements, soit sur leurs expressions. Il conçoit son découpage de planche en cases en fonction de la nature de la scène. Il intègre quelques dessins en pleine page, à raison d'un ou deux dans les 2 premiers épisodes, sans en abuser. Il joue avec les attentes du lecteur, en montrant Betty et Veronica prêtes à en venir aux mains, puis en expliquant à quoi correspond réellement cette scène. Il se joue de lui avec 2 pages dans l'épisode 1 sur fond blanc, avec plus de phylactères que de personnages, expliquant que le chien a mangé les planches dessinées et qu'il a dû y substituer celles-là.

Le lecteur découvre donc une comédie de situation, avec des personnages sympathiques, à la psychologie superficielle, avec des sentiments positifs et des émotions chaleureuses. Petit à petit, il se rend compte que l'auteur déroule son intrigue suivant une structure très linéaire réservant peu de surprises, dépourvue d'action. Les échanges entre les personnages restent au niveau de la discussion sans conséquence, leur dimension psychologique n'étant pas développée. Adam Hughes se conforme au cahier des charges qui est de mettre en scène des personnages sains et sans problème, dans une Amérique blanche et propre sur elle, sans dimension sociale. Ces personnages restent dans une stase qui les maintient dans une position immuable, échangeant des propos banals par lesquels il est hors de question de remettre en cause l'ordre établi ou d'introduire du changement. Alors que la narration visuelle a gagné en sophistication, l'histoire reste dans le même registre essentiellement destiné à des enfants.

Le lecteur est attiré par la promesse de 3 épisodes dessinés par Adam Hughes. Cet artiste s'investit complètement dans la narration visuelle, sans se reposer sur la plastique des 2 héroïnes. le lecteur voit des personnages vivre sous ses yeux, dans une comédie de situation innocente. Il découvre petit à petit que le scénario reste sagement dans les clous des spécifications immuables de la série, pour un immobilisme déconcertant.
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