Une société qui continue à reposer toute entière sur le mariage pourra-t-elle longtemps éviter qu'il soit remis en question? Parce qu'il implique l'effacement total de l'individu dans la cellule familiale,il est le rempart de la société indienne,aussi bien contre l'individualisme occidental que contre les idéologies communautaires venues du nord.Ecrasant pilier de l'ordre social,ne sera-t-il pad aussi le premier à être contesté?
Une femme hindoue ne peut avoir de destinée hors du mariage.Ni amours ni activités personnelles.C'était l'évidence au temps de l'enfance de Mohini et,si les choses ont changé,c'est qu'aucune société ne peut plus se tenir à l'écart des courants d'idées qui remuent le monde et érodent les traditions.
Servir,se sacrifier n'est pas si noble et désinteressé que vous le pensez... c'est un moyen de se rendre indispensable aux autres,pour être reconnue par eux.
Quinze ans de vie heureuse. Dans l’histoire de Mohini ils apparaissent comme une plage de sérénité lumineuse. Quinze années de 1950 à 1966, pendant lesquelles l’Inde moderne prend peu à peu sa stature. Non sans difficulté : une immense population vit encore dans la misère et la terreur des famines, tandis que des princes couverts de perles continuent à chasser le tigre à dos d’éléphant ; et la corruption installée depuis des siècles a la vie dure. Il faut faire cesser les inégalités, mettre sur pied une économie en pataugeant péniblement à travers des plans quinquennaux : et, plus difficile encore, il faut pétrir ensemble plus de six cents Etats où quatre cent millions d’hommes parlent cinquante langues différentes, pour en faire une République unie. Nehru y réussit et se tue à la tâche ; il n’évite pourtant pas les tragédies. En 1962, les Chinois enlèvent un morceau d’Himalaya. Trois ans plus tard, mis en appétit, le Pakistan se jette de nouveau sur le Cachemire ; mais l’armée indienne a eu le temps de se ressaisir et de devenir une force redoutable, capable de résister, et la guerre de 1965 ne dure que vingt-deux jours.
A tour de rôle,nous sommes Achille et la tortue,cherchant à nous rejoindre et n'y parvenant jamais.Faut-il donc changer de nature,ou bien simplement dénoncer le paradoxe,pour faire que l'Est et l'Ouest se rencontrent?
Les femmes indiennes,que j'ai tant admirées pour leur sérénité,ne peuvent conquérir la liberté sans abandonner la sécurité qui les rend si calmes.
Peut-on entourer une âme de bandelettes comme les petits pieds des chinoises?