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Critique de oblo


oblo
08 février 2018
L'étoile Marche-Arrêt est une curiosité spatiale : elle brille pendant 35 ans avant de s'éteindre pour 215 ans. Cette curiosité pousse deux civilisations humaines à monter des expéditions pour observer le phénomène. D'un côté, les Qeng Ho sont un peuple marchand qui a fait de l'univers son terrain de jeu. Espérant trouver des ressources à exploiter, les Qeng Ho sont cependant mis en concurrence avec les Emergents, un peuple guerrier qui vise la conquête de la planète. Rapidement, les Emergents prennent le dessus, éradiquant l'état-major Qeng Ho et transformant le plus gros de leurs troupes en Focalisés, c'est-à-dire en zombies concentrés uniquement sur leur spécialité. L'affrontement fait néanmoins des dégâts, et la double expédition en est réduite à attendre que les Araignées, hôtes de la planète Arachnia, atteignent un certain degré d'évolution technologique.

Tandis que les relations tendent à se normaliser entre les Qeng Ho, dominé,s et les Emergents, dominants, on suit l'évolution des Araignées. La narration se concentre sur le personnage de Sherkaner Underhill, véritable génie qui fait faire un bond à la technologie et permet aux Araignées d'envisager la vie durant la Grande Ténèbre, c'est-à-dire pendant le cycle de 215 ans durant lequel leur soleil est éteint. Mari de la chef des Renseignements, Victory Smith, Sherkaner oeuvre d'abord pour mettre fin à la guerre qui oppose son pays, l'Accord, aux Thiefs. La paix, toutefois, sera de courte durée sur Arachnia : face à l'Accord apparaît bientôt la Parenté ainsi qu'un troisième Etat, Terresud : entre les trois, l'équilibre est fragile et la menace de la guerre de plus en plus présente. La grande force du roman, concernant les Araignées, est précisément de les humaniser : dans les scènes et les dialogues, on imagine sans peine des humains : façon littéraire de focaliser le lecteur sur les personnalités des Araignées, et non sur leur apparence (on imagine difficilement la même chose au cinéma : la littérature dévoile ici l'un de ses pouvoirs).

Dans les ruines de la flotte humaine, les relations entre Qeng Ho et Emergents représentent le gros de l'oeuvre. Ce sont des relations de pouvoir, bien sûr, et de nécessité. Si loin de l'Humanité, les deux clans sont obligés de s'entendre et chacun doit faire des concessions. Toutefois, le pouvoir induit par la présence des Focalisés au service des Emergents fait de ces derniers les vrais maîtres du jeu. En tête, Thomas Nau, le Subrécargue, est aidé de Ritser Brughel et d'Anne Reynolt, dont la personnalité monomaniaque interroge et inquiète. Face à eux, Ezr Vinh est le descendant d'une illustre famille de Négociants Qeng Ho. Jeune apprenti au début du roman, il est choisi par Thomas Nau pour être le représentant des siens. A ses côtés, Qiwi Lisolet fait le lien entre Nau et les Qeng Ho puisqu'elle est la compagne du premier (lequel n'hésite pas lui laver le cerveau lorsque les doutes deviennent trop présents). Par ses compétences et ses origines familiales, Qiwi fait l'unanimité et adoucit la tyrannie des Emergents. Enfin, Pham Trinli est un vieux soldat dont les origines obscures nourrissent aussi une partie du roman. Il devient à son tour une figure de proue de la résistance des Qeng Ho, résistance qui vise surtout au sabotage des missions des Emergents.

Le roman met donc en place un jeu à trois. Dans chacune des deux races - Humains et Araignées -, des clans rivaux se distinguent et s'affrontent : les uns dans un huis-clos spatial (les Humains), les autres dans une sorte de remake de la Guerre Froide (les Araignées). La possession du savoir et le contrôle de l'information sont au coeur des relations de pouvoir, cependant que le caractère affectif qui unit les êtres entre eux passe souvent au deuxième plan des facteurs déterminants les actions.

Si Vernor Vinge interroge la notion d'altérité - comment ne pas se sentir plus proche de Sherkaner, pourtant une Araignée, que de Thomas Nau, un Humain ? -, il pèche cependant à cause de certaines longueurs et, surtout, d'un manque de relief. La narration est agréable, fluide même, et en décrivant pareilles portions de l'espace, Vernor Vinge inclut un peu de rêves dans ses pages. Mais le manichéisme ambiant (les gentils Qeng Ho, les méchants Emergents ; les gentils de l'Accord, les méchants de la Parenté ; le gentil Commerce ; l'affreuse Force Militaire) ainsi que quelques raccourcis éculés (le jeune prodige qui devient vieux fou, le double jeu de Nau, le happy end final ...) plombent l'impression générale. Enfin, si le langage est parfois difficilement compréhensible (ce qui, paradoxalement, entretient la crédibilité d'un livre de science-fiction, notamment dans la hard SF : cf. Charles Stross notamment), il n'y a pas de trouvailles particulières, rien qui distingue notre monde de celui d'Ezr Vinh (hormis les voyages dans l'espace, mais pour un space opera, c'est chose normale). Oeuvre et pas chef d'oeuvre, donc : Au tréfonds du ciel est une naine brune au firmament de la science-fiction.
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