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Critique de Aquilon62


Dans ce "Dédale" que peut sembler être la mythologie, si il y a bien un mythe bien un mythe bien ou mieux connu que les autres c'est bien celui d'Icare...
Alors en lisant, ce nouvel opus de cette collection "autobiographie d'un mythe", vous ne risquez pas de "vous brûler les ailes"....
Tant l'écriture d'Alain Vircondelet vous servira de "Fil d'Ariane"....

Après avoir magnifiquement remonter le fil du destin de Dédale - Daidalon -  "l'astucieux", "le rusé", celui à qui on ne l'a fait pas (architecte, inventeur, bref une sorte de Léonard de Vinci de la mythologie)
Rien ne lui résiste, mais comme tout le monde il n'est pas exempt de défauts : il est jaloux, envieux, ne supporte pas que quelqu'un soit plus astucieux que lui.
Le Mythographe Apollodore nous apprend qu'il a été chassé d'Athènes pour y avoir commis, lui aussi, un crime particulièrement abominable, un meurtre qui fait de lui un être peu aimable, bien que d'une intelligence à nulle autre pareille – corruptio optimi pessima dit l'adage : la corruption des meilleurs est la pire.
Diodore de Sicile, nous dit que Dédale prend son neveu Talos comme apprenti. Mais l'élève dépasse le maître, et le maître décide de se débarrasser de l'élève....
Exilé à Cnossos, il entre au service de Minos. Il construit le fameux labyrinthe pour y enfermer le Minotaure.
Ce monstre mi homme-mi taureau, qui attend tous les 9 ans le tribut que les Athéniens doivent livrer : sept garçons et sept filles dont il se repaîtra. Jusqu'à ce  que Thesee aidé d'Ariane, tué le monstre du labyrinthe.
Fou de rage Minos enferme père et fils dans le labyrinthe. Et voilà, l'inventeur prisonnier de sa propre invention à chacun d'y voir quelque interprétation moderne....

Mais en bon inventeur, Dédale trouve la solution pour s'échapper avec son fils : Avec de la cire et des plumes, il fabrique deux magnifiques paires d'ailes, une pour lui et une autre pour son fils, et d'expliquer à Icare :
"Suis mon conseil, Icare,
Tiens-toi à mi-hauteur. L'eau plombera tes ailes
Si tu descends trop bas, trop haut tu grilleras,
Donc vole entre les deux. Tu ne dois jamais voir
Le Bouvier, Hélicé ni l'épée nue d'Orion,
Prends-moi pour guide. Il lui apprend comment voler,
Lui fixe à chaque épaule un prototype d'aile,
Et, parlant, s'affairant, la main de ce vieux père
Tremble, et sa joue s'humecte. Il embrasse l'enfant
Qu'il n'embrassera plus, s'élève d'un coup d'aile,
Prend la tête, apeuré pour son fils tel l'oiseau
Poussant du haut du nid ses oisillons novices,
L'exhorte à suivre, lui apprend son art funeste,
Et se tourne en volant pour voir comme il s'y prend."
Pour citer Ovide dans ses Métamorphoses (Traduction Olivier Sers - Édition du Centenaire Les Belles Lettres)

" Ainsi parlait Icare.
Il se préparait à la grande aventure de sa vie la seule qui lui permettrait d'oser contrarier son destin, de franchir les limites de son humanité, de se soustraire aux décisions des dieux."

Icare acquiesce, affirme qu'il a bien compris, mais une fois dans le ciel, il perd toute mesure. Il cède à l'hybris. Grisé par ses nouveaux pouvoirs, il se prend pour un oiseau, peut-être même pour un dieu. Il néglige toutes les recommandations de son père. Il ne peut résister au plaisir de s'élever dans les cieux aussi haut qu'il peut. Mais le soleil brille et, à force de s'en approcher, la cire qui maintient les ailes se met à fondre. Tout d'un coup, elles se détachent et tombent dans la mer. Lui aussi, et il s'y noie sous les yeux de Dédale qui ne peut rien faire d'autre que pleurer la mort de son enfant. Depuis lors, cette mer a pris, comme dans le cas d'Égée, le nom du disparu : on l'appelle la mer Icarienne.

La chute est sublimée sous la plume de l'auteur, qui a su magnifiquement bien se glisser dans les interstices du mythe, comme dans les anfractuosités du mur de ce labyrinthe, pour magnifier sentiments, pensées, bref la quintessence du mythe
"Le jour, implacable, n'en finissait pas d'atteindre son zénith. Pour Icare, c'en était fini de cette existence lestée par le destin. Il éprouvait une émotion inconnue, celle d'un vertige qui se serait installé dans son corps même, il chutait, chutait, traversait des sortes de paliers, crevait des couches de nuages, forait des brumes épaisses puis retrouvait la clarté bleue du ciel, et toujours, dans sa chute, il été capable que de percevoir l'émotion profonde, inconsciente de se sentir éclaté, comme pulvérisé, devenant le foyer d'un milliard de cellules affolées qui se répandraient en gouttelettes dans l'air. Il était Icare et il n'était plus Icare, car seule son énergie désormais ouvrait la voie, cette énergie qui le ferait exploser en ondes multiples dans la mer s'ouvrant comme la mer d'Égypte aux prières de Moïse. C'était une chute qui n'avait pas de fin, dont il n'avait plus idée ni conscience. Il allait, seulement, il n'avait pas la sensation de tomber, car même dans le sens de sa chute, il avait l'impression de s'élargir, de rejoindre une vastitude originelle, semblable à celle d'avant la création du monde, dans une aube éternelle."

Et comme toujours peintures et sculptures viennent illustrer le mythe, cette collection est décidément d'une richesse qui va bien au-delà de la simple explication ou réécriture.
Ces livres portent tellement bien leur nom, ce sont les mythes qui s'adressent à nous....

Pour les plus curieux au sujet du labyrinthe, je ne peux que faire référence à la page 139 du livre d'Andrea Marcolongo version papier (ou 121 de la version numérique) "La part du héros", il y est représenté tel qu'il figure sur l'une des trente-trois pièces de monnaie retrouvées sur l'île de Crète et remontant à l'époque minoenne.
À vous de trouver la sortie.... Car le labyrinthe ne serait-il pas plus que ce que l'on voit....
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