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Critique de MorticiaAdams


Un Huron débarque sur une côte bretonne. Un frère et une soeur qui se promenaient là, se prennent d'affection pour ce drôle de personnage en qui ils croient bientôt reconnaître leur neveu d'Amérique. L'oncle, qui est prieur, décide de le convertir ce qui va donner lieu à quelques scènes comiques. L'histoire se complique quand l'Ingénu tombe amoureux de « la belle Saint-Yves ». C'est un début plaisant qui m'a rappelé le procédé des Lettres Persanes de Montesquieu : le regard de l'étranger sur le fonctionnement de cette société en fait apparaître les absurdités. Dans ce conte, c'est la religion qui en fait les frais.
Le qualificatif d'ingénu s'applique à notre Huron mais il est employé par Voltaire dans son sens fort, comme l'indique la définition de Furetière en note dans mon édition (Livre de poche), que je cite parce que je la trouve très belle : « Ingénu : qui a une franchise, une bonté et une sincérité naturelle pour reconnaître toujours la vérité. On abuse de ce mot, lorsqu'on le détourne en mauvaise part, lorsqu'on qualifie de sot et de niais celui qui est ingénu, qui dit les choses comme il les pense. »
J'avais gardé un excellent souvenir du style voltairien car j'avais dévoré Candide l'an dernier, que j'avais lu un sourire quasi permanent aux lèvres, séduite par la complicité malicieuse que le philosophe sait instaurer avec son lecteur. J'ai retrouvé dès le début de L'Ingénu ce même plaisir... jusqu'au chapitre X, qui m'a donné du fil à retordre. En effet, il m'a fallu me documenter pour comprendre les multiples références qui sont faites aux polémiques du temps, aux querelles qui opposent jésuites et jansénistes, en particulier concernant la notion de grâce. Cela est extrêmement daté pour un lecteur du XXIe siècle.
Mais je n'étais pas au bout de mes surprises, car la suite du conte attribue un rôle prépondérant au personnage féminin, Mademoiselle de Saint-Yves, dénonçant, non seulement l'hypocrisie révoltante de toute la société de cour, mais également le sort réservé aux femmes ; le texte s'avère alors extrêmement moderne.
Le destin des personnages secondaires produiront quelques « conversions » (celle du janséniste Gordon, du marquis de Saint-Pouange...), mais à quoi se convertissent-ils ? À plus de raison et d'humanité.
Finalement, c'est ce que je garderai de cette lecture, avec le sentiment que Voltaire était un écrivain incroyablement lucide et libre.
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