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Critique de Nastasia-B


Micromégas est un de ces gentils petits contes philosophiques, brefs et plaisants, relevés d'une fine pointe de piment d'Espelette, cette fameuse tendance à tirer à boulets rouges sur " le monde " parisien et ses travers, comme Voltaire savait si bien nous les concocter, cuits à point, posés sur une élégante assiette, à déguster en guise d'hors-d'oeuvre, avant des plats plus consistants.

On y trouve, comme à chaque fois, une allusion sous chaque mot, comme autant de messages codés, destinés à dire sans dire, n'est-ce pas, pour éviter censure et sanctions. Sans que ce jeu de dupe trompât probablement qui que ce fût, car les contemporains devaient très exactement savoir à qui s'adressait tel ou tel trait, lancé dans les cieux, sous des airs anodins, mais qui, bien entendu, ne l'étaient absolument pas.

De nos jours, il est vrai, toutes ces allusions ne sont plus forcément décryptables, car les destinataires ont disparu, en laissant bien souvent moins de traces que les attaques dont ils firent les frais.

Voltaire, en lorgnant très fort du côté de Jonathan Swift et de son Gulliver, notamment ses deux premiers voyages, à Lilliput et à Brobdingnag, nous invite à prendre du recul sur notre condition et tout ce qu'elle a de relatif. En effet, notre intelligence, notre taille, notre adaptation, etc., tout peut apparaître comme éminemment relatif.

C'est, tout bien considéré, une vision extrêmement naturaliste de la vie, où l'auteur nous invite à respecter tous les êtres vivants (humains ou autres), aussi divers ou insignifiants puissent-ils nous apparaître, depuis notre point de vue personnel, car tous ils ont leur harmonie, leur cohérence ou leur raison d'exister propres.

En somme, pour Voltaire, on est toujours le géant ou le microbe de quelqu'un d'autre. Micromégas, incommensurable géant, représentant de l'immense géante Sirius, voyageur et explorateur intersidéral, s'arrête en route sur la très grosse Jupiter, où il sympathise avec un très grand Jupitérien, mais qui, comparé au Sirien, semble rien moins qu'un nain.

Les deux braves géants, le bien grand et l'immense, s'arrêtent en chemin sur le minuscule globule que constitue pour eux notre planète Terre. Ils y apportent un regard extérieur et neuf, exempt de toute notion d'intérêt et de bas calculs. Micromégas y combat les préjugés du Jupitérien et manifeste une grande tolérance, doublée d'une volonté de compréhension de chaque système de la nature.

Des considérations sur les différences, les motivations des êtres, grands ou dérisoires, se font jour. Outre Swift, déjà mentionné, Voltaire nous y expose clairement sa filiation de pensée avec le philosophe anglais Locke, que l'on peut probablement considérer comme le véritable initiateur des Lumières.

Finalement, dans cette sorte de réponse de Normand que nous fait Voltaire, je lis une franche invitation à la tolérance, au respect de la différence, sans égard à la condition sociale ou à l'aspect extérieur, voire également, à un respect général de toutes les formes de vie de la nature, qu'il nous faut, selon l'auteur, nous efforcer de comprendre et non de juger ou de comparer avec nous même ou avec quiconque.

Le terrain se prépare doucement, calmement, pour la grande révolution darwinienne d'un siècle plus tard, peut-être plus encore que pour la Révolution française, au travers de ce petit conte, dont le caractère ne me semble toutefois pas hautement séditieux. Mais enfin, gardez à l'esprit que, comme toujours mes gars, ce micro avis, sur Jupiter, sur Sirius ou ici bas, ne signifie certainement pas grand chose.
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