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Critique de Biviers


Dès le titre (à double porte d'entrée) et son allitération, suivi d'un début enlevé, on sent que le livre sera imprégné de "beau-ésie" bouleversante.

Lune Vuillemin est une barde qui nous conte une femme blessée qui a souvent une "boule de tourbe" dans la gorge et qui vivra quelque temps auprès de la rivière Babine (Canada) et y soignera ses blessures avec l'aide de Jeff (dont seul "un oeil marche" et surtout une femme, Arden.

Depuis "Le Pion" et "Tea Rooms" j'aime cette maison d'Edition. Je me suis laissé entrainer dans cette belle histoire contemplative et remuante pleine de sensations et de sons que j'invite tous ceux qui n'ont pas été trop déçus de mes avis, et les autres aussi, à lire tellement il sort de la masse de livres sortis, tant ce (petit) roman lent est loin de l'agitation effrénée de notre monde. Il faut juste savoir s'arrêter un moment, prêter l'oreille à cette voix singulière qui nous relie à l'âme de la nature et l'âme humaine, ou plutôt qui rend la nature humaine.

La narratrice sur le chemin vers la mer va assister aux tentatives (en vain) d'une femme "aux mains d'araignée" - Arden - ("...ses doigts qui sentent la cannelle et l'écorce seront ce que je retiendrai d'elle. Je regarde ses ongles noirs, phalanges de vieille personne, empreintes digitales d'arbre centenaire..." (p. 29)) et d'un homme - Jeff - "avec un oeil qui marche et un autre qui ne marche pas (qui est éteint)" de sauver un orignale (Elan d'Amérique) mourant près d'un lac de l'Ontario (Canada). Les deux accueillent la narratrice, qui est fascinée par les 2, dans le refuge ou ils s'occupent d'animaux blessés (coyotes, opossums, renards, loutres). On comprend vite qu'en soignant les bêtes les protagonistes soignent également leurs propres blessures et fêlures. le lent apprivoisement de ce trio, l'histoire qui naît entre les deux femmes, se déroulera dans une langue poétique qui m'a fasciné et invité à lire des passages à haute voix, et m'a poussé à deux reprises presque dans une transe hypnotique. Et c'est par petits bouts seulement qu'on apprend des bribes du passé des personnages - juste ce qu'il faut pour mettre dans les interstices vides une part de nous-mêmes, de nos propres blessures et interrogations. Aux questions "D'ou viens-tu" et "Ou veux-tu aller quand tu partiras d'ici" la narratrice répondra tardivement :"il ne dit pas que je ne suis pas obligée de répondre mais ça se voit qu'il le pense. Je crois que j'ai mis les pieds sur une terre où les gens ne parlent pas beaucoup. Il faut parler leur langage pour saisir leur profondeur. Alors je lui dis .... (p. 35)
Moi, je ne veux pas trop dire non plus, mes mots ne sont pas à la hauteur de ce chant avec ses accents de nature writing, mais ne peux pas faire l'impasse sur une des très belles trouvailles : "l'herbier sonore", un carnet dans lequel sont notés des mots pour dire les sons qu'on entend dans la nature : "(mais...) ce sont surtout des mots de vide, d'absence, de secret, d'impalpable....(p. 83)..... "Je me rapproche, tends l'oreille. Des accents plus prononcés, des arythmies se distinguent. Il n'y a pas d'hésitations, tout est confiant. Par endroits, Babine (c'est une rivière, nda) est calme, presque immobile, telle une flaque d'eau. On la croirait autre. La voilà qui chuchote, prête à écouter peut-être...(...) ....là ou les longs doigts des gerris pianotent sur la peau de Babine...." ((p. 82-83))
L'émotion à peine freinée de la narratrice - et une belle fin pour le lecteur après 181 pages d'une belle densité poétique)

Lien : https://lorenztradfin.wordpr..
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