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Critique de Luniver


Quand l'humanité a découvert que l'univers ne tournait pas autour d'elle, ça l'a déjà sérieusement vexée. Mais apprendre que l'homme n'est qu'un animal parmi d'autres, encore aujourd'hui, ce n'est toujours pas passé. On se cherche désespérément des traits uniques : l'humour, l'amour, l'art, l'empathie, le sens de l'avenir, … Et si les candidats sont aussi nombreux, c'est que bien souvent, les animaux nous embarrassent par leurs similitudes avec nos comportements.

Frans de Waal nous raconte dans cet essai l'histoire de la science de l'éthologie (l'étude du comportement animal), qui, si elle a pris certain un essor récemment, a bien du mal à se libérer du joug des préjugés.

J'ai été assez surpris par le poids du béhaviorisme sur la discipline au début du siècle. le béhaviorisme considère que le comportement peut être principalement expliqué par des réflexes provoqués par des stimuli (je touche un objet très chaud => je retire ma main). Une forme extrême de cette pensée a fini par déterminer que les animaux n'étaient QUE ça : une collection de réflexes dans une boule de poils (ou de plumes, ou d'écailles, à votre meilleure convenance). Ce qui me semble quand même assez dingue, parce qu'il suffit d'avoir eu deux ou trois animaux dans son quotidien pour réaliser que les animaux sont plus complexes que ça… Alors oui, l'anthropomorphisme c'est pas bien, et se focaliser sur des expériences mesurables c'est pratique pour faire de la science, mais réduire des êtres vivants à des paquets de chiffres, c'est à mon sens passer à côté de l'essentiel.

Ensuite, les tests pour évaluer les capacités des animaux sont bien souvent des tests faits pour… des humains. Sans forcément s'en rendre compte par ailleurs : parfois on demande à l'animal une tâche non-adaptée à sa morphologie, ou qui n'a pas de sens dans sa vie quotidienne. L'exemple le plus parlant du livre est à mon sens celui sur la reconnaissance de visages. Des singes avaient des scores assez mauvais sur la reconnaissance de visages humains, on en a donc conclu qu'ils n'avaient pas la capacité de distinguer des individus. Quand le chercheur a demandé pourquoi on ne leur faisait pas plutôt reconnaître des visages d'autres singes, on lui a répondu que les résultats seraient certainement pires car les humains étaient très différents alors que les singes se ressemblaient tous ! Quand on a essayé cependant, les singes se sont révélés aussi doués que nous, allant jusqu'à identifier le père ou la mère d'un congénère qu'ils n'avaient pourtant jamais côtoyé… Qu'un singe soit mieux armé pour reconnaître les individus de son groupe social plutôt que ceux des espèces exotiques, ça semble après coup évident, mais c'est visiblement quelque chose qu'on a du mal à penser d'instinct.

Le livre fourmille de résultats scientifiques assez interpellants, qui remettent en question les définition d' « intelligence » ou de « conscience ». On se demande également si on ne surévalue pas nos propres capacités régulièrement. Enfin, l'auteur plaide pour s'intéresser à l'animal en tant que tel, de l'étudier dans les tâches dans lesquelles il excelle, et surtout, de mettre de côté cette ridicule insécurité qui nous pousse en permanence à nous comparer aux autres espèces animales dans le seul but de nous déclarer meilleurs.
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