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Critique de mumuboc


Littérature norvégienne, je ne me souviens pas avoir lu quoi que ce soit de ce domaine et ayant reçu le Testament de Dina (dernier tome de la saga), je ne concevais pas de le lire sans connaître les précédents romans qui composent cette saga.

Dès les premières lignes, les premières pages, on ressent tout de suite une atmosphère glaciale, un malaise, de par les événements qui sont décrits mais aussi par les personnages et le rythme de l’écriture.

Dina et son cheval Lucifer, rentrent seuls, elle muette et ne pouvant donc donner aucune explication sur l’absence de Jacob, son mari qui aurait dû l’accompagner. On découvre très vite que cette jeune femme est hors norme. C’est une sauvageonne, entière, instinctive, qui n’agit que suivant ses désirs, suivant ses règles.

Dans son enfance, un drame dont elle est peut-être responsable, va avoir des répercussions sur son psychisme, sur sa vie, sur ses actes. Elle va évoluer au milieu des esprits, des fantômes, de la religion (chaque chapitre débute par une citation extraite de textes bibliques) et de ses pensées intérieures.

Je suis Dina, qui regarde le traîneau et sa charge dévaler la pente.

D’abord, il me semble que c’est moi qui y suis attachée. Parce que la douleur que je ressens est plus forte que tout ce que j’ai ressenti jusqu’à présent. A travers une réalité limpide comme le verre, mais hors du temps et de l’espace, je reste en contact avec le visage sur le traîneau. (p11)

Après le prologue qui décrit un épisode tragique mais qui garde des zones de mystère, le roman commence par le Premier Livre, laissant augurer une saga à venir et nous plongeons dans le passé de Dina pour découvrir qui elle est, en remontant dans son enfance.

Je suis Dina, entraînée à la suite de l’homme dans le tourbillon du torrent écumant. Puis il passe de l’autre côté. Je n’arrive pas à saisir le dernier instant, ce qui m’aurait fait découvrir ce que tout le monde redoute. Le moment où le temps s’arrête.

Qui suis-je ? Quand, où et à quel endroit ? Suis-je à jamais damnée ? (p14)

Qui est Dina, comment devient-elle cette femme, sauvage, rebelle, que tout le monde craint et respecte. Dotée de capacités mathématiques exceptionnelles, douée pour la musique, elle joue du violoncelle de façon sensuelle, comme pour s’envelopper dans les notes et faire taire ceux qui l’entourent.

Une bonne femme mariée qui grimpait aux arbres, qui se promenait en sous-vêtements à son propre mariage, qui n’avait pas su lire avant l’âge de douze ans et encore rien d’autre que la Bible, et qui montait à cheval à califourchon et sans selle, devait nécessairement porter les fautes des générations antérieures. (p113)

Elle n’a aucune pudeur, aime plus le contact avec les domestiques, la nature et les animaux qu’avec ses proches. Elle décide qui elle aime, on ne peut lui dicter sa conduite ni ses choix. C’est elle qui fixe les règles : où, quand, comment et avec qui.

L’auteure a construit un personnage entier, presque « animal » tant par sa façon de vivre, son caractère, ne respectant aucune convention, se moquant des remarques et injonctions mais qui est habitée par une vie intérieure faite de souvenirs qui reviennent la hanter.

Il s’agit également d’une femme moderne (l’action se situe au milieu du 19ème siècle) : Herbjorg Wassmo en fait une sorte de féministe avant l’heure, qui ne veut pas que sa vie soit gouvernée par les hommes, par les règles ancestrales.

– Ben, si j’avais été un cheval ? ou un bateau ? Alors j’aurais eu l’droit d’me montrer ? Alors que la Dina, elle doit rester invisible ? (p124)

Elle revendique son droit à la liberté, à décider de ce qu’elle fait de sa vie, ne s’embarrasse pas des lois, elle a sa propre loi. Si elle aime c’est totalement mais si on la blesse, si on lui fait du mal, tel un animal elle se venge

La vengeance de Dina pouvait être terrible. Il commençait à la connaître maintenant. Ce qu’elle voulait, c’était posséder les autres sans être elle-même possédée. (p139)

J’ai rarement lu de récit où le personnage central est une femme d’une telle force, d’une telle détermination, si imprévisible. Rien ne lui résiste : mariage, famille, amitié, elle décide qui elle aime, qui l’entoure, qui devra partir. Comme je vous l’ai dit c’est une instinctive : elle « sent » les gens et quand elle les aime, elle comprend, elle ne juge pas, elle les respecte même. On a parfois le sentiment d’être face à une femme-enfant, une enfant sauvage dont le plus grand plaisir est de chevaucher son cheval, sans selle, d’affronter les éléments, de se nicher au sommet d’un arbre et d’embrasser le monde qui l’entoure.

Elle peut être provocante mais en a-t-elle conscience ? Tout ne semble que jeu, expérience, association de sensations mais elle peut taire certaines choses, être également manipulatrice, dangereuse pour qui n’est pas honnête.

C’est une sorte d’animal doué de sens basiques, d’une logique bien à elle et je pense que dans les livres suivants (dont j’ai déjà commencé le deuxième) je vais découvrir bien d’autres facettes de cette walkyrie, intelligente à sa façon, brutale mais aussi voluptueuse quand elle aime, voire sensuelle.

L’écriture est aussi froide, directe,à l’image du climat qui règne dans ce pays au-delà du cercle polaire, mais aussi à l’image du personnage central. Tout n’est pas révélé, chaque lecteur peut interpréter les événements à sa manière, à moins que l’auteure ne révèle dans les tomes suivants certaines vérités.

On est un peu dérouté au début de la lecture par le style à la fois poétique, mêlant religion, monde intérieur de Dina et réalité. On ne comprend pas tout car tout ne nous est pas donné, volontairement, mais la découverte, au fil des pages, permet de reprendre l’histoire parfois sous un autre jour.

Pour une fois l’héroïne n’est pas idéale, parfaite, ne répond pas aux normes habituelles de la féminité, elle est complexe, mystérieuse, ambiguë, oscillant entre folie, rudesse et bon sens, mais, pour ma part, je l’ai trouvé attachante, déroutante malgré tout justement par ce côté décalé, moderne, hors norme…… Et finalement qui est Dina ?

Mais toute cette antipathie cachait une corde qui vibrait. Une curiosité. Celle de découvrir ce qui poussait les gens, comme Jacob, à de telles folies. Celle de découvrir comment une gamine pouvait prendre le contrôle de toute une propriété. Sans même avoir à lever un doigt. (p161)
Mais toute cette antipathie cachait une corde qui vibrait. Une curiosité. Celle de découvrir ce qui poussait les gens, comme Jacob, à de telles folies. Celle de découvrir comment une gamine pouvait prendre le contrôle de toute une propriété. Sans même avoir à lever un doigt. (p161)
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