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Critique de Prailie


Sous ce titre ridicule se cache un charmant petit roman « vintage » [ en anglais: Mrs Pettigrew lives a day ] plein d'humour et de malice.
Trois parties dans ce roman:

Au début, on est dans une pièce de boulevard, avec confrontation, dans un appartement luxueux, entre une rude et prude vieille fille dans la dèche et une frou-froutante jeune et jolie chanteuse, et irruption virevoltante de visiteurs parmi lesquels plusieurs messieurs… Plongée dans cet univers si nouveau pour elle, Miss Pettigrew ( la rude et prude vieille fille dans la dèche) se découvre un don inné pour dénouer les situations embarrassantes. A tous égards, elle a l'impression de vivre les moments les plus exaltants de sa pauvre vie.

La deuxième section est une grande « cocktail party », avec une ambiance qui n'est pas sans rappeler la fête de breakfast at Tiffany's, ou (en moins psychédélique ) celle de The Party, le film de Blake Edwards.
Miss Pettigrew ( la rude et prude vieille fille dans la dèche, relookée pour l'occasion par sa nouvelle amie Miss Lafosse ) survole cette soirée dans une sorte de bienheureuse apesanteur mondaine. Inspirée par les cocktails bien tassés qu'on lui a servis, elle résout heureusement, et presque à son insu, un problème sentimental épineux.

La dernière partie se passe dans un night-club. Ambiance années trente assumée: jazz band, jeunes couples élégants, conversations autour de la nécessité, pour les femmes, de rester minces en se privant de tout…. Et, parmi la joyeuse troupe des amis de Miss Lafosse, ô miracle!… un solide quadragénaire qui gagne des millions dans l'industrie de la gaine et du corset. Certes il est accompagné par une exécrable jeune beauté, mais il ne semble pas s'illusionner plus que ça. Quand il aura partagé avec Mrs. Pettigrew ( la vieille fille dans la dèche, de moins en moins prude même si toujours un peu rude ) aura partagé, donc, une conversation sur l'utilité de porter des vêtements et sous-vêtements en laine, en hiver, plutôt que la soie si chère à la jeune génération, il commencera à envisager la vie sous un autre jour…

La bonne vieille histoire de Cendrillon, donc. Ou plutôt d'Alice franchissant le miroir pour entrer dans le monde enchanté. C'est d'ailleurs le prénom que proposera fugacement Miss Lafosse à celle qui va devenir pour elle une confidente, et une mère de substitution. Notons qu'il y aura eu, juste avant la rencontre des deux femmes, une histoire de montre et d'horaire impératif qui évoque, d'un peu loin, un certain lapin blanc, en tout cas met les choses en place.
Cependant Miss Pettigrew porte un nom de reine: elle s'appelle Guenièvre. Elle est une reine certes un peu cabossée, et dans une terrible précarité. Une reine qui s'ignore, que tout le monde a ignorée jusque là, jusqu'à ce que les circonstances la dépouillent de sa rude et prude enveloppe ( de Peau d'Âne?) et la basculent dans le royaume qui est vraiment le sien…

On pourrait être dans un roman parfaitement guimauve, au mieux dans un conte de fées joliment troussé. Ce n'est pas le cas, et voici pourquoi:
- La qualité des dialogues: de nombreux passages sont des échanges de répliques très courtes (stichomythies pour les savants) qui fusent comme des balles de tennis ou de ping-pong. Exemple: « Faire un travail qu'on aime est un plaisir - Alors je ne vous laisserai pas vous faire trop plaisir ».
- Un cynisme spirituel et drôle, qui fait tout le charme de certains personnages, Miss Lafosse en particulier. Par exemple, quand elle compare son amant et son soupirant sérieux: « Michael est un homme, quand Nick, eh bien…. Nick est simplement une maladie! ». Ou encore: « Il sait que nous sommes amis, dit-elle prudemment, mais peut-être pas aussi amis que nous le sommes en fait ».
- le rendu des atmosphères., des ambiances de groupe
- le caractère très fouillé des personnages, en particulier les personnages féminins de premier plan, qui sont très attachants.
- Des ruptures de rythme qui constituent des effets de style sobres, mais percutants. Exemple : Mrs. Pettigrew vient d'apprendre que Michael (son chouchou) , désespéré par le refus de Miss Lafosse de l'épouser, s'est saoulé, a boxé un policier, et a même fait de la prison. « Il aurait dû se trouver rejeté dans les derniers bas-fonds de son mépris. Est-ce qu'il l'était? Non, il ne l'était pas ».
- Et bien sûr l'intelligence et l'ironie légère qui enrobent le tout.

Sans surprise, ce charmant petit livre a été adapté au cinéma, en 2008. Il avait toutes les qualités pour cela.
Frances McDormand en Mrs. Pettigrew et Amy Adams en Miss Lafosse y sont excellentes, je n'en doute pas un instant , même si je n'ai pu voir que la bande annonce et un extrait de 10 minutes. Dans ce que j'ai vu je regrette néanmoins que , dans les scènes du début, le département costumes n'ait pas rendu le côté frou-froutant du déshabillé de Miss Lafosse, si important dans le récit en ce qu'il subjugue et étourdit la visiteuse , et qu'il ait exagérément souligné le côté pauvresse de Mrs. Pettigrew.
Mais sans doute suis-je en cela - surtout pour Mrs P. - influencée par les jolies illustrations de Mary Thomson qui figurent dans mon édition (Persephone Books, 2000).
Peut-être faut-il se méfier des éditions illustrées, même très réussies, si elles aboutissent à figer notre vision des personnages?

PS: Très facile à lire en anglais, by the way…
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