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Critique de Sejy


Critique sur l'intégralité de la série.

Koma est un chef-d'oeuvre du 9ème Art. Je n'ai que trop attendu pour en aviser, différant si souvent l'échéance, anxieux à l'idée de le malmener par mon verbe hésitant. Cette série chère à mon coeur, est une perle de tendresse et d'humour au-dessus de tout vocable. Et c'est donc fébrile, envahi d'appréhension que je vais tâcher de vous convaincre, sinon de vous insuffler un peu de mon enthousiasme.

Gamine facétieuse, Addidas vit dans une agglomération morose, mégapole aux mille cheminées touchant le ciel. Pour son père, âme en peine inconsolable depuis le décès de son épouse, elle est l'unique trésor d'une vie austère. Mais la petite est malade. Vaillante, en dépit de ses brefs comas inexpliqués et impromptus, elle assiste très souvent papa dans son labeur de ramoneur. C'est tellement plus facile de nettoyer les étroits boyaux avec sa taille. Malheureusement, lors d'une expédition solitaire plutôt chahutée, Addidas dégringole dans un conduit souterrain, victime d'un nouvel évanouissement. Égarée dans les profondeurs de la terre, elle va faire une rencontre étrange. Un colosse bleu, créature impressionnante mais terrifiée, banni par ses pairs parce qu'il n'a pas réussi à préserver l'intégrité mécanique de sa «machine». Une bien mystérieuse machine...

Dans un surprenant patchwork de genres, Pierre Wazem et Frederik Peeters imaginent une fable originale, l'allégorie moderne et urbaine d'une Alice au pays des merveilles pour les plus grands. du steampunk au fantastique en passant par l'anticipation, on vagabonde de péripéties en surprises, de rencontres en étonnements, de découvertes en ravissements. Un scénario riche et mouvementé, empreint de loufoque et d'absurde, mais qui n'en demeure pas moins bien ficelé et tout à fait cohérent. On le devine parfois teinté d'une forme d'improvisation, un « sans filet » excitant manifestement maîtrisé par des auteurs qui empruntent à tout moment les sentiers d'idées nouvelles et soudaines et nous régalent de leur géniale inspiration.

Si le fond est résolument lourd et pessimiste (mal inconnu, monde aux accents totalitaire, phénomènes angoissants...), son traitement est lui tout en subtilité. Plein de sensibilité, de poésie et non dénué d'humour, il dégage un ton frais, une sensation de légèreté. Grâce, en autre, à la présence d'Addidas, cette gentille petite fille rêveuse un peu désabusée et tellement attachante. Elle est si craquante avec ses grands yeux et son sourire ravageur, avec ses répliques irrésistibles emplies d'une belle naïveté enfantine ou d'une maturité étonnante. Une délicieuse répartie qui fait très souvent mouche. Accompagnée de personnages secondaires aux caractères fouillés, ils décontractent cette atmosphère plutôt pesante, gratifiant le récit d'un parfait équilibre.

Hormis le côté divertissement simple, cette bande dessinée propose également un angle de lecture plus interrogateur. Une dimension tour à tour critique, philosophique ou introspective. Notamment, ce monstre, clone antinomique et personnification du mal-être inconscient d'Addidas. Ou ces « ballades » dans les méandres lugubres du sous-sol, inquiétantes métaphores de ses comas répétés. Ou encore ces réflexions sous-jacentes sur l'enfance, la différence ou la mort. Un enchantement pour l'esprit.

Graphiquement, le bonheur est également au rendez-vous. La ligne est simple et pure. Et si elle privilégie une expressivité à couper le souffle, elle n'en reste pas moins belle. La colorisation, alternant ombres, teintes « coucher de soleil » ou variations plus vives, fleure cette aventure onirique d'une dernière fragrance, une mélancolie douce et enivrante. La touche finale d'une oeuvre en tous points admirable.

Même après ce dégobillage volubile, il manquera toujours des mots pour exprimer tout ce que m'inspire ce petit bijou. Alors je clos en remerciant les auteurs d'avoir su si brillamment émerveiller mes yeux, faire vibrer mon imaginaire d'adulte, et réveiller mon coeur d'enfant.
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