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Critique de Marie987654321


Vraiment nous leur devons beaucoup, énormément... à un point que je ne soupçonnais aucunement. Certes, je savais qu'une partie de nos légumes quotidiens et une denrée précieuse comme le chocolat en provenait. Je savais aussi que l'argent des Amériques au temps des conquistadors avaient profondément bouleversé l'économie mondiale de l'époque. Mais j'étais assez loin du compte.

Tout d'abord voyons ce qu'il en est des plantes, de l'agriculture et de la botanique. le petit résumé en quatrième de couverture indique que la moitié des aliments consommés dans le monde sont originaire des Amériques. Et il ne s'agit pas des moindres ! Non seulement, ces plantes ont diversifié l'alimentation mondiale mais elles ont permis une révolution alimentaire planétaire. La pomme de terre s'est répandue en Europe où elle a permis de vaincre les famines : facile à cultiver sur des sols pauvres et avec un cycle court. La patate douce a joué le même rôle en Asie, tout comme l'arachide et la cassave en Afrique. Ces plantes ont permis une forte croissance démographique. le maïs, consommé par les humains en Asie et en Afrique, a été utilisé pour l'alimentation des volailles et des vaches en Europe augmentant la production d'oeufs, de lait et de viande. le tournesol a été essentiel en Russie en fournissant une source appréciable d'huile végétale. Citons encore les innombrables variétés de courges et de haricots, les poivrons et les tomates, le piment, le manioc...
Tout un chapitre est consacré à la révolution culinaire provoquée par la rencontre des Amériques et de l'ancien monde. du goulasch au sirop d'érable, au hush puppies, des tortillas au minestrone, les sauces aux arachides, les noix de cajou dans la cuisine indienne et le gâteau Forêt noire, les corn flakes ou le guacamole.

La terre américaine était-elle donc plus riche en plantes comestibles que l'ancien monde ? C'est plutôt que les indiens étaient des agriculteurs exceptionnels qui ont su avec patience et expertise transformer des dizaines de plantes sauvages en centaines et en milliers de plantes cultivées (3000 espèces de pommes de terres). Les agriculteurs indiens ne cherchaient pas à modifier le sol pour qu'il soit adapté à la plante mais à transformer la plante pour qu'elle s'adapte à chaque qualité de sol. Ils pratiquaient l'hybridation, la sélection rigoureuse des semences et le bouturage. Ils savaient faire des associations complexes de culture où chaque plante profite à l'autre. Ils savaient en outre lyophiliser les pommes de terre pour les transporter plus facilement.
Le livre débute par une visite du Macchu Picchu par l'auteur ; visite qui le convainc que ce site mystérieux était d'abord un centre d'expérimentations agricoles.

Nous devons donc aux Indiens une bonne part de notre alimentation quotidienne et une bonne part de l'enrichissement et du développement économique de l'Europe.

Mais les chapitres suivants sont également édifiants.
La malaria était répandue en Europe, Afrique et Asie mais inconnue en Amérique. Elle arriva avec les Européens mais ce sont les Indiens, médecins avisés, qui découvrirent très vite que cette maladie pouvait être soignée par une écorce qui donne la quinine. Bien d'autres médicaments sont inventés par les indiens : la teinture d'arnica, l'hamamélis, la vaseline... Ils pratiquaient avec succès la trépanation, recousaient les blessures, plâtraient les membres brisés et administraient des lavements, savaient cautériser, extraire des tumeurs etc.

Nous leur devons aussi des choses moins sympas comme la majorité des drogues hallucinogènes et la syphilis ramenée par les conquistadors. N'oublions pas que la coca a permis le développement du coca cola.

Enfin, encore plus surprenante a été pour moi la découverte de l'influence des Indiens sur les institutions démocratiques américaines, puis de fait du reste du monde. Les pères fondateurs n'avaient aucun référence de modèle démocratique existant; seulement les théories et les idées à la mode en Europe.

Le véritable père fondateur de la démocratie américaine serait donc le chef Iroquois Canassatego " qui, en juillet 1744, prit la parole devant une assemblée d'Indiens et de d'Anglais en Pennsylvanie....La vie serait plus facile pour tous si les colonisateurs pouvaient fonder une union qui leur permettrait de parler tous d'une seule voix... Il suggéra qu'ils fassent comme son peuple l'avait fait en formant la Ligue des Iroquois" (page 226)" . Benjamin Franklin, entre autre, a beaucoup étudié le fonctionnement de la ligue des Iroquois et l'a défendu. le mécanisme de cette ligue est devenu celui du système fédéral américain avec des états / nations qui règlent les affaires intérieures et envoient des délégués/sachems pour régler les affaires communes à l'ensemble des états / nations. Fascinant.

D'autres aspects ont été repris comme la séparation des pouvoirs civils et militaire (le sachem, homme de loi ne pouvait faire la guerre en tant que tel : il devait abandonner sa charge civile), la révocabilité des sachems en raison de leur comportement ou l'intégration libre de nouveaux états membres. Ceci dit les pères fondateurs n'allèrent pas jusqu'au vote des femmes, ni à la gratuité des mandats ou à l'élection des officiers par les soldats....

La culture indienne poussait les représentants à rechercher le compromis par la discussion et la conviction, très loin de la culture européenne de l'affrontement lors des séances. Cela reste dans la pratique politique américaine où les représentants sont des individus qui peuvent évoluer dans leurs positions, tandis que, dans les parlements européens, les partis exercent un contrôle plus fort. L'auteur donne de nombreux autres exemples de l'influence indienne. Un passage donne une lecture de l'opposition Nord Sud. Ce dernier se revendique influencé par le monde grec et sa conception de la démocratie, qui avait l'avantage d'autoriser l'esclavage tandis que la démocratie iroquoise ne le permettait pas. Les frontières, bien loin de l'image du western, étaient des zones d'échanges avec la culture indienne. L'image de l'homme de l'Ouest devient tout autre.

Enfin, le chapitre intitulé "les Bâtons rouges et la révolution" retrace l'histoire des luttes de résistance indiennes pour leur vie leur identité et leur liberté, mettant en évidence leur attachement à cette idée de démocratie qui ont été les premiers à mettre en application concrète loin des théories et des discours philosophique de la vieille Europe.

En revanche, les Amérindiens ne connaissaient pas l'élevage et l'utilisation des animaux pour le transport et le déplacement. Cet méconnaissance, en plus des épidémies et de l'usage des armes, a donné la supériorité aux Européens lors de la rencontre .
Comme le conclut tristement l'auteur : " On regarde l'ordre du monde moderne comme un produit de l'histoire européenne, et non celui des premiers habitants de l'Amérique. Ceux ci devinrent des acteurs de deuxième ordre, cantonnés dans les rôles de victimes pathétiques et rescapées. " [...] "Toutefois, en ignorant les cultures indiennes, nous faisons beaucoup plus que simplement dénigrer la place à laquelle elles ont droit dans L Histoire. Nous nous faisons du tort à nous-mêmes à cause de tout ce qui nous avons ainsi perdu."

Un livre qui remet complètement en perspective l'histoire du monde.
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