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Critique de berni_29


Je vous invite à venir dans la Venise du XVIIème siècle, précisément en 1610.
C'est le décor de ce premier opus, La Maison des Jeux, tome 1 : le serpent, écrit par Catherine Webb.
C'est une Venise insolite, mystérieuse, envoûtante...
Un observateur nous raconte une histoire et j'ai eu l'impression déstabilisante que peu à peu, cet observateur, c'était moi. Je prenais sa place, j'empruntais ses pas, j'entrais dans le récit, j'étais dans cette Venise du XVIIème siècle. Une jeune femme juive du nom de Thene me prenait déjà la main pour ne plus la lâcher jusqu'à la fin du récit...
Mes premiers pas sur les pages de ce récit m'ont fait découvrir cette jeune fille fragile, déjà humiliée, violentée alors qu'elle est à peine mariée avec ce vieil homme endetté, falot, aigri, Jacamo de Orcelo qui s'apprête à dilapider la dot de sa jeune femme dans l'alcool et le jeu...
Venise, XVIIème siècle, comme si le monde n'avait jamais changé depuis...
Tandis que les fortunes se font et se défont autour des tables de jeux, là où précisément Jacamo de Orcelo se saoule, se ridiculise et s'endette, il est un endroit supérieur où d'autres enjeux se tiennent.
Au coeur de cette Venise indomptable et rebelle, honnie de la papauté, j'ai vu cette femme changer de visage et le cacher brusquement derrière un masque, ses pas étaient déjà loin, fuyaient pour se réfugier dans cet étrange lieu qu'on nomme la Maison des Jeux.
Qui a-t-il derrière les portes dorées de cet étrange endroit où des joueurs venus de tous les horizons viennent jouer ? Mais jouer à quels jeux ?
Backgammon ? Dames ? Échecs ? Ici il serait question que les pièces soient de vrais personnages réels, bien vivants et que la scène de jeu soit la vie, la vraie vie telle qu'elle se joue, c'est une partie qui se joue où la vie, le temps et l'âme servent de monnaie, où le jeu met en scène le monde, ses protagonistes et ses vertiges.
En franchissant les portes de ce lieu, Thene est prête à tout accepter, qu'aurait-elle à perdre d'ailleurs ? Elle sait que les règles du jeu sont dangereuses. Elle a, au contraire, tout à gagner. Son quotidien est sordide. Son horizon ne connaît pas de limite.
Pour cette femme bafouée, je suis entré en empathie, j'aurais tant voulu la protéger, prendre soin d'elle. Je savais qu'elle prenait des risques. Mais peser un enjeu, c'est aussi savoir ce que l'on peut perdre, ce que l'on peut gagner dans cette histoire, soupeser, faire un choix, prendre un risque...
Alors, je me suis perdu dans les mirages de la ville historique de Venise, dans ses rues sombres et solaires, dans ses méandres insoupçonnées.
« Venise, la nuit.
Peu de villes sont à la fois plus belles et plus laides dans le noir. »
J'ai revêtu alors le masque de celui qui observe...
Car Venise sans les masques, c'est un peu comme un dessert sans chocolat.
Je suivais Thene, je la voyais sans cesse s'enfuir, dans l'esquive, comme une ombre se fondant dans l'ombre de la ville...
Et puis je l'ai vu jouer, se prendre au jeu, j'étais si proche d'elle que je sentais les battements de son coeur, je les entendais presque, tandis qu'elle jouait. J'étais si proche d'elle que je pouvais désormais recueillir ses confidences...
Ici, la vie à Venise ressemble sans cesse à un denier qu'on jette en l'air et selon le côté où il retombe il peut entraîner la vie ou la mort, que l'on soit fou ou que l'on soit sage. C'est un jeu simple qui laisse libre cours au hasard.
Venise est un territoire aux rivages insensés.
Ombres et lumières.
Eaux et vases.
Beauté et sang.
Venise est une cité soumise aux marées, à celle des eaux, à celle des âmes.
Eaux sans fond, ténèbres, vase, limons, lagunes...
Que deviennent les visages lorsque les masques tombent ?
Est-ce que la vase des lagunes les emportent ?
J'ai aimé le personnage de Thene, son abnégation, sa volonté, sa dignité.
J'ai aimé plonger avec elle dans un récit qui ne cesse d'être intrigant, tandis que les rues de Venise n'en finissaient pas de me perdre...
Des rayons de soleil traversent en oblique les hautes fenêtres du palais du doge, c'est le moment propice où j'ai perdu de vue Thene qui continuait de s'enfuir, toujours. Je la savais peut-être enfin délivrée de ses sortilèges.
Plus tard, plusieurs siècles plus tard, je suis revenu refermer ce livre qui était resté ouvert par mégarde durant tout ce temps-là, comme abandonné. J'avais l'impression que son parfum était encore là. Lorsque j'ai refermé le livre, il s'est transformé en sable et le sable a glissé entre mes doigts comme un serpent...
Vite ! le deuxième opus...
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