Parmi les êtres humains, on ne reconnaît pleinement l'existence que de ceux qu'on aime.
Considérer toujours les hommes au pouvoir comme des choses dangereuses.
Cas de contradictoires vrais. Dieu existe, Dieu n'existe pas. Où est le problème ? Je suis tout à fait sûre qu'il y a un Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que mon amour n'est pas illusoire. Je suis tout à fait sûre qu'il n'y a pas de Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que rien de réel ne ressemble à ce que je peux concevoir quand je prononce ce nom. Mais cela que je ne puis concevoir n'est pas une illusion.
C'est une faute que de désirer être compris avant de s'être élucidé soi-même à ses propres yeux. C'est rechercher des plaisirs dans l'amitié, et non mérités. C'est quelque chose de plus corrupteur encore que l'amour. Tu vendrais ton âme pour l'amitié.
Apprends à repousser l'amitié, ou plutôt le rêve de l'amitié. Désirer l'amitié est une grande faute.
L'amitié doit être une joie gratuite comme celle que donne l'art, ou la vie. Il faut la refuser pour être digne de la recevoir : elle est de l'ordre de la grâce («Mon Dieu, éloignez-vous de moi...»). Elle est de ces choses qui sont données par surcroît. Tout rêve d'amitié mérite d'être brisé. Ce n'est pas par hasard que tu n'as jamais été aimée... Désirer échapper à la solitude est une lâcheté. L'amitié ne se recherche pas, ne se rêve pas, ne se désire pas ; elle s'exerce (c'est une vertu). Abolir toute cette marge de sentiment, impure et trouble. Schluss !
Ou plutôt (car il ne faut pas élaguer en soi avec trop de rigueur), tout ce qui, dans l'amitié, ne passe pas en échange effectifs doit passer en pensées réfléchies. Il est bien inutile de se passer de la vertu inspiratrice de l'amitié. Ce qui doit être sévèrement interdit, c'est de rêver aux jouissances du sentiment. C'est de la corruption. Et c'est aussi bête que de rêver à la musique ou à la peinture. L'amitié ne se laisse pas détacher de la réalité, pas plus que le beau. Elle constitue le miracle, comme le beau. À vingt-cinq ans, il est largement temps d'en finir radicalement avec l'adolescence...
Pour ceux dont le je est mort, on ne peut rien faire, absolument rien. Mais on ne sait jamais si, chez un humain déterminé, le je est tout à fait mort, ou seulement inanimé. S'il n'est pas tout à fait mort, l'amour peut le ranimer comme par une piqûre, mais seulement l'amour tout à fait pur, sans la moindre trace de condescendance, car la moindre nuance de mépris précipite vers la mort.
L’extrême pureté peut contempler le pur et l’impur ; l’impureté ne peut ni l’un ni l’autre : le premier lui fait peur, le second l’absorbe.
La grande douleur de l'homme, qui commence dès l'enfance et se poursuit jusqu'à la mort, c'est que regarder et manger sont deux opérations diférentes. La béatitude éternelle est un état où regarder c'est manger.
On se porte vers une chose parce qu'on croit qu'elle est bonne , et on y reste enchaîné parce qu'elle est devenue nécessaire.
Si l’on descend en soi-même, on trouve qu’on possède exactement ce qu’on désire.
Aimer un étranger comme soi-même implique comme contrepartie :
s'aimer soi-même comme un étranger.