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Critique de PatrickCasimir


La personne et le sacré

Simone Weil se désole de l'inexactitude, de la confusion du vocabulaire et de leur effet néfaste sur la pensée. Qu'est-ce qu'une personne ? Rien de sacré en tout cas à ses yeux. En revanche l'être tout entier l'est. Elle éprouve un dédain évident pour toute définition d'une morale publique à partir d'un concept aussi indéfinissable que celui de personne, en raison, sans doute des ambiguïtés qui pèsent sur ses origines et sa signification.

En revanche, tout être humain dès l'enfance, s'attend à ce qu'on lui fasse du bien et non du mal. C'est ce bien qui est source du sacré, c'est ce bien qui est sacré.

Elle élabore ainsi une critique radicale de la notion de personne et du droit par la même occasion ; droit hérité de Rome qui ne nous aurait pas fait là, le meilleur des legs et ce, d'autant plus que Rome (qu'elle n'aime décidément pas) niait l'être. Elle considère, sans doute avec raison, que l'empereur ne régnait que sur des esclaves.

Il n'empêche que l'histoire juridique moderne a opéré une symbiose entre droit et personne. Cependant, pour S W, le droit n'est que source de revendication, de guerre, chaque sujet de droit n'ayant de cesse de poser face à l'autre une volonté égoïste de protection de ses prérogatives juridiques. La notion d'obligation envers l'autre, renverserait la perspective (Réf. L'enracinement.)

C'est donc tout naturellement qu'elle en appelle à une morale publique, à une action publique qui, par la recherche du bien pur, de la justice, de la compassion, de la vérité, de la beauté et elle ajoute, enfin, après des pages de circonlocutions, par l'amour, peuvent répondre au besoin du peuple et en particulier des pauvres, des malheureux, qui seraient capables, dès lors, d'accepter, de transcender leur souffrance.

Mais l'amour, qu'est-ce que c'est ? Un don du ciel, un don de Dieu, une grâce divine que le Christ est venu nous révéler et nous offrir. On voit bien que S W se situe sur un plan supraterrestre absolument étranger à la vie ordinaire des individus et des sociétés. Et pourtant, elle demeure persuadée que ses idées peuvent parfaitement trouver à s'appliquer ici-bas.

Elle me fait penser au Christ, qu'elle invoque régulièrement, et dont le discours décalé, restait étranger aux attentes plus prosaïques du peuple juif. N'étant pas sur le même plan, l'un étant spirituel, l'autre plus terre à terre, si je puis dire, l'incompréhension était inévitable.

Qui pouvait entendre à l'époque le discours de Simone Weil sur l'amour ? Qui peut, encore aujourd'hui, comprendre une pensée aussi exigeante sur le rôle de la beauté, de la vérité, du bien dans la satisfaction des besoins du peuple ? Cette pensée constitue, à l'évidence, une utopie, envisageable peut-être dans les relations privées, mais non dans l'organisation sociale et institutionnelle d'une démocratie.

A mon sens, elle fait partie de ce petit groupe de gens, (y compris « l'idiot du village » ayant pu accéder à la vérité), dont elle parle, et qui sont passés de l'autre côté du mur, qui ont atteint la « Cité céleste ». Mais dans la cité terrestre démocratique, les droits de la personne humaine, les droits de l'homme ont triomphé depuis longtemps.

N'importe quel citoyen attend que l'Etat lui accorde des droits, une protection, mais non son amour, ni sa compassion, encore moins une éducation tournée vers le bien pur, ou vers l'amour.

Ce dernier concept n'appartient pas à la sphère publique, ni à celle de l'éducation républicaine et laïque. Quant à la vérité, depuis que l'on a proclamé haut et fort qu'elle est relative, chacun prétend à la sienne propre…

Pat




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