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La personne et le sacré

Simone Weil se désole de l'inexactitude, de la confusion du vocabulaire et de leur effet néfaste sur la pensée. Qu'est-ce qu'une personne ? Rien de sacré en tout cas à ses yeux. En revanche l'être tout entier l'est. Elle éprouve un dédain évident pour toute définition d'une morale publique à partir d'un concept aussi indéfinissable que celui de personne, en raison, sans doute des ambiguïtés qui pèsent sur ses origines et sa signification.

En revanche, tout être humain dès l'enfance, s'attend à ce qu'on lui fasse du bien et non du mal. C'est ce bien qui est source du sacré, c'est ce bien qui est sacré.

Elle élabore ainsi une critique radicale de la notion de personne et du droit par la même occasion ; droit hérité de Rome qui ne nous aurait pas fait là, le meilleur des legs et ce, d'autant plus que Rome (qu'elle n'aime décidément pas) niait l'être. Elle considère, sans doute avec raison, que l'empereur ne régnait que sur des esclaves.

Il n'empêche que l'histoire juridique moderne a opéré une symbiose entre droit et personne. Cependant, pour S W, le droit n'est que source de revendication, de guerre, chaque sujet de droit n'ayant de cesse de poser face à l'autre une volonté égoïste de protection de ses prérogatives juridiques. La notion d'obligation envers l'autre, renverserait la perspective (Réf. L'enracinement.)

C'est donc tout naturellement qu'elle en appelle à une morale publique, à une action publique qui, par la recherche du bien pur, de la justice, de la compassion, de la vérité, de la beauté et elle ajoute, enfin, après des pages de circonlocutions, par l'amour, peuvent répondre au besoin du peuple et en particulier des pauvres, des malheureux, qui seraient capables, dès lors, d'accepter, de transcender leur souffrance.

Mais l'amour, qu'est-ce que c'est ? Un don du ciel, un don de Dieu, une grâce divine que le Christ est venu nous révéler et nous offrir. On voit bien que S W se situe sur un plan supraterrestre absolument étranger à la vie ordinaire des individus et des sociétés. Et pourtant, elle demeure persuadée que ses idées peuvent parfaitement trouver à s'appliquer ici-bas.

Elle me fait penser au Christ, qu'elle invoque régulièrement, et dont le discours décalé, restait étranger aux attentes plus prosaïques du peuple juif. N'étant pas sur le même plan, l'un étant spirituel, l'autre plus terre à terre, si je puis dire, l'incompréhension était inévitable.

Qui pouvait entendre à l'époque le discours de Simone Weil sur l'amour ? Qui peut, encore aujourd'hui, comprendre une pensée aussi exigeante sur le rôle de la beauté, de la vérité, du bien dans la satisfaction des besoins du peuple ? Cette pensée constitue, à l'évidence, une utopie, envisageable peut-être dans les relations privées, mais non dans l'organisation sociale et institutionnelle d'une démocratie.

A mon sens, elle fait partie de ce petit groupe de gens, (y compris « l'idiot du village » ayant pu accéder à la vérité), dont elle parle, et qui sont passés de l'autre côté du mur, qui ont atteint la « Cité céleste ». Mais dans la cité terrestre démocratique, les droits de la personne humaine, les droits de l'homme ont triomphé depuis longtemps.

N'importe quel citoyen attend que l'Etat lui accorde des droits, une protection, mais non son amour, ni sa compassion, encore moins une éducation tournée vers le bien pur, ou vers l'amour.

Ce dernier concept n'appartient pas à la sphère publique, ni à celle de l'éducation républicaine et laïque. Quant à la vérité, depuis que l'on a proclamé haut et fort qu'elle est relative, chacun prétend à la sienne propre…

Pat




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Magnifique méditation.
Eclairante.
Indispensable.

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Simone Weil veut montrer que la défense des droits de l'homme, l'homme en tant que personne ayant des droits, est certes important, mais que c'est une erreur de penser que ces droits sont sacrés, que la personne humaine est sacrée, au-dessus de tout. Ce qui est sacré, ayant bien plus de valeur, transcende l'individu, c'est justement ce qui le dépasse, qui transcende l'individu, qui n'est pas propre à sa personne, ce qui est au contraire impersonnel : l'humanité, la justice, la liberté…
Ce qui veut dire qu'éveiller les gens au respect de ces grandes valeurs aura beaucoup plus d'effet, de bonnes répercussions sur la société, que de les appeler à respecter les droits de chacun.
Ce petit essai, écrit l'année de sa mort, parmi les Écrits de Londres, peut tout d'abord être aisément rapproché de l'Homme révolté, d'Albert Camus, publié en 51, huit ans plus tard, dans lequel il pose que la révolte de l'esclave intervient au moment où l'homme est prêt à sacrifier sa vie, sa personne, pour défendre ce qu'il estime le dépasser, ce qui fait l'humain, sa dignité. Ainsi, l'esclave peut accepter de voir ses droits bafoués, mais pas l'essence de ce qui fait de lui un être humain. Mais la pensée de Simone Weil prend une autre direction. Là où Camus interroge les limites de la révolte, Simone Weil cherche à définir cette essence de l'humain, ce sacré, tout en l'insérant dans les conflits sociaux, la vie quotidienne, la défense des faibles… Elle compare les effets de la défense des droits de la personne et ceux de la défense de valeurs. Les grandes valeurs ont une valeur d'autorité qui l'emportent largement. Ces valeurs essentielles peuvent être vues comme valeurs humanistes ou comme vertus chrétiennes. Car c'est bien ce qui transcende l'être humain, l'amène à dépasser son état d'individu animal, qui intéresse Simone Weil.
On voit dans les luttes récentes contre le racisme (mais également contre les politiques des grandes entreprises), que l'existence d'un droit ne suffit pas à en garantir le respect au sein d'une société. C'est bien la défense de valeurs supérieures qui amène à faire émerger aux yeux de toute une société, l'ampleur et la légitimité d'un problème. La lutte pour la sauvegarde de l'environnement constate depuis des années l'échec de ses combats ponctuels, se heurtant à la plus grande machine qu'est l'économie. L'écologie gagne du terrain depuis qu'elle porte des valeurs universelles de respect de la nature, respect de la vie animale, pour lesquelles des individus sont prêts au sacrifice, à l'image de Greta Thunberg.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Dans ce tout petit livre publié chez Allia, Simone Weil s'attache à redéfinir la personne. Notion qu'elle distingue d'emblée de la personne telle quelle est abordée dans les courants personnalistes.

Elle écrit : « Il y a dans chaque homme quelque chose de sacré. Mais ce n'est pas la personne. » On peut entendre ici la personne comme synonyme de l'ego. Ce qui est sacré, c'est le Soi ou l'être humain dans sa totalité, au-delà de l'ego, dans ce qu'il a d'universel et d'impersonnel.

La quatrième de couverture comporte cette simple citation de la philosophe : « Il faut encourager les idiots, les gens sans talent, les gens de talent médiocre ou à peine mieux que moyen, qui ont du génie ». Il faut entendre ceux qui ont le génie de mettre leur égo de côté et qui sont purs de toute forme d'orgueil ou d'égocentrisme.

S'ensuit une diatribe sur les dangers des partis politiques, voire de la démocratie. Elle part du principe qu'une foule ne pense pas. Un individu dans la foule suit souvent le mouvement et perd la direction de son âme et conscience. C'est là toute l'exigence et la subversivité de Simone Weil. Philosophe politique et mystique ; mais les mystiques peuvent-ils faire de la politique ?
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Petit ouvrage très intéressant à la structure un peu inégale (des transitions un peu abruptes, des exemples étranges). le propos sur la personne et l'impersonnel, sur l'utilité de la beauté pour combattre le mal, sur le justice et le "cri" de l'opprimé... une façon de poser les choses tout de même plutôt claires, qui pousse à la réflexion.
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Il faut chercher en chacun la part impersonnelle; celle-ci est faite de la vérité et la beauté qui confèrent au sacré. Pour atteindre le sacré, il faut se plonger au coeur de la solitude, se défaire du collectif.

Simone Weil évoque le sacré avec une vision chrétienne mais sans la restreindre (libre à nous d'y placer autre chose si cela nous convient mieux).
La philosophe élargit sa réflexion au langage qu'elle considère comme un enfermement : il est impossible d'évoquer le sacré car il faudrait aller au-delà du langage, de ce qui est exprimable par des mots. Ces mots qui sont d'ailleurs le privilège des nantis, les autres n'étant pas en mesure de s'exprimer ni d'être entendus.

Une large place est aussi faite à la critique de la société et du monde du travail qui asservissent l'humain en ne lui procurant ni le calme ni la chaleur nécessaires.

Limpide, intelligent et beau.
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Intense et profondément émouvant, ce court texte contient tout Simone Weil à la veille de sa mort en ce qu'elle a d'absolu et de sage.
C'est la combinaison d'une compassion infinie pour les plus faibles et d'une volonté tenace de mettre son immense intelligence et ses intuitions géniales au service de leur défense.
Une magnifique réflexion qui relève parfois plus de l'introspection, qui aborde des thématiques telles que l'âme, le néant, la dignité, le malheur, l'injustice et bien évidemment la Vérité.
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Ouvrage irritant, conceptuellement faible et peu rigoureux, il constitue une réponse à Mounier et à certains travers du personnalisme ; au-delà des circonstances et de l'interlocuteur, le livre ne saurait être qualifié de "philosophique" : il n'argumente pas et exprime bien davantage colère et imprécation que justifications intellectuelles et raisonnements rigoureux. Intellectuellement - et moralement - décevant.
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Un court essai où Simone Weil s'attaque aux notions de personne et de droit, d'origine romaine, en leur préférant la justice grecque, l'amour, ou la charité.

Oscillant entre notions philosophiques et convictions personnelles, l'auteur marque sa préférence au génie plutôt qu'au talent, tente de décortiquer le mal et son châtiment qui devrait uniquement "éveiller chez les criminels le désir du bien pur par la douleur", et se perd finalement du côté de la beauté et de la vérité.

Certains paragraphes sont très beaux, l'ensemble un peu déroutant : si démonstration imparable il y avait dans La personne et le sacré, je ne l'ai pas comprise, et en garde surtout le souvenir d'un discours confus où tout se mélange sans que l'on ne comprenne vraiment où veut en venir l'auteur. Dommage...
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Le dernier ouvrage écrit par Simone Weil avant de nous quitter pour un monde meilleur est à l'image de tout son oeuvre et de son combat, un bon livre de la part d'une femme extraordinaire
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