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Critique de Kirzy


Kirzy
24 septembre 2021
Rentrée littéraire 2021 # 28

Je referme ce livre avec la solennité et la gravité qui siéent au sentiment d'avoir lu un grand roman, un de ceux qui parviennent à parler des blessures inguérissables des Etats-Unis en résonnant avec force et intensité, tout en clair-obscur. Une nouvelle fois, Lance Weller remonte à la violence des fondations d'un pays hanté par l'esclavage et la guerre civile à travers le destin de deux personnages extraordinaires errant dans le Tennessee, en pleine guerre de Sécession.

Bell Hood, toute jeune esclave, s'est enfuie de sa plantation, elle cherche à joindre un Etat nordiste avec comme seuls repères les étoiles et notamment l'astérisme de la constellation du Dauphin, le Cercueil de Job dont le terrible nom effraie par son écho prémonitoire autant qu'il se veut une mire d'espoir pour Bell Hood. La rencontre avec cette dernière se fait par le biais d'une description saisissante : elle est marquée au fer rouge sur les joues, marque en forme de hameçon, et une de ses dents est percée d'un trou en forme d'étoile, caprice de son ancien maître pour punir son père qui avait cherché à fuir.

Et puis Jeremiah, soldat sans conviction côté confédéré, mutilé aux mains lors de la terrible bataille de Shiloh, qui déserte mais qui semble, plus que fuir la guerre, être en quête de rédemption et de liberté, lui aussi.

La conduite du récit est passionnante, on est suspendu aux mots de Lance Weller pour découvrir comment ces deux-là vont se rencontrer, quel passé ils partagent. de longues phrases, presque faulknériennes dans leur débit, chaloupent, chargées d'images, capables d'avaler le monde entier. Elles disent toute la férocité de la guerre, de la bataille de Shiloh ( avril 1862 ) à celle de Fort Pillow ( avril 1864, marquée par le massacre des unités yankees «  coloured » ). C'est violent, cru, au ras du sol, dans la poussière et la boue. le rendu est remarquable.

Le roman est indéniablement sombre mais malgré tout, la lumière transperce régulièrement les pages. Grâce à l'écriture poétique et lyrique de l'auteur dans des descriptions d'une nature immuable impuissante à empêcher la fureur humaine. Grâce à des personnages secondaires particulièrement soignés qui semblent former comme une chaîne de solidarité et de bonté : les esclaves en fuite Dexter ou January June qui prennent sur leurs ailes Bell Hood malgré leurs propres failles ; le daguerréotypiste blanc Henry Liddell qui forme comme un fils January June ; ou encore Mary Groff qui soigne et accueille Jeremiah.

Un grand roman, somptueux et dense au puissant souffle épique pour dire la liberté, l'amour et le pardon dans une Amérique crépusculaire en proie à ses démons.
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