AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ChatDuCheshire


Ce livre court, 165 pages, se compose de deux longues nouvelles dont l'héroïne principale est une femme d'affaires américaine aux alentours des années trente (les deux histoires n'ont rien à voir l'une avec l'autre si ce n'est de présenter chacune un personnage de femme d'affaires).
Disons-le tout net, si j'avais eu à noter les deux nouvelles séparément j'aurais donné une étoile à la première et cinq à la seconde. La première, "Condamnation à perpétuité", est tout bonnement infâme, non qu'elle soit mal écrite mais parce qu'elle accumule les clichés sexistes sur la femme d'affaires, dont l'ambition démesurée ruine le mariage. L'histoire est en outre dotée d'une fin "téléphonée" qui ressemble fort au retour au logis d'une épouse pourtant triomphante mais néanmoins et inexplicablement repentante. On a peine à croire que cette histoire ait été écrite par une femme et ce bien qu'elle l'ait été du point de vue du "pauvre" mari écrasé par sa femme d'affaires d'épouse...
La seconde, par contre, intitulée "Aucun dialogue n'est possible", est désopilante même si l'on est en droit de se demander si la drôlerie du récit fut entièrement voulue par son auteure (la fin semblerait indiquer que non mais cela tend à renforcer encore la saveur de la "chose"). Une riche américaine, dont la fortune et la rouerie en affaires sont inversement proportionnels à ses attraits physiques, rencontre à Paris un riche aristocrate, dont l'activité consiste à ne rien faire, à jouir de la fortune dont il a hérité et à s'ingénier à soigner une apparence et préserver l'illusion d'une jeunesse qui s'enfuit. Quand j'ai lu la description du personnage, dont l'opinion des femmes et de l'héritière américaine en particulier est un ramassis de goujateries dont l'énormité aurait dû le surprendre lui-même (du coup c'en devient d'une drôlerie absolument irrésistible), je n'ai pu m'empêcher de me dire qu'il s'agissait probablement d'un "closet gay", empêché de s'épanouir selon ses sentiments véritables par la société dans laquelle il se meut, mais l'auteure de la nouvelle semble elle-même l'ignorer, ce qui rend son récit encore plus drôle. Bref je ne vais pas déflorer l'histoire, joliment structurée et même dotée d'un rebondissement final, mais le clou en est le récit de leur rencontre successivement par l'aristocrate et la riche américaine, façon "dîner de cons", le con étant évidemment à chaque fois l'autre.
L'auteure Rebecca West fut une femme complexe, une femme libre et cultivée, écrivaine, journaliste, ayant eu un enfant illégitime avec le célèbre romancier H.G. Wells mais qui, par ailleurs et alors qu'elle a eu l'occasion de fréquenter des intellectuels de gauche, était farouchement anti-communiste (ayant été jusqu'à approuver la politique du sinistre sénateur McCarthy) et, si elle déplorait la condition faite à la femme, son oeuvre promeut toutefois, selon l'analyse de ceux qui s'y sont penchés de plus près, une image assez conventionnelle de la femme. C'est sans doute pour cela que la seconde nouvelle m'apparaît si drôle car, en dépit de sa probable intention, l'auteure décrit une femme d'affaires carrée, honnête et "cash", finalement infiniment sympathique, alors que la femme "vertueuse", au sens traditionnel du terme, de l'histoire passe in fine pour quelqu'un de passablement stupide, incapable de tirer une "morale" positive de sa propre histoire et se conformant ainsi au rôle prédéterminé de la femme toujours coupable de l'échec d'une relation alors que l'objet de sa flamme valait moins que tripette...
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}