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Critique de pompimpon


Premiers jours d'été à North Dormer, un bien modeste village de Nouvelle-Angleterre, au début du XXème siècle. Charity occupe distraitement le poste de bibliothécaire à la bibliothèque fondée en souvenir d'une obscure gloire locale, deux après-midis par semaine.
Avec l'argent qu'elle gagne, elle espère pouvoir quitter North Dormer et sa minuscule communauté repliée sur elle-même, mais surtout la maison où elle a grandi et M. Royall, son tuteur, qui l'a ramenée de la Montagne, lieu de misère et de perdition, quand elle avait cinq ans.

Lucius Harner, un jeune architecte en visite chez une cousine, pousse la porte de la bibliothèque par un bel après-midi. Il souhaite consulter, s'il y en a, des ouvrages concernant l'architecture de la région.

Charity est rapidement conquise par ce beau jeune homme, sa gentillesse, sa bonne humeur, son éducation et son érudition, qui lui semblent à des années-lumière de ce qu'elle est, et lui donnent honte d'elle-même.

Comment une relation pourrait-elle naître entre eux, que tout sépare ? Comment pourrait-elle se développer sous le regard attentif mais pas forcément bienveillant des habitants de North Dormer, en particulier celui de M. Royall ?

Charity n'a peur de rien, elle peut tout affronter. Il y a ceux qui l'en croient capable et la jugent cruellement pour cela, il y a ceux qui la soutiennent parce que ce courage remarquable est trop précieux pour qu'on l'abîme. Il y a ceux qui veulent la sauver contre elle, malgré elle, en dépit d'elle. Tous ces gens qui savent tout tellement mieux qu'elle et veulent le lui faire savoir...

Ou comment une jeune fille n'a qu'un seul été pour briller de mille feux avec cet éclat unique des premières fois avant de devoir décider du reste de sa vie, rattrapée sèchement par le réel, le concret, les contingences matérielles, les conventions, une morale qui n'est pas la sienne, des peurs qui ne sont pas les siennes.

La plume d'Edith Wharton est aussi aiguisée à la campagne qu'à la ville.
Si les descriptions des paysages sont somptueuses, elle n'en délaisse pas pour autant ces caractères qu'elle cerne impitoyablement, ne laissant pas une seule aspérité dans l'ombre. Ni l'antagonisme entre le petit village, très modeste certes, mais qui se voit très au-dessus de la pauvreté environnante, et ces loqueteux hors-la-loi de la Montagne, deux réalités contraires dont se nourrit la force de caractère de Charity.
En quelques mots, Edith Wharton pointe une faiblesse, une mesquinerie, bien sanglées dans un corset ou camouflées derrière un sourire charmeur.
Elle brosse une scène qui suinte l'indigence, et on est propulsé dans cette cuisine misérable, avec une pluie rageuse gouttant sur le sol en traversant les amas de chiffons sales qui colmatent l'absence de vitres aux fenêtres branlantes.
Sous son regard implacable, à la misère répond l'écho d'une misère plus profonde encore.
Et quand le verbe laisse affleurer sa sensibilité, succède à un bonheur, un bonheur plus grand, éblouissant dans une musique qui parle au coeur.

C'est un roman superbe et bouleversant. Je me suis demandé page après page d'où viendrait le premier coup, toujours. D'où viendrait le coup ultime aussi, celui qui fait plier le genou, et si quiconque aurait vraiment assez de bassesse pour le porter.

Les mots emportent dans un flot d'émotions qui ne m'ont pas laissée indemne. J'ai été touchée par la solitude extrême de cette jeune fille, dont les origines dérangent d'autant plus de monde qu'elle-même n'est pas portée à en avoir honte ; elle ne se sent d'affinités avec personne jusqu'à l'arrivée de ce jeune homme qui semble s'intéresser sincèrement à elle. Cette rencontre essentielle, qui bouleverse la vie de Charity au plus profond et nous révèle son âme, laisse une trace indélébile, le coeur battant.
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