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Critique de okada


Ce roman débute comme un tourbillon étonnant qui nous entraîne dans la vie de l'un des protagonistes. On a l'impression de rentrer dans sa peau et dans son intimité. C'est si détaillé, si malicieux dans la façon de croquer la multitude des êtres croisés par Jack Holmes, que je suis abasourdi par la puissance narrative de l'auteur.

Je suis surpris, d'ailleurs, qu'on ne parle pas davantage d'Edmund White en France… Ce n'est certes pas un débutant et sa plume est comparable aux plus grands romanciers contemporains américains, parmi lesquels John Irving ? Sa liberté de parole, son audace vis-à-vis des thèmes abordés effraierait-elle les Français, pourtant souvent reconnus comme des libertins ?!!!

J'avais lu plusieurs romans d'Edmund White il y a une vingtaine d'années : « La tendresse dans la peau », « Un jeune américain » m'avaient déjà fasciné par leur réalisme psychologique, par ce mélange de pure littérature et de crudité. Mais j'étais alors trop jeune pour apprécier à sa juste mesure la virtuosité du style et la pensée qui permettent au lecteur de se sentir aussi proche des personnages.
Edmund White choisit un protagoniste gay, comme dans la majorité de ses ouvrages, mais il lui adjoint cette fois un camarade hétérosexuel. Jack Holmes et Will Wright ne se ressemblent pas, et pourtant le livre narre leur amitié, qui se construit lentement, malgré leurs différences de vie, de partenaires amoureux, malgré l'amour que Jack ne peut s'empêcher de ressentir pour Will qui n'a décidément aucun goût pour les hommes !Le livre se découpe sur plusieurs époques et en plusieurs parties racontées à tour de rôle du point de vue de l'un ou l'autre des personnages. C'est avec brio que le romancier passe d'une voix à une autre et leur donne un accent de vérité. Il explore avec verve, ironie, sagacité le labyrinthe des désirs humains et des doutes qui lui sont associés.

En même temps qu'une histoire d'amitié et un panorama de l'évolution des moeurs de la société newyorkaise, « Jack Holmes et son ami » est une longue réflexion en forme d'interrogations multiples (mais sans offrir de réponse) sur la sexualité, sur ce qui peut rapprocher et éloigner un hétérosexuel… et un homosexuel. C'est toujours caustique, spirituel et cela fait mouche bien souvent, incitant le lecteur à s'interroger lui-même.

C'est un grand plaisir de lecture car la prose est impeccable, le style imagé, les dialogues savoureux, et la justesse psychologique vertigineuse offrent une histoire intelligente malgré l'apparente superficialité du propos ! Car cela flirte finalement avec le badinage, le libertinage, mais avec brillant !
En brodant sur le fil ténu d'une histoire d'amitié insolite, émaillée de coucheries et de regrets, Edmund White est parvenu à me captiver, à me mettre en empathie avec des protagonistes opposés dans lesquels il se glisse tel un acteur surdoué de la Royal Shakespeare Compagnie ! Je le répète, je ressens un plaisir ambigu pour ce beau roman : je suis irrité d'avoir tant aimé ce livre qui arrive à être si profond avec un sujet si léger !!! Pour cela, je reconnais à Edmund White un immense talent : il nous offre la quintessence de l'art du romancier !
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