AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


Auteur de romans noirs comme l'ébène, à l'image du très réussi « Pike », Benjamin Whitmer situe l'intrigue de son dernier opus, « Les Dynamiteurs » à Denver en 1895. Une ville gangrenée par le vice, rongée par la violence et la pauvreté, dominée par les puissants et les gangsters. Un enfer à ciel ouvert. Un tableau de Jérôme Bosch.

« Mon Denver regorgeait de bars, de putes et d'arènes de combat de coqs. Les trapézistes du Bowling de Blake Street, les phénomènes du musée des Monstres, à Eureka Hall, les avaleurs de sable du Diana. Un Denver de cow-boys et de catins et de gangsters du demi-monde. »

Une poignée d'enfants abandonnés se sont réfugiés dans une usine désaffectée. Cora, quinze ans, les protège avec l'aide de Sam, quatorze ans à peine, qui brûle d'un amour fou pour celle qui recueille inlassablement les orphelins promis à une destinée tragique. Lorsque Goodnight, un géant muet au visage défiguré par la dynamite, échoue dans l'antre de Cora, celle-ci entreprend de le soigner et de le remettre sur pied.

Cette générosité changera à jamais la destinée de Sam, le narrateur de ce récit qui nous est conté à hauteur d'adolescent, dans lequel les adultes sont nommés « les Crânes de Noeud ». Si la présence de Goodnight dissuade un temps les clochards de venir s'en prendre aux enfants réfugiés dans l'usine, elle va conduire Sam, qui est le seul à savoir lire, à devenir son interprète.

Lorsque le géant est remis sur pied et reprend son activité d'homme de main de Cole, un gangster local qui boit du whisky comme certains boivent de l'eau, ce dernier propose à Sam de les accompagner en échange d'un salaire de 10 $ hebdomadaire. Pensant aider sa bien-aimée et les innocents qu'elle tente de protéger d'un monde à la violence absurde, le jeune héros accepte la proposition.

Les activités illicites du gangster alcoolique sont menacées par les puissants de Denver qui entendent garder le monopole du vice. Pire encore, les célèbres Pinkerton ont un vieux compte à régler avec Cole et son acolyte monstrueux. En accompagnant les deux hommes, Sam va découvrir l'envers du décor, ces orgies mondaines où la haute société masquée commet les pires exactions. Il ne le sait pas encore, mais il vient de signer un pacte faustien qui le plongera au coeur des ténèbres.

Lynchages, expéditions punitives, violences gratuites et explosions à coup de dynamite vont marquer la fin définitive de l'adolescence de Sam et le précipiter dans un lieu très sombre, ce lieu sans foi ni loi où évoluent les adultes de l'acabit de Cole.

« Il était rare de croiser quelqu'un de plus de vingt ans qui n'ait pas perdu quelque chose. le monde tordait les corps aussi salement qu'il tordait les esprits. »

« Les Dynamiteurs » pousse les curseurs du roman « noir » à un niveau rarement atteint. En situant son intrigue à une époque qui évoque davantage la fin du Far West que le début de l'ère civilisée, l'auteur confronte son héros à une violence inouïe. L'horreur qu'il a connue enfant en défendant les innocents recueillis par Cora, n'est qu'un écho lointain du déferlement de haine, de fureur et de sévices que découvre, effaré, le jeune adolescent.

Les coups portés par Goodnight brisent les os et les crânes, tandis que Cole n'hésite pas à tirer sur quiconque représente une menace. le vortex de violence alcoolisée dans lequel évoluent les deux hommes emporte Sam dans un endroit dont on ne revient jamais, enfin jamais vraiment.

Benjamin Whitmer dynamite les codes du western en nous proposant un récit à la noirceur insondable. Une noirceur à laquelle nul n'échappe, pas même les enfants innocents que Cora, Sam et le père Tom tentent de sauver d'un monde dont la cruauté ne semble pas connaître de limites.

L'auteur pousse le lecteur dans ses retranchements en explorant la laideur infinie de l'âme humaine. Une laideur en comparaison de laquelle la laideur monstrueuse du malheureux Goodnight n'est qu'une plaisanterie. Une laideur qui ne serait pas supportable si la lueur de l'amour que porte le héros à Cora ne cessait de briller au coeur de la nuit.

« Voilà ce que je pense. Je ne pense pas que la plupart des gens tombent jamais vraiment amoureux, pas vraiment. Pour ceux à qui ça arrive, c'est comme de la dynamite dans un café. Ça souffle tout le reste de votre vie. Ça ne laisse qu'elle, assise à une table dans un coin, qui vous regarde, splendide, avec ses beaux yeux noirs. »

Commenter  J’apprécie          6131



Ont apprécié cette critique (59)voir plus




{* *}