Ça l’a tué en vingt-quatre heures. Quand je suis parti, il était plein de vie, vous comprenez, dix-huit mois, solide, en parfaite santé. Il commençait tout juste à m’appeler « papa », et à mon retour il n’était plus là, comme s’il n’avait jamais existé. Je dis toujours qu’on ne peut pas disparaître complètement, mais c’est faux : Luca l’a fait. Il s’est volatilisé, comme s’il n’avait jamais été là.
Malgré toutes ces années passées à vivre sur le fil du rasoir, entre imprudence et insouciance le plus souvent, et contre tout faux-semblant, Dan avait toujours su qu’il y avait ce côté-là chez Charlie, l’envie de vivre une vie de famille toute simple. C’était probablement vrai pour chacun d’eux au fond, mais Charlie, lui, était pétri de ce désir-là ; il était fait pour s’asseoir à cette table, entouré d’une grande et bruyante famille. Peut-être qu’il serait cet homme-là un jour, mais ça n’était pas pour tout de suite, non, loin s’en fallait.
Il eut envie de l’embrasser, mais il se ravisa, craignant qu’elle ne trouve cela malvenu en la circonstance. Peut-être était-ce mieux ainsi d’ailleurs. Elle venait de tuer un homme, et lui voulait l’embrasser ; ces deux faits résumaient à eux seuls, ironiquement, la différence qu’il y aurait probablement toujours entre eux
Le problème, c’est que tu sais ce que signifie travailler seul… Peut-être bien que tu arriveras à couper une tête de l’hydre, mais elle repoussera. Si on travaille ensemble, on la frappera au cœur.
Son instinct lui commandait pourtant de se battre, quel que soit l'adversaire, et il avait certains atouts: la plupart des autres gars s'étaient installés dans une espèce de routine domestique qui avait facilité le boulot de leurs exécuteurs. Dan savait qu'il serait plus difficile de remonter jusqu'à lui (...) L'avantage qu'il avait sur les autres était qu'il n'avait presque rien à perdre (...)
"Il (Dan Hendricks) n'avait rien d'exceptionnel, il était juste meilleur que la moyenne, et, jusque-là, ça avait toujours suffi."
Il avait passé des années à travailler sur la corde raide, sans appliquer aucune règle de combat, impitoyablement concentré sur l’objectif à atteindre, quoi qu’il en coûte. La seule chose qui le différenciait des monstres qu’il avait été chargé d’éliminer était la légitimité que lui conférait le fait d’être payé par le camp des vainqueurs.
C’était une histoire toute simple, mais qui avait quelque chose de déchirant, et le seul fait de la raconter suffit à saper son énergie ; il n’en connaissait que trop bien la terrible banalité : la jeune femme à l’avenir prometteur tuée brutalement, pour rien.