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Critique de Iboo


J'avoue que je ne reconnais pas mon Oscar dans son De Profundis. Dans la première moitié de sa lettre à Bosie, il est vindicatif et se répand dans un sordide règlement de comptes - par ailleurs fréquemment chiffré, ce qui manque notoirement d'élégance venant d'un homme de sa classe. Et s'il apparaît nettement que Douglas n'était qu'un petit coq infatué et cupide, il n'en ressort pas moins que Wilde a perdu beaucoup de son panache dans cette lettre réquisitoire.
On peut, en effet, s'interroger sur ce qui a pu conduire cet homme d'esprit, dont l'intelligence et la finesse ne sont plus à démontrer, à s'amouracher de ce philistin de Bosie au point d'y sacrifier sa vie, sa famille, ses biens, son art, son honneur, sa liberté. Et cela alors même que ses propres amis n'ont cessé de le mettre en garde.
Et, quand bien même semble t-il avoir recouvré la vue et son bon sens dans cette longue lettre à son amant ingrat, sa faiblesse et son aveuglement durant ces trois ans d'une liaison dévastatrice restent, de mon point de vue, inexplicables émanant d'un homme tel que lui.
Alors, bien sûr, on peut aussi convenir que seule la part du poète esthète, idéaliste et tourmenté s'est exprimée durant cette relation. Mais que diable n'a-t-il pas pas voulu donner plus de crédit aux quelques étincelles de lucidité dont il admet avoir eu parfois la fulgurance.

Dans la seconde moitié de sa lettre, le ton change : de vindicatif, il passe à désespéré et s'emploie à une sorte d'auto-flagellation - "c'est ma faute, ma responsabilité, j'aurais dû, j'ai essayé en vain...". Mais, là aussi, il en fait trop. Et surtout trop tard.
Il se lance alors dans des tirades dithyrambiques sur la douleur car, dit-il "le secret de la vie est dans la souffrance". Puis, touché par la grâce, il enchaîne sur une éloge à Jésus durant une vingtaine de pages dont la lecture m'est apparue pesante par trop de lyrisme et de nébulosité.
Et, enfin, il termine son de Profundis en se recentrant sur Bosie mais de façon plus apaisée, cette fois. Il semble avoir épuisé sa rancoeur et ne lui reste qu'une sorte de fatalisme où, perle toujours cependant la force de cet amour insensé qui a ruiné sa vie.

Tout au long de ma lecture, j'avoue avoir réagi à la manière de Bosie en ne supportant pas que l'extraordinaire Wilde chute du piédestal où je l'avais toujours placé. Et ce n'est qu'en refermant le livre que j'ai admis qu'il n'en était pas descendu mais que ce n'était là que le superbe chant du cygne d'un artiste remarquable.
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