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Critique de Sio


Sio
28 septembre 2012
Sans parler du chien est un roman de science-fiction tout sauf conventionnel. Oh, certes, le roman évoque le voyage spatio-temporel, mais on pourrait presque dire que l'important n'est pas là.
En 2057, alors que le voyage temporel est - presque - totalement maîtrisé, l'historien Ned Henry court les brocantes du milieu du XXe siècle, afin de recueillir des informations sur la cathédrale de Coventry, brûlée en 1940, et qu'une riche et tyrannique mécène s'efforce de reconstruire. Victime de surmenage (communément appelé déphasage temporel) en raison de ses multiples voyages dans le temps, il est envoyé par le labo se reposer à l'ère victorienne, loin de l'influence de la généreuse mais despotique donatrice. L'ennui, c'est que suite à son extrême fatigue, il ne comprend pas bien que son repos est lié à la mission capitale que le labo lui a fixée : sauver le monde.
Oui, rien que ça. Car suite à une regrettable erreur, une de ses collègues a rapporté du XIXe siècle un chat qui bouleverse l'ordre du monde, la race ayant disparu depuis belle lurette au XXIe siècle. Il en résulte donc une incongruité spatio-temporelle, qui menace de détruire le monde. Forcément, on comprend que la situation soit un tantinet tendue.

A partir de là, le roman sombre dans un joyeux foutraque qui repousse allègrement les jalons du genre pour mêler tout un tas d'ingrédients. Tour à tour vaudeville, opéra comique, enquête policière, science-fiction pure et dure ou encore roman typique de l'ère victorienne, Sans parler du chien a un je-ne-sais-quoi qui rend la lecture proprement jubilatoire. Si les explications scientifiques sont parfois ardues, on rit beaucoup des dialogues et des situations, tant Connie Willis sait imiter l'humour british si caractéristique. On pourrait craindre que l'accumulation de genres ne rende le roman désorganisé ou illisible mais, heureusement, tel n'est pas le cas ; Connie Willis fait preuve d'une admirable maîtrise de son sujet et de son intrigue, mêlant avec brio les genres et les références historiques et culturelles. Peu à peu, les pièces prennent place et il s'avère qu'aucun détail n'a été laissé au hasard, ce qui rend l'ensemble d'autant plus remarquable et enthousiasmant. Connie Willis mène sa barque de main de maître et fait de son roman une incroyable construction, servie par des personnages impayables.

Ceux-ci sont tous plus stéréotypés les uns que les autres, pour notre plus grand plaisir. On retrouve tour à tour l'amoureux transi (qui cite Tennyson à tout bout de champ, de préférence en lui attribuant des vers qui ne sont pas de lui), le majordome stylé (mais lecteur assidu plutôt en faveur de l'égalité des classes), la grande bourgeoise tyrannique intéressée par le spiritisme (et quelque peu frivole), la ravissante écervelée gâtée (qui pense qu'Henri VIII se nomme ainsi car il a eu 8 épouses...), ou encore le professeur excentrique et le colonel de l'armée des Indes à la retraite (tous deux passionnés par les poissons exotiques que le-dit chat aime bien boulotter).
Aucun caractère ne manque à ce tableau, et aucun ne trahit son rôle : ils sont exactement là où on les attend, comme on les attend, ce qui renforce d'autant l'aspect quelque peu parodique du roman. Mais les maîtres ne seraient rien sans leurs animaux de compagnie : de ce côté-là, on est servis par le redoutable duo formé par Cyril (placide bouledogue de son état) et la Princesse Arjumand (chatte de bonne famille, ayant voyagé par accident jusqu'en 2057) qui, s'ils paraissent assez statiques et sans intérêt, ne servent pas moins d'efficace moteur à l'intrigue.

On sort du roman comme anesthésié, les abdominaux contractés d'avoir dû se retenir de pouffer tout du long, et avec une liste de notes longue comme le bras, tant les références historiques et artistiques sont nombreuses dans le roman. A l'issue de la lecture, on meurt d'envie de se jeter sur les oeuvres de William Wilkie Collins, Dorothy Sayers, Agatha Christie ou Jérôme K. Jérôme tant elles servent de repères aux personnages.
Ce roman de science-fiction est donc une très belle réussite, que je recommanderais à tous (aficionados ou non du genre) tant il est complet et agréable à lire. Les personnages, caricaturaux à souhait, rendent la lecture très divertissante. Sans parler du chien, évidemment.
Lien : http://encres-et-calames.ove..
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