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Critique de SZRAMOWO


Nul besoin de présenter Michel Winock, universitaire et historien, prestigieux hagiographe de la Vème République, de ses Présidents, de ses partis, de ses parlementaires et de ses citoyens.
Grâce à Masse Critique de Babelio, j'ai été destinataire de son dernier ouvrage « Journal politique » La République gaullienne 1958-1981.
L'historien nous livre là un trésor inestimable, ses notes personnelles, celles précisément qui lui ont permis de livrer des ouvrages de référence.
Point d'analyse prospective dans ses notes quotidiennes, mais plutôt des impressions, des ressentis, de la nostalgie parfois et comme il le dit lui-même dans l'avant-propos : « Cet ouvrage sent le grenier (…) le journal suit et reproduit les carnets que j'avais commencé à écrire à la fin de mes études secondaires, vers le milieu des années cinquante. »
Pas de construction méthodologique, de scrupules d'historien, de précautions oratoires, Michel Winock nous livre un matériau brut de fonderie, et c'est là tout l'intérêt de cet ouvrage.
500 pages de révélations sur ce que pense l'historien Miche Winock au moment où se produisent les faits qui ont marqué l'histoire de cette Vème République que certains voudraient voir aujourd'hui disparaitre au profit d'une VIème.
Autre intérêt de l'ouvrage, sa forme séquentielle, si les faits sont présentés de façon chronologique, nul besoin d'en suivre l'ordre, le lecteur peut picorer au gré de son envie, aller de l'une à l'autre des périodes de ce journal. C'est ce que j'ai fait avec, plaisir, bonheur et vague à l'âme, tant certains événements sont inscrits dans notre histoire personnelle.
Quelques exemples :
Commençons par la fin et remontons le temps comme si nous étions dans la machine de H.G. Wells, euh, non, celle de M Winock :
Dimanche 10 mai 1981 – A 20 heures, toute la famille crie de joie : Mitterand est élue Président de la République. Les enfants me poussent jusqu'à la place de la Bastille (…) Dans ma tête me vient la formule des historiens de la révolution de février 1848 « Illusion lyrique ! » (…) l'alternance démocratique fonctionne enfin ! Mais quels lendemains ?
Dimanche 5 mai 1974 – Election présidentielle. Chaban éliminé. (…) Toutefois je dis ce soir à JMD (Jean-Marie Domenach) que Mitterand devrait être battu : ses 43 % du premier tour me paraissent déjà en deçà du minimum capable de créer le mouvement populaire à même d'entamer l'anticommunisme primaire qui sera le meilleur allié de Giscard.
Mardi 9 Avril 1974 – le clan Pompidou a tenté aujourd'hui un dernier assaut contre Chaban Delmas en engageant Messmer à se déclarer candidat.
Lundi 8 avril 1974 – A midi, Giscard rendait publique sa candidature. Mise en scène impeccable. Il choisit (…) la mairie de Chamalières en Auvergne – et fait explicitement référence à l'Auvergne dans sa déclaration.
L'Auvergne est triplement symbolique :
De l'héritage pompidolien (…) je suis de la même race et de la même famille que notre cher disparu
Du centre géographique de la France (…) terre des Arvernes et de Vercingétorix
Du Français fondamental (…) Les forges de Vulcain compensent superbement les légèretés inquiétantes d'une monnaie papier en péril.
Le Plomb du Cantal, du plomb dans la tête.
Mardi 2 avril 1974 – A 22 heures, le film que présentait la télévision est brusquement interrompu. On nous annonce la mort de Georges Pompidou. (…) Les grandes manoeuvres vont commencer.
Lundi 3 juin 1968 – Pour ce weekend de Pentecôte, l'essence a rejailli des pompes. La France est sauvée.
Dimanche 1er janvier 1967 – Dans son allocution d'hier, De Gaulle a réaffirmé la responsabilité des Américains dans la guerre du Vietnam : « Guerre injuste (…) guerre détestable (…) elle conduit une grande nation à en ravager une petite. »
Ces mots suscitent la réprobation des américanophiles du Figaro qui regrettent un peu cependant « des méthodes condamnables ».
Lundi 7 mars 1966 – La France se retire de l'OTAN. Les bases américaines (…) devront être évacuées d'ici le 1er avril prochain. Exercice de nationalisme tranquille et sans grands risques : on sait bine qu'en cas de menace venant de l'Est, les Américains brandiront toujours au-dessus de nos têtes leur parapluie. de Gaulle le sait, mais il ne supporte pas la subordination militaire (ou autre) de la France à l'oncle Sam.
Mercredi 3 octobre 1962 – Depuis quelque mois je suis en possession de ma première voiture : une brave 2 CV, pleine de bonne volonté, achetée d'occasion. Je l'appelle familièrement Clémentine.
Mercredi 22 août 1962 – Attentat au Petit-Clamart contre De Gaulle, qui rate de peu. du coup, on mesure le vide politique de la France. Qui est prêt à marcher sinon le « Fascisme» (vocable facile pour désigner tout ce qu'il y a en France de demi-soldes (…)) La gauche murmure à peine. Les mauvaises langues disent qu'elle râle. Sommeil ou agonie ?
Vendredi 13 mars 1959 – Hier saisie de l'Express ; La liberté d'expression dans la république gaullienne n'est qu'une fille sur le trottoir toujours bonne pour le panier à salade.
Finissons par le début :
Dimanche 2 mars 1958 – Ce soir les journaux nous ramènent au réel : « 30 000 hommes nouveaux pour l'Algérie. » Qui résiste à cette guerre, que Guy Mollet flétrissait naguère et qu'il assume aujourd'hui aveuglément ?
Une lecture agréable qui vous replonge dans l'ambiance parfois difficile à imaginer vue d'ici et maintenant (GAG).
Un livre à recommander aux jeunes générations abreuvées de jeux vidéo, de téléréalité, de rap, de réseaux sociaux et autres « 50 minutes inside »…mais là je fais mon vieux c…

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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