AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ubik


ubik
16 février 2008
SUBLIME.

Gene Wolfe fait partie de ces très belles plumes dont a accouchée la littérature de science-fiction (et la littérature en général), au même titre que Theodore Sturgeon ou Ursula le Guin...

A mi-chemin entre la fantasy et la SF, l'ombre du bourreau est une oeuvre exceptionnelle. Fantasy par l'ambiance qui règne tout au long de ce roman, une atmosphère sombre, oppressante ; SF de par la description de ce monde, des ses peuples... on découvre d'ailleurs plus ce monde à travers ses multitudes de mythes qu'à travers les observations qui en sont faites (là encore c'est très proche d'Ursula le Guin dans l'approche quasi anthropologique (ou ethnologique, au choix) qui en est faite...)

De ce monde, on ne sait pour tout dire absolument rien, de même que Séverian qui va le découvrir peu à peu... On ne connaît que très peu de choses de Séverian également, l'auteur prenant plaisir à nous distiller les informations au compte goutte...

"T'ai-je dit tout ce que j'avais promis de te dire? Je me rends bien compte qu'à tel ou tel endroit du récit, je me suis excusé en disant que ce point s'éclaircirait un peu plus loin. Je n'en ai oublié aucun, j'en suis sûr, mais il y a tellement d'autres choses dont je me souviens...Avant d'affirmer que je t'ai trompé, lis de nouveau, comme je vais de nouveau écrire." Séverian

On apprend très vite que Séverian souffre / profite de ce que l'on appelle une mémoire éidétique, faculté que possèdent certaines personnes à se souvenir d'absolument tous les détails de leur vie passée, même les plus insignifiants. L'auteur se joue alors du lecteur, le noyant sous un amoncellement de souvenirs, chacun ayant plus ou moins d'importance ; mais à ces souvenirs se mêlent également hallucinations et souvenirs d'autres personnes (impossible d'en révéler plus sans dévoiler une partie de l'histoire...) qu'il faut alors organiser, trier, afin de se frayer un chemin et démêler le vrai du faux.

D'ailleurs Wolfe, en Grand Littéraire, aime à prendre son temps ; ici, pas de courses poursuites endiablées à travers les étoiles, pas de combats opposant d'immenses armées... ça se rapprocherait plus d'un jeu style Baldur's gate dans lequel vous progressez pas à pas sans réellement savoir où vous allez, rassemblant des éléments au fil des pages vers vous ne savez trop quel but (on peut pousser plus loin l'analogie avec la description précise de tous les systèmes de Guildes, leurs rites, qui régissent ce monde).

Vous l'aurez compris, le rythme est extrêmement lent, l'action souvent absente, la lecture parfois ardue... mais Gene Wolfe en profite pour nous éblouir de descriptions splendides, nous faisant presque regretter de ne pouvoir découvrir ce monde par nous-même.

"...Avant d'arriver à Saltus, nous avions dû traverser, Jonas et moi, des collines entières de débris provenant des mines, composées avant tout de pierres et de briques brisées [...] on voyait surtout des statues obscènes, renversées ou réduites en miettes, et des ossements humains auxquels étaient encore attachés des lambeaux de chair desséchées et des touffes de cheveux. Et puis il y avait une bonne dizaine de milliers d'hommes et de femmes, ceux qui, dans l'espoir d'une résurrection en quelque sorte privée, avaient fait traiter leur cadavres afin qu'il devienne pour toujours imputrescible; ils étaient disséminés un peu partout, tombés comme des ivrognes après une nuit de débauche, leur sarcophage de crystal détruit, les membres ayant pris des positions grotesques, leurs vêtements en train de finir de pourrir et leurs yeux aveugles regardant fixement le ciel."

Bref, à conseiller aux amateurs de littérature avec un grand L, aux amateurs de fantasy et/ou de SF (enfin un livre qui réconcilera les 2), à ceux qui aiment prendre leur temps, s'immerger entièrement dans un monde inconnu...

Commenter  J’apprécie          151



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}