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Critique de Samousse


Une agréable surprise. Mon père se passionnait pour les rallyes automobiles, et donc ça m'ennuyait profondément. Je m'attendais donc à décrocher au bout de quelques pages et c'est tout le contraire qui s'est produit. J'ai été tout de suite captivée par le récit. Tout commence in medias res. « le général ne répond pas. Strictement sanglé, presque trop, dans sa sobre vareuse militaire, le crâne rasé à la prussienne, les yeux, à peine bridés, vifs au-dessus du nez droit, la lèvre inférieure proéminente lui donnant comme un air de bouder, le général ne répond pas. Impassible, derrière son bureau, il signe des papiers. » On apprend aussitôt qu'il s'agit de rien moins que Tchang Kaï-Chek , avec qui les responsables de l'expédition Citroën doivent négocier des autorisations pour leur projet de rallier Beyrouth à Pékin en autochenille en 1930.
Le récit est court (un peu plus de 200 pages) mais incroyablement dense et efficace. Tout part d'une histoire vraie, documentée par des participants à l'expédition (qui comprend des mécaniciens, mais aussi des journalistes, scientifiques, artistes, le médecin, l'archéologue, ...). le groupe est scindé en deux : l'un (groupe Pamir), part de Beyrouth, l'autre de Pékin (groupe Chine), et les 12 chapitres sont consacrés alternativement à l'un ou à l'autre. L'histoire comprend tous les ingrédients d'un récit passionnant : de l'humour, notamment dans les portraits des dignitaires orientaux, dans les confrontations ubuesques avec les autorités chinoises ou le fameux maréchal King, gouverneur du Sinkiang et son émissaire au chapeau melon, tournés en dérision par la gouaille des mécaniciens.
On a aussi de l'action avec des attaques (nous sommes en pleine rébellion des minorités musulmanes contre les autorités chinoises), des évasions rocambolesques, une lutte incessante contre les éléments : chaleur torride, hiver glacial, chutes de pierres, tempêtes de sables, traversées de fleuves, opération de l'appendicite dans un temple … Les personnages sont attachants, notamment Gumbo, le guide mongol capable de retrouver son chemin n'importe où dans le désert de Gobi, les chefs et les hommes héroïques, acharnés, courageux qui ne renoncent jamais. Cette lecture fait penser au film le salaire de la peur. Les deux histoires n'ont pas grand chose à voir, à part un parcours à accomplir en conduisant, mais les deux sont aussi palpitants, bien que les personnages soient bien plus nombreux dans la croisière jaune. Malgré tout, on suit cette aventure collective comme si l'on s'identifiait à un seul homme. D'ailleurs, les chefs, Haardt et Point, font figure de héros individuels, au même titre que leurs hommes. Et puis, dernier ingrédient, le dépaysement. En quelques lignes, Jacques Wolgensinger a l'art de restituer l'ambiance pittoresque d'une ville orientale ou de nous faire imaginer une plaine peuplée de chevaux et de yourtes aux pieds d'une citadelle. En suivant la route de la soie et des caravanes, les traces d'Alexandre et de Gengis Khan, on découvre un peu de Perse, d'Inde, d'Afghanistan, de Chine, la vallée de Bamyan et ses statues bouddhistes (celles que les Talibans ont détruites en 2001), l'oasis de Tourfan, la vallée des tombeaux des empereurs Ming, la grande Muraille. J'allais oublier une certaine émotion, retenue, qui se manifeste dans le dévouement de chacun, et que l'on ressent à la fin, dans le récit sobre de l'issue de l'expédition. Je n'en dirai pas plus…
Donc, même si BMR a raison de souligner que ce livre est tout entier à la gloire de Citroën et que l'auteur est ensuite entré au service communication de l'entreprise et de rappeler le complexe de supériorité des occidentaux, courant à l'époque, qui imprègne le récit, cela n'ôte rien à ses qualités littéraires. J'ignorais tout de l'expédition avant la lecture de ce livre, et ce fut pour moi une vraie découverte. Et il est tout à fait juste de dire qu'à notre époque désenchantée, ce genre d'épopée peut faire rêver. Pas étonnant qu'elle ait été publiée en Folio junior, car elle se lit très facilement, et peut émerveiller et instruire de jeunes lecteurs, même s'il faut ensuite leur donner un peu de recul.

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