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Critique de gianro






Ça s'appelle Manuel du Hors la loi ( Titre original: Outlaw album ) et ce sont des petits bijoux de nouvelles.
On trouvera dans la littérature américaine, de nombreuses parentés avec les personnages dont il est ici question : de magnifiques spécimens de white trash (pas tous) comme il est maintenant convenu de les appeler, logeant dans des coins improbables du rural profond.
Pour autant qu'on puisse en juger avec la traduction approximative du titre de l'ouvrage, Daniel Woodrell ( l'auteur) semble être un merveilleux styliste.
Sa notice wikipédia indique qu'il a fréquenté un atelier d'écriture : comme quoi, lesdits ateliers ne réussissent pas malgré tout à à affadir complètement le talent des gens de bonne volonté.
L'entame de chacune de ses nouvelles fleure déjà bon cette odeur de folie qui imprègne ses textes.

Jugez plutôt : « Depuis que Boshell avait enfin tué son voisin, il lui semblait qu'il ne pourrait plus s'arrêter de le tuer » ( Conversations avec un cadavre) ou : « Mon bébé, il tient pas dans un berceau. Mon bébé, il fait bien cent kilos, il est dans un fauteuil roulant, il reste silencieux tout le temps et c'est dur de la pousser dans les côtes. » ( Tonton) ou encore : « Une nuit, Pleham fut tiré du sommeil par la présence, au pied de son lit, d'un homme nu qui grondait. »( Sentinelle de nuit).

Meurtres, enlèvements d'enfants, sauvageries des guerres ( de Sécession ou d'Irak ), violence qui rôde en permanence, corps et mental déglingués : bienvenue en enfer.
La loufoquerie de certains de ces récits vient i de ces que les assassins ne peuvent parfois pas se passer de leurs victimes: c'est Boshell qui va déterrer le corps de son voisin qu'il a occis pour lui redonner un bon coup de hache et, calmé, dissimule le corps avant sa prochaine crise.
C'est cette gamine, qui a transformé son violeur d'oncle en légume et finit par s'occuper de lui toute la journée.
Parfois, le meurtrier ne peut plus se passer de sa victime : il fait presque corps avec elle dans une étrange proximité,la brutalise encore en peu, en rêve ou en acte, ou encore, sidéré par le geste qui a fait de lui un assassin, rejoue la scène en se mettant à la place de « l'autre »..
Quand la violence ne s'exerce pas sur les corps, elle s'insinue ici et là et frappe les choses.
Dans Retour à la rivière, un adolescent met le feu à la maison de ses voisins afin que son père,avant de mourir, puisse jouir de la vue sur la rivière. ( Les « intrus », ont en effet masqué cette vue avec la construction de leur habitation).L'incendiaire pourrait très bien être le personnage d'une autre de ces nouvelles qui s'intitule Deux choses.
Une femme vient intercéder en faveur du fils, qui peut bénéficier d' une libération conditionnelle, à condition de pouvoir habiter chez ses parents. le père, qui connaît la musique, ne s'en laisse pas conter.Le fait que le fils se soit mis à écrire des poèmes que la visiteuse apprécie visiblement donne lieu à ce passage comique :
« Elle se remet à lire. Les mots de ce texte là décrivent une situation familière: le poète a fauché la paie de sa maman pour rembourser des sales types qui n'étaient pas de sa famille.
« Hé, une minute,que je lui dis. Ça c'est de la poésie qui s'est produite plusieurs fois, ma pt'ite dame. Cécil, c'est qu'un foutu voleur.
-Non,non et non. Il veut rembourser sa dette, surmonter sa culpabilité engendrée par ses actes. »
Je réplique que la dette de Cécil, elle se monte au moins à plusieurs centaines de dollars. Est ce que ces poèmes vont lui rapporter une somme pareille ? ».

Dans la nouvelle, Twin Forks, le narrateur a racheté un camping situé en pleine nature
C'est l' été, l'eau de la rivière est fraîche et il regarde les gamins s'amuser et tourner autour des filles. Un souvenir de son adolescence revient le hanter : l'image d'une jeune fille qui le fascinait et qu'il n'osait pas aborder.
Vertige du passé et des occasion ratées : « Il savait qu'elle aurait pu devenir la première histoire d'amour que tous les adolescents devraient vivre, qu'ils ont besoin et méritent de vivre, un été magique, une succession de journées éblouissantes ponctuées de tâtonnements extatiques dont il aurait savouré le souvenir pendant des années (…).


J'ai de la chance : il me reste d'autres livres de Daniel Woodrell à lire.
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