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Critique de Malivriotheque


Contre toute attente et malgré a succession de sondages d'intention de vote donnant Hillary Clinton gagnante de la présidentielle américaine de 2016, l'outsider et milliardaire businessman Donald Trump remporte le vote électoral. L'homme défraie la chronique depuis longtemps déjà. Bob Woodward revient sur les circonstances de sa candidature et son élection, avant de rentrer dans les détails de sa tumultueuse première année au pouvoir…

Quand votre humble serviteuse s'installe aux US fin 2013, Obama est encore président. Cet homme avait une aura sans précédent pour un président américain, particulièrement chez les électeurs démocrates-progressistes.
Malgré des études anglophones qui couvraient l'histoire américaine, votre humble serviteuse a eu besoin de nombreuses années sur place pour mieux appréhender certains sujets sociaux et politiques qui rendent ce pays franchement contradictoire sous bien des aspects, les différences de culture rendant carrément réticent à certaines approches historiques et culturelles justement. Sauf que ce n'est pas de 2-3 ans dont elle a eu besoin, mais bien plus.
C'est pourquoi en 2015, lors d'un voyage à New York avec une amie française, avait-elle bien rigolé devant le panneau « Coming 2016 » sur un grand immeuble Trump : « Ah ah, trop dôle, ça n'arrivera jamais ! ».
C'est pourquoi sa tête se décomposa comme celles des autres autour d'elle un certain soir de novembre 2016, face aux résultats. Incompréhension totale. Naïveté, pour sûr…
« Oh the Humanity »… La longue campagne avait déjà été pénible à suivre ; les années de la présidence Trump (janvier 2017-janvier 2021) ont été longues et pleines de rebondissements généralement flippants. Car tous les jours, on se réveillait et apprenait la dernière lubie, aberration, horreur ou le dernier tweet du président en place.
Bob Woodward est un éminent journaliste, extrêmement respecté dans le monde journalistique. Ce livre rapporte le personnage Trump à l'un des postes les plus puissants du monde. Un homme décrit (et perçu par plus d'une bonne moitié des Américains) comme étant un « putain de menteur » même par l'un de ses avocats, ayant le « quotient intellectuel et émotionnel d'un gamin de 11 ans », mythomane et narcissique pathologique qui n'y connaît absolument rien en lois, politique, économie de marché, relations internationales et j'en passe.
Franchement, on avait droit à suffisamment d'infos via les médias traditionnels pour savoir ce qui se passait, dans les grandes lignes voire un peu plus. Mais le livre de Woodward, grâce à des références poussées et condensées en un seul ouvrage, nous offre les détails en coulisse. Comment de nombreux alliés ont intelligemment participé à sa campagne (Steve Bannon, Kellyanne Conway) et ont réussi à le faire élire malgré une organisation bancale, voire inexistante, grâce à des stratégies fort perspicaces par rapport à celles appliquées pour la campagne de Clinton. Comment certains Républicains avaient encore un semblant de bon sens à cette époque-là (Sen. Lindsey Graham)…
Dans cette première année de présidence qui s'est focalisée sur la présence militaire américaine en Corée du Sud et le paiement du système anti-missiles THAAD, les accords commerciaux avec ce même pays, les taxes sur l'acier chinois, l'éventuel retrait militaire d'Afghanistan, la réforme des impôts, les Dreamers du programme DACA et le mur anti-immigrants à la frontière avec le Mexique, on apprend surtout à quel point les « collègues » du président au sein de la Maison Blanche et dans les structures annexes ont très souvent évité le pire, l'empêchant d'agir sur des coups de tête (régis par son égo et souvent au mépris des lois) et de mettre en place les pires décisions que le pays aurait pu prendre, notamment concernant les affaires internationales avec certains pays comme la Corée du Sud (accords commerciaux et présence militaire dissuasive face à la Corée du Nord), en faisant en sorte qu'il ne signe pas certains ordres, en essayant de gagner du temps (vu que le président avait tendance à vite oublier tout ce qu'il abordait après des colères et caprices quasi-quotidiens), gérant son tempérament changeant au gré du vent, ou plutôt des infos devant lesquelles il passait son temps, obsédé par son image dans les Médias, qu'il s'est arrangé à condamner dès lors qu'ils ne le brossaient pas dans le sens du poil (qui n'est pas loyal en prend généralement pour son grade, mensonges et retournements de vérités à l'appui), reconnaissant à mille lieues qu'il se faisait manipuler par certains leaders comme Xi Ji-Ping alors qu'il répétait à qui voulait l'entendre que le mec l'adorait (orgueil démesuré, nous l'avions déjà compris), gérant son incapacité/répugnance à suivre les protocoles variés (Twitter, hiérarchie, processus de ratification…), gérant son emploi du temps chaotique vu qu'il ne commençait pas ses journées avant 10-11h du matin, sachant pertinemment, dépités, certains jours, qu'aucun travail serait possible, rattrapant des bourdes souvent cosmiques qui faisaient peur à la population locale et mondiale (qui c'est qui a le plus gros pé… euhh arsenal nucléaire ???) …
Quelques citations provenant de l'intéressé résument parfaitement sa mentalité :

“Real power is fear.” (en exergue)

et

“You've got to deny, deny, deny and push back on these women. If you admit to anything and any culpability, then you're dead. (…) You showed weakness. You've got to be strong. You've got to be aggressive. You've got to push back hard. You've got to deny anything that's said about you. Never admit.” (p175)

et enfin

“I know I'm right. If you disagree with me, you're wrong.” (p273)

C'est cet état d'esprit constant qu'il applique à absolument tout, à chaque aspect de sa vie : sa présidence, ses problèmes juridiques, ses inculpations ; et ce depuis le début, pendant toute sa présidence et encore aujourd'hui en plein procès pour fraude (début novembre 2023). C'est cette façon d'être qui a totalement contaminé une partie de la population américaine qui désormais dénigre la vérité et doute à l'aveugle de toutes les preuves qu'ils ont en face des yeux, qui attaque violemment quiconque tente de remettre un peu de bon sens, qui rejette tout ce qui ne va pas dans son sens, les oeillères bien calées.
A la lumière des années qui ont suivi, de la présidentielle de 2020 et de l'insurrection du 6 janvier 2021, des deux impeachments historiques pour abus de pouvoir et obstruction du Congrès en 2020 et incitation à l'insurrection en 2021, des 4 procès en cours qui couvrent, entre autres, la tentative de renversement des résultats d'une élection, la corruption d'élus, l'obstruction à la Justice et au gouvernement, ce livre représente une goutte d'eau dans le bordel phénoménal dans lequel Trump a mis/met encore le pays : une population archi divisée complètement polarisée, un parti républicain désordonné qui a laissé la place aux plus extrémistes, une Cour Suprême ultra-conservatrice qui n'agit pas sur les armes à feu (2ème amendement) mais renverse le droit fédéral à l'avortement…
Ce livre est une bombe, Woodward en a fait deux autres après. Faut dire que 2018, 2019 et 2020 ont aussi amené leur lot de grand n'importe quoi. Il peut paraître un peu répétitif à certains moments, être parfois bizarrement structuré, mais il est quand même bien foutu dans le sens où c'est une compilation de témoignages nécessaire pour l'Histoire.
Ceux qui diront que c'est n'importe quoi et doutent de la véracité des propos rapportés prouvent encore une fois qu'ils n'ont pas lu les références, le disent encore sans aucun argument valable et logique, et admettent qu'ils préfèrent vivre dans le noir. Comme c'est devenu la mode depuis quelque temps…
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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