P 93 – l’air de rien, jour après jour, le chemin nous enseigne la sobriété : donner au corps juste ce qu’il faut, baisser les étiages, ne pas faire de réserve, se contenter de ce qui nous échoit, parfois le maximum, d’autres fois rien. Je commence à trouver que cette sobriété est féconde, libératrice même, qu’on peut vivre intensément avec peu, qu’au fond, les biens nous ligotent, nous encombrent, et qui si elle existe, la joie vient plus par le déblaiement l’allègement, que par l’accumulation. – finalement, dis-je à Parsac, nous ne faisons que prendre au sérieux le « ne vous inquiétez pas » de la parabole du lis des champs. Nous voulons voir ce qui se passe quand on suit à la lettre cet appel radical à l’insouciance.
P 69 – « -mes petits, j’ai quatre-vingt-douze ans. La mort est devant moi. Quand je repense à ma vie, ce qui m’a rendue heureuse, c’est les gens à qui j’ai rendu service… » Les paysans ne se paient pas de mots. Mais l’air de rien, avec cette unique parole, la vielle dame nous a livré son secret, sa perle précieuse. (…) cette rencontre furtive, je l’ai vécue comme une annonciation. Le frôlement d’une aile d’ange.
Cela fait presque un mois que nous vivons sans Internet, ni radio, ni télé, ni journaux, sevrés de vaguelettes de l’actualité. Les bienfaits de cette cure d’inactuel sont incalculables.
Ne laisse jamais aucun pouvoir empiéter sur ta conscience
Quand je repense a ma vie, ce qui m’a rendue heureuse, c’est les gens à qui j’ai rendu service.
La pauvreté est une voie vers la joie parce qu'elle ouvre un espace illimité d'accueil. Quand on a rien, on est obligé d'ouvrir les mains, et on se dispose ainsi à tout recevoir.
L'aventurière Isabelle Eberhardt revendiquait, elle, le droit à l'errance et au vagabondage. Dans heures de Tunis, elle écrit : "pour qui connaît la valeur et aussi la délectable saveur de la solitaire liberté, l'acte de s'en aller est le plus courageux et le plus beau". Je me suis toujours senti de mèche avec les gens qui enferment leurs vies dans une valise et qui s'en vont. Rimbaud, Casanova, Charles de Foucauld, Kerouac, Benoît-Labre, une mystérieuse parenté qui m'attire depuis toujours dans ce destin de moines, de pèlerins, de vagabonds célestes. Ces irréguliers ont eu le courage de rompre. Ils ont pris la tangente comme on prend le maquis.
"il faut du temps à la grâce pour investir un homme et assouplir son coeur" (p. 166)
- Alors pourquoi toutes ces gribouilles sur ton calepin qui nous mettent en retard?
-Le Massif central ma libéré. Un déclic a eu lieu. Le temps est venu de me délivrer de mon chaos intérieur. Certains ont défini la littérature comme un chagrin dominé par une écriture, une dépression domptée par la grammaire. Oui, un livre répond à une urgence intérieure. On se met à barbouiller du papier parce qu'on ne peut pas faire autrement. Les mots arrivent comme si une explosion avait descellé une source, ils bondissent sous la pression, on n'est pas tranquille tant qu'on ne les a pas attrapés au bond...
Ces gens au grand cœur se sont remis de la désillusion en se repliant sur le cercle familial, et sur ces choses simples qui ne déçoivent jamais : leur complicité amoureuse, les racines creusoises de Jean, l'accueil de leurs petits-enfants, et une générosité exercée envers quiconque frappe à leur porte.