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Critique de Osmanthe


Que d'originalité voire d'étrangeté dans ce recueil de nouvelles !
A commencer par ce nom d'auteur, d'emploi, de Xi Xi, derrière lequel se cache Cheung Yin, chinoise née en 1938 et vivant à Hong Kong, bien peu traduite.

Quatre des six nouvelles explorent en apparence le quotidien le plus banal. Elles mettent au centre de la scène des insectes, des plantes, de petits objets, et leur lien étroit avec les humains. C'est une plongée dans un monde de détails, vu comme au travers d'une loupe, où parfois l'homme est pris d'une forme de vertige et d'obsession maniaque envers cet objet ou cette bestiole qui le fait tourner en bourrique. Ainsi d'un narrateur (l'auteur ?) qui à force de vouloir tuer une fourmi va provoquer une véritable catastrophe domestique, un idiot qui s'amourache d'une chenille, une femme vivant un éphémère et fragile moment de magie colorée sur un marché avec des figurines en pâte de riz réalisées par un artisan, ou encore la plus déroutante, une chemise qui se raconte et vend ses qualités auprès de sa récente propriétaire…

Le récit phare, le plus long, est à mon avis « Histoire du Bourg fertile ». Nous suivons la famille Hua, et notamment la narratrice la petite Hua Kejiu, qui a pour habitude de visiter ses deux oncles exploitant une petite fabrique artisanale de sodas. Elle est bordée d'un terrain vague servant de décharge où la terre est complètement infertile. Un jour, la petite est témoin ébahie d'un curieux phénomène : des bouteilles cassées ont répandu leur liquide aux reflets multicolores sur ce terrain vague, faisant pousser subitement une végétation qui va bientôt devenir luxuriante. C'est que la terre est devenue très fertile. Le village va faire parler de lui, vivre un boom touristique et économique, l'usine s'agrandit énormément, on exporte partout…Mais cela ne dure qu'un temps, les plantes deviennent vite envahissantes, et même incontrôlables, jusqu'à détruire les murs de l'usine elle-même. Il faudra un jour de pluies diluviennes, pour que le phénomène s'inverse subitement, dans une sorte d'arc en ciel divin. Ce beau texte est sans doute une critique du développement à tout va et des atteintes à l'environnement, et un appel à l'humilité face au mystère de la nature.

Le dernier enfin, « La cage du tigre », est un zoom sur un camp de détention de boat people à Hong-Kong. Si l'auteure évoque le sort de ces pauvres vietnamiens, signalant les émeutes qui surviennent dans les camps entre vietnamiens du nord et du sud, elle regrette que Hong-Kong accueille ces réfugiés vietnamiens, alors qu'elle n'offre même pas l'asile à des réfugiés chinois. Un récit à resituer dans le temps : toutes ces nouvelles sont publiées, à Taïwan, en 1988, et Hong-Kong est encore dans l'empire britannique. Un récit utile, qui m'a appris que le dernier camp n'a fermé qu'en 2000, et qui nous fait prendre conscience que la Couronne britannique n'a pas été particulièrement généreuse, puisque la plupart de ces réfugiés n'obtiendra pas le statut de réfugié politique. On rappellera, mais ce n'est pas dans le récit, que la France sera dans ce drame humain absolument exemplaire, en allant récupérer sur le bateau « L’ile de lumière », puis d'autres, des dizaines de milliers de boat people, qui se sont très bien intégrés dans la société française.

Sans être un coup de coeur, ce recueil a été pour moi une très intéressante découverte.
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