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Critique de alouett


Giacomo Foscari est né en Italie, pendant la période de l'entre-deux guerre. Fils d'une famille aisée, il grandit aux côtés de son père, riche industriel. Lorsque la deuxième guerre mondiale éclate, Giacomo est en pleine adolescence. La chute de leur train de vie ne l'affecte pas en revanche la montée en puissance du fascisme le met à mal. le régime attise les haines et déchire le pays, faisant naître la suspicion et la méfiance au sein des familles et creusant un fossé de plus en plus important entre les différentes classes sociales.

Plus tard, dans les années 1960, Giacomo obtient un poste de professeur d'Université à Tokyo. Il part enseigner l'histoire occidentale à de jeunes tokyoïtes. Il garde quelques liens en Italie, il cherche notamment à y promouvoir la littérature japonaise. En parallèle, il sensibilise certains de ses amis japonais aux airs d'Opéra chantés par La Callas.

Cet homme n'a de cesse que de construire des passerelles entre ses deux cultures : celle qui l'a vu naître et celle qu'il a adoptée.

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Avant toute chose, je voudrais parler de cette rentrée littéraire 2013 qui s'accompagne d'un événement qui malheureusement est devenu assez rare dans le paysage éditorial puisqu'il s'agit du lancement d'une nouvelle maison d'édition : Rue de Sèvres. Rattachée au groupe L'Ecole des loisirs qui fêtera bientôt ses 50 ans, ce nouvel acteur de l'édition a déjà annoncé la couleur :

- Un suivi constant et une attention particulière accordés aux projets artistiques retenus,
- Une politique éditoriale axée sur le qualitatif et non le quantitatif,
- Un catalogue qui s'enrichira, à terme, d'une cinquantaine de titres par an.

Rue de Sèvres a donc choisi le mois de septembre 2013 pour démarrer son activité et le programme de ses sorties est aussi ambitieux qu'alléchant. Rue de Sèvres souhaite redonner sa place aux auteurs souvent étouffés par le poids des contraintes éditoriales, des délais trop courts, de l'absence de suivi de leur projet… L'éditeur axe tout sur la proximité et disponibilité avec ses auteurs mais également avec les autres acteurs de la chaine du livre, à commencer par les libraires. Avec un album de lancement réalisé par Zep (Une histoire d'hommes dont je vous parlerais très prochainement), le nouvel éditeur nous gratifie également – ce mois-ci – du tome d'ouverture de la série Giacomo Foscari de Mari Yamazaki.

Mari Yamazaki, un nom que vous avez déjà eu l'occasion de croiser puisque l'année dernière (en mars 2012), les lecteurs francophones avaient l'occasion de découvrir sa série Thermæ Romæ, une série qui compte actuellement cinq tomes et dont le personnage principal, un architecte de la Rome antique, trouve un passage à travers le temps qui lui permet d'arriver au XXIe siècle.

Quant à moi, n'ayant pas encore découvert Thermæ Romæ, c'est l'occasion de me sensibiliser au style de cette auteure.

Le scénario s'appuie sur un homme qui s'est visiblement approprié le meilleur de chaque culture afin d'y trouver son propre équilibre. A sa manière, il construit des passerelles entre deux modes de vie radicalement opposés. D'une part l'Italie et sa fureur de vivre, sa générosité, son allégresse et son histoire antique de laquelle il a hérité [legs familial depuis plusieurs générations] une statue de Mercure. de l'autre le Japon et ses croyances, son art de vivre, ses traditions… Tout cela offre à cet homme un sentiment d'unicité parfaitement traité dans le récit.

Le scénario s'échappe régulièrement vers le passé, ses souvenirs de la guerre reviennent constamment. Sa mémoire des faits/des émotions semble intacte à tel point qu'on le sent tiraillé, coupable de quelque chose. L'introspection à laquelle il se livre est de tout moment. C'est grâce à cette souffrance qui s'exprime que j'ai pu investir cet homme.

Il m'aura pourtant fallu tout un moment pour me situer à l'égard du personnage principal. Un homme posé, cultivé, intègre, fidèle en amitié, sensible et à l'écoute de ce qui l'entoure. Il écoute, observe et intellectualise ce qu'il vit. Mais c'est également un homme introverti qui n'exprime ni ses sentiments ni ses émotions. Son savoir-vivre et au savoir-être en société sont irréprochables, une rigueur qui ne lui pèse pas mais par ailleurs, il se passionne pour l'histoire, la mythologie et l'opéra. L'auteur utilise ces deux aspects de sa personnalité pour passer d'une ambiance à l'autre, joue avec ce rythme narratif qui nous emporte entre passé et présent, instants de plaisir et moments sérieux.

Est-ce un hasard si récemment, à l'occasion de la sortie du tome 1 de Pil (autre série de Mari Yamakazi lancée en avril 2013 chez Casterman), Jiro Taniguchi avait tenu ces propos dans la préface : « Je crois que Mari Yamazaki appartient à cette espèce d'auteurs qui ont assez de génie pour être capable de tout raconter en bande dessinée » ?

Peut-être pas…

Pour avoir lu quelques ouvrages de Taniguchi, il me semble de Giacomo Foscari partage de nombreux points communs avec certains de ses personnages comme par exemples le fait de regarder très souvent en arrière pour comprendre le présent, de mesurer ses propos et d'intérioriser ses sentiments. Mais ce n'est pas tout. Les deux mangakas développent tout autant la construction de leurs personnages centraux que le contexte dans lequel ils évoluent, ils accordent autant d'attention au fond qu'à la forme du récit. D'ailleurs, le dessin de Mari Yamazaki est d'une finesse et d'une précision incroyables. On perçoit le mouvement d'un corps, l'amplitude d'un geste, l'intensité d'un regard aussi bien que la pression que le vent impose sur le feuillage d'un arbre ou le bruit délicat que fait un pétale de fleur de cerisier.

Et si je mets en parallèle le travail de Taniguchi et celui de Yamazaki, c'est parce que et je suis assez sensible au fait de pouvoir accéder à une telle richesse dans la narration.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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