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Critique de nilebeh


Li Niannian est un enfant chinois qui commence son histoire tel un conteur traditionnel : il interpelle les Esprits des hommes, les dieux, Bouddha et les bodhisattvas, Guan Yu et Kong Ming et Laotsi le vieux maître taoïste. Il les implore, lui, l'idiot du village, au nom des siens, au nom de son voisin, l'écrivain Yan Lianke, qui a totalement perdu l'inspiration. Et de citer les oeuvres de ce grand écrivain - par ailleurs auteur du livre ! Oncle Yan a décidé d'écrire ce qui s'est passé cette nuit-là, et est parti s'isoler dans la montagne mais au bout de deux mois « il a perdu tout espoir de pouvoir écrire ».

C'était tellement incroyable ! Tellement bouleversant ! Et nous voilà, tenus en haleine par l'idiot qui raconte une nuit inoubliable.

D'abord, il trace les contours de l'histoire et esquisse les personnages. Son père, Li Tianbao, fabricant et vendeurs d'objets funéraires dans sa boutique « L e Nouveau Monde » ; délateur à l'occasion pour gagner vite de l'argent et se construire une belle maison en briques. Sa mère, soeur du richissime directeur du crématorium nommé Shao, homme bas et immonde qui fait sa fortune sur les injonctions politiques en cours, à savoir brûler les défunts pour libérer la terre pour la descendance. Au passage, il rémunère son beau-frère qui dénonce les « inhumateurs » clandestins. Enfin conscient de l'horreur de ses actes, ce dernier rachète au directeur du crématorium les bidons d'huile de cadavres récupérés lors des crémations. Il ne les revend pas à prix d'or aux fabricants de savons, de caoutchouc et de lubrifiants. (Rappel des actes nazis?), il les cache au fond d'un tunnel très long sous le barrage. Il pense ainsi racheter ses fautes passées. Il aura fallu la mort de sa grand-mère pour réveiller sa conscience.

Sa grand-mère, revêtue de la plus belle robe mortuaire qui soit, noire ornée de fleurs brodées au fil d'or, qu'il porte sur son dos à travers le village, jusqu'au crématorium.
Il faut savoir qu'en Chine le respect aux ancêtres et aux anciens est la base même de la société. Les villageois sont horrifiés, indignés, obéissent plus ou moins aux ordres et si parfois ils parviennent à enterrer leurs morts en secret dans un champ, Shao, bien renseigné par Li Tianbao, envoie la brigade spécifique qui pose un explosif, fait sauter la dépouille et la brûle. L'ordre est sauf !

Une étrange et redoutable maladie s'est abattue sur Gaotian : les humains dorment debout, somnambules. Dans cet état second, les hommes jeunes se jettent dans les puits et se noient ou bien se suicident. Curieusement, les vieillards ne meurent pas.

Les somnambules ont la mine grise et hagarde. Ils soliloquent en marchant, centrés sur eux-mêmes et ne voient pas la maladie chez les autres. (symbole de l'homme manipulé par les politiques?) Les instincts les plus vils se libèrent, pillages, vols avec violence, actes de barbarie. Les parents de Niannian sont violemment battus par les des hommes descendus par centaines des villages avoisinants. Ils finissent par partir sur un cyclopousse électrique. Les habitants de Gaotiang veulent revenir à l'époque Ming et recréer le royaume de la Grande paix céleste, ils se reconnaissent à leur bandeau jaune (symbole de l'Empereur), tandis que les hommes des villages brandissent le drapeau rouge (des communistes) : métaphore de l'opposition passé-présent, ville-campagne, Empire- système communiste : le roman semble une fable politique autant que philosophique.
Quand arrive une éclipse de soleil, un ciel nuageux épais et opaque, les opposants combattent sans pitié, somnambules ou pas. On finit par ne plus savoir qui est somnambule. Pour faire revenir le soleil, Li a une idée : verser toute l'huile de cadavres récupérée au crématorium, la verser dans le cratère au sommet de la montagne et y mettre le feu. Pour qu'on voie mieux ce soleil, il se constitue en pieu dressé au milieu des flammes et se transforme en torche vive.

« La Mort du soleil » entre tristement en résonance avec le mal qui touche l'humanité aujourd'hui. de beaux élans d'humanité côtoient de sordides tentatives d'enrichissement. En Californie, certains habitants demandent à ce que les magasins d'armement soient ouverts comme magasins de première nécessité. A quand une guerre pour du gel hydroalcoolique ou pour du papier toilette ?

Livre intéressant par sa portée métaphorique, on se rappelle que l'auteur Yan Lianke a eu quelques soucis avec le régime en place.






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