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EAN : 9782809714630
388 pages
Editions Picquier (06/02/2020)
3.78/5   23 notes
Résumé :
Dans un petit village, Li Niannian, un adolescent stupide et grand lecteur des romans de son voisin Yan Lianke, supplie les esprits de lui venir en aide : en plein été, les hommes ont en effet sombré dans une épidémie de sommanbulisme. C'est un cauchemar que raconte Li Niannian, une nuit carnavalesque oubliée du temps. Une nuit durant laquelle les hommes transgressent tout : la morale, le bon sens, les codes, l'histoire. Faut-il voir ce monde insensé comme une allég... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Après avoir lu la magnifique nouvelle « les jours, les mois, les années », qui fut pour moi un très gros coup de coeur, j'ai voulu découvrir un autre récit de Lianke Yan, et mon choix s'est porté sur son dernier roman, sorti en 2020.
Autant j'ai été touchée par la beauté poétique et la puissance évocatrice du premier récit, ainsi que par la profonde humanité de l'aïeul, autant cette fois-ci, j'ai eu quelques difficultés à entrer dans l'histoire et à m'attacher aux personnages.
Malgré tout, j'aime beaucoup le regard que pose Lianke Yan sur la société chinoise, j'aime son engagement au risque d'être parfois censuré dans son pays.

« Si je ne peux plus écrire, être en vie ne signifie plus rien pour moi, c'est comme être mort. C'est comme si j'étais mort ! »

*
Cette dystopie met en scène le "rêve chinois", un slogan politique lancé par le président Xi Jinping, comme une copie du rêve américain : l'image d'une société forte, prospère et harmonieuse, soutenue par un esprit de patriotisme, de collectivisme et de socialisme.
Mais la réalité dans la Chine d'aujourd'hui est tout autre. « La mort du Soleil » est une condamnation sans appel du régime dictatorial, de la corruption. C'est une satire mordante où le rêve chinois prend des allures de cauchemar éveillé. L'empire du Soleil Levant est plongé dans une nuit sans fin durant laquelle les hommes donnent libre court à leurs peurs les plus intimes, à leurs pulsions et à leurs instincts les plus primaires.

*
Li Niannian, le jeune héros de ce récit, vit dans un village du centre de la Chine avec ses parents qui possèdent une petite boutique d'objets funéraires. Son père s'est spécialisé dans la vannerie tandis que sa mère fabrique des couronnes de fleurs, des figurines et des objets en papier découpé.

L'histoire se déroule sur une seule nuit et commence au moment où les villageois tombent un à un, dans un état de somnambulisme. Cet état de semi-conscience les incite à poursuivre inlassablement leur travail dans les champs comme si le soleil ne s'était pas encore couché, pareils à des automates. Pour les gens les plus aisés, cela revient à continuer à vivre dans l'oisiveté et l'opulence.

« Les yeux mi-clos, ils se croyaient éveillés. Ils dormaient mais leurs esprits étaient éveillés. Quant à l'autre moitié d'entre eux, leurs visages étaient blafards, les regards fixes de fatigue. Au bord du sommeil, ils luttaient pour rester éveillés. »

Et puis, petit à petit, le climat change, certains se comportent de manière étrange, anormale, agressive, comme si l'état de droit n'existait plus. Et en même temps que ce rempart se dissout, le comportement de la population évolue, révélant les désirs, les peurs, les non-dits, les secrets les plus vils.

« C'était donc cela le somnambulisme. Un oiseau sauvage qui pénètre l'esprit d'un homme et le met en désordre. Ses pensées, il les réalise en rêve. Ce qu'il ne doit pas faire, il le fait précisément. »

La tension monte, les rancoeurs accumulées conduisent inévitablement les hommes à transgresser la morale, les lois, les interdits et au fur et à mesure que la nuit avance, les désirs les plus secrets s'achèvent dans un bain de sang et de violence.

« A cause du somnambulisme, les hommes mouraient les uns après les autres. Ils ne se jetaient pas tous dans le fleuve : certains volaient, pillaient, se faisaient poignarder. On avait l'impression que l'avenue grouillait du bruit des pas des bandits. On avait aussi l'impression de ne rien entendre. »

Li Niannian raconte comment, avec son père, ils ont lutté pendant cette nuit interminable pour sauver le village de cette folie meurtrière et trouver une solution pour faire revenir le soleil qui refuse de se lever.

*
La violence et la peur semblent s'ancrer dans l'injustice, les inégalités, les persécutions, les préjudices que le peuple chinois a subies. Il est frappant de voir comment la politique chinoise s'est insinuée dans leur quotidien, allant jusqu'à leur imposer la crémation au lieu des sépultures traditionnelles.
En effet, en 1956, à l'arrivée au pouvoir de Mao, le gouvernement chinois a rendu les inhumations illégales afin de garder les terres pour la culture et préserver le bois utilisé pour la fabrication des cercueils.
Certaines révélations sont choquantes quant à l'incinération des corps, ou de l'attitude choquante et outrageuse du père de Li Niannian, je n'en dis pas plus vous laissant découvrir par vous-même ce qui m'a révoltée. Je comprends sa honte, son désir de soulager sa conscience, d'effacer de sa mémoire ces actes odieux en réparant ses torts.

*
J'ai vu ce monde apocalyptique comme une allégorie de la réalité et du quotidien vécus par les Chinois, et j'ai aimé l'idée du somnambulisme comme révélateur de l'information étroitement contrôlée par le gouvernement chinois ou révélateur des pensées individuelles non formulées, le rêve personnel et le rêve de la nation ne devant faire qu'un.

« … on pouvait entendre le murmure des rêves. Mais cette nuit-là, le délicat silence avait cédé la place à un grondement sourd, un grondement où se nichait une terrible crainte. »

Je reconnais le grand talent littéraire de Yan Lianke, mais dans le dernier tiers du roman, ce déchaînement de violence m'a semblé long, redondant et trop répétitif.

*
Pour conclure, il est intéressant de voir comment, dans « la mort du Soleil », le peuple chinois exprime ses désirs et ses sentiments par le biais d'un état de rêve éveillé.
Un roman de contraste, où la lumière du jour s'oppose à la nuit, où la répression et l'oppression des autorités chinoises s'opposent à l'espoir, où le mal et la folie menacent le bien, à moins que ce soit l'inverse.
Une lecture donc intéressante à découvrir pour ses idées.
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« Tout le monde se hâtait. On s'affairait dans l'urgence. On marmonnait sans cesse. On se croisait sans se reconnaître. Sans même tourner la tête. Comme si l'on était seul. Comme si le monde entier dormait et que l'on était seul éveillé, à s'affairer. Si l'on avait quelque chose en tête, on se mettait à la tâche en rêvant. Sans rien en tête, on se précipitait n'importe où, dans la nuit des somnambules. »

Li Niannian , le narrateur de ce roman cauchemardesque, est, s'il faut le croire, une sorte de jeune idiot du village dans ce bourg de Gaotian, perdu dans l'immense Chine centrale. Il s'adresse aux Dieux, à Bouddha, et autres Esprits supérieurs pour leur raconter les évènements effroyables qui se sont passés quelques semaines plus tôt, alors que les habitants de ce village ont sombré dans le somnambulisme et les violences, aggravés par une nuit d'une longueur exceptionnelle.

La fameuse citation extraite de « MacBeth » de Shakespeare, trouve dans ce roman une nouvelle illustration saisissante :
« La vie n'est qu'une ombre errante ; un pauvre acteur
Qui se pavane et s'agite une heure sur la scène
Et qu'ensuite on n'entend plus ; c'est une histoire
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien. ».

De la fureur, il y en aura beaucoup dans ce texte, pourtant non dénué d'une pointe d'humour, le plus souvent noir. Et il y aura même du théâtre, il est vrai assez cruel.
Li Niannian est le plus proche voisin de Yan Lianke (oui, l'auteur s'est offert un personnage à son nom) et il sait lire : il a lu et relu ses romans, que l'auteur lui prête. Et il les cite volontiers !

Son père, Tianbao, a beaucoup de choses à se reprocher, en lien avec des dénonciations qu'il faisait à propos de voisins qui ne respectaient pas l'obligation de faire incinérer leurs morts. Il tient avec sa femme un petit commerce d'objets funéraires en papier découpé et de couronnes. Les haines, cuites et recuites, se libèreront pendant cette nuit interminable…

D'autres lecteurs verront sûrement dans cette intrigue un parallèle évident avec d'autres romans du genre horreur/morts vivants. Mais je manque de référence dans ce domaine pour pouvoir y apporter mon grain de sel.
Je remercie les éditions Picquier et Babelio pour m'avoir permis de découvrir, dans le cadre de Masse Critique, ce roman puissant et original.
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C'est toujours un plaisir de découvrir un nouveau roman de Yan Lianke, et quel roman ! L'auteur fait preuve d'une imagination toujours aussi foisonnante et de descriptions très vivantes.

Il y a beaucoup de choses à dire sur ce livre. Tout d'abord, la narration est originale : l'histoire se déroule en une seule nuit, une nuit longue et interminable, découpée en "veille", cette ancienne façon chinoise de compter les heures.
Autre fait original : Yan Lianke est un personnage à part entière du roman, voisin de notre jeune narrateur Li Niannian. Nous y découvrons un auteur déboussolé, ayant perdu l'inspiration.

Outre ces points, venons-en à l'histoire en elle-même que j'ai trouvée très intéressante : cette nuit de chaos totale, cette crise de somnambulisme généralisée où tout est permis : vol, viol, meurtre, mais aussi aveux. Nous pouvons bien sûr lire le roman au premier degré : il s'y passe beaucoup de choses et nous ne nous ennuyons pas un instant.
Mais nous pouvons aussi essayer de deviner le sous-entendu de l'auteur et y découvrir des ressemblances avec d'autres faits.

Par exemple, cette histoire m'a fait penser à la célèbre nouvelle de Lu Xun "Le journal d'un fou" dans lequel le jeune narrateur veut faire prendre conscience à la population de leurs coutumes arriérées et du cannibalisme existant. Jeune lucide parmi tous ces gens embrigadés et "endormis".
Ici, nous avons notre jeune Li Niannian qui est vu comme étant un peu idiot, un des seuls également lucides pendant cette nuit tragique.
Le but de Lu Xun était de réveiller ses compatriotes, est-ce aussi l'idée de Yan Lianke, cent ans plus tard ? La situation n'est pas la même, les raisons ne sont pas les mêmes non plus, mais le but est identique : faire changer les choses, faire prendre conscience à la population des problèmes. Yan Lianke a écrit "Depuis hier soir 21h30 environ, à cause de la chaleur et de la fatigue entraînée par le changement de saison, un phénomène auquel nous n'avions pas assisté depuis cent ans est réapparu : une épidémie de somnambulisme". Cent ans, soit 1915, avec l'apparition du journal "Nouvelle jeunesse" et peu avant la publication du "Journal d'un fou", coïncidence ?

J'ai été frappée par une autre phrase de l'auteur : "Les écrivains peuvent donc devenir somnambules. Eux aussi peuvent être contaminés". Y a-t-il des auteurs en Chine qui se sont endormis, ferment les yeux sur ce qu'ils voient et n'écrivent plus ? Nous connaissons tous la réponse.

Cette longue nuit chaotique m'a beaucoup fait penser bien sûr à la Révolution culturelle durant laquelle de nombreux crimes ont été commis, des gens poussés au suicide ou tout simplement assassinés. D'autres, lucides et qui ont essayé de réveiller les autres, ont finalement été lynchés. Nous y voyons aussi les mouchards, très nombreux à cette époque. La bataille finale m'a fait penser aux luttes entre les différentes sections de gardes rouges.
Je parle de cette époque passée, mais cette crise de somnambulisme généralisée pourrait tout aussi bien-être vue pour la situation actuelle.

Il faut aussi noter que les autorités en prennent pour leur grade : ici ils mangent et boivent, indifférents au malheur de la population et nient bien sûr les faits. Ils jouent une mauvaise pièce dans laquelle ils se prennent pour l'empereur et sa cour. Et tout va bien dans le meilleur des mondes. La première personne qui ose affirmer le contraire et dénoncer le chaos risque sa tête !

Nous y découvrons également les difficultés des personnes vivant à la campagne, envieux de ceux des villes. L'auteur aborde aussi la cruauté des crémations, lorsque celles-ci ont été imposées par le parti, alors que l'inhumation était importante pour le repos de l'âme. Nous assistons à des scènes affreuses où les corps sont déterrés pour être brûlés. Et ne parlons même pas de l'huile de cadavres !

C'est donc ici un roman passionnant qui donne matière à nombreuses réflexions. le peuple chinois est-il pris de somnambulisme depuis les derniers changements politiques ?
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Li Niannian est un enfant chinois qui commence son histoire tel un conteur traditionnel : il interpelle les Esprits des hommes, les dieux, Bouddha et les bodhisattvas, Guan Yu et Kong Ming et Laotsi le vieux maître taoïste. Il les implore, lui, l'idiot du village, au nom des siens, au nom de son voisin, l'écrivain Yan Lianke, qui a totalement perdu l'inspiration. Et de citer les oeuvres de ce grand écrivain - par ailleurs auteur du livre ! Oncle Yan a décidé d'écrire ce qui s'est passé cette nuit-là, et est parti s'isoler dans la montagne mais au bout de deux mois « il a perdu tout espoir de pouvoir écrire ».

C'était tellement incroyable ! Tellement bouleversant ! Et nous voilà, tenus en haleine par l'idiot qui raconte une nuit inoubliable.

D'abord, il trace les contours de l'histoire et esquisse les personnages. Son père, Li Tianbao, fabricant et vendeurs d'objets funéraires dans sa boutique « L e Nouveau Monde » ; délateur à l'occasion pour gagner vite de l'argent et se construire une belle maison en briques. Sa mère, soeur du richissime directeur du crématorium nommé Shao, homme bas et immonde qui fait sa fortune sur les injonctions politiques en cours, à savoir brûler les défunts pour libérer la terre pour la descendance. Au passage, il rémunère son beau-frère qui dénonce les « inhumateurs » clandestins. Enfin conscient de l'horreur de ses actes, ce dernier rachète au directeur du crématorium les bidons d'huile de cadavres récupérés lors des crémations. Il ne les revend pas à prix d'or aux fabricants de savons, de caoutchouc et de lubrifiants. (Rappel des actes nazis?), il les cache au fond d'un tunnel très long sous le barrage. Il pense ainsi racheter ses fautes passées. Il aura fallu la mort de sa grand-mère pour réveiller sa conscience.

Sa grand-mère, revêtue de la plus belle robe mortuaire qui soit, noire ornée de fleurs brodées au fil d'or, qu'il porte sur son dos à travers le village, jusqu'au crématorium.
Il faut savoir qu'en Chine le respect aux ancêtres et aux anciens est la base même de la société. Les villageois sont horrifiés, indignés, obéissent plus ou moins aux ordres et si parfois ils parviennent à enterrer leurs morts en secret dans un champ, Shao, bien renseigné par Li Tianbao, envoie la brigade spécifique qui pose un explosif, fait sauter la dépouille et la brûle. L'ordre est sauf !

Une étrange et redoutable maladie s'est abattue sur Gaotian : les humains dorment debout, somnambules. Dans cet état second, les hommes jeunes se jettent dans les puits et se noient ou bien se suicident. Curieusement, les vieillards ne meurent pas.

Les somnambules ont la mine grise et hagarde. Ils soliloquent en marchant, centrés sur eux-mêmes et ne voient pas la maladie chez les autres. (symbole de l'homme manipulé par les politiques?) Les instincts les plus vils se libèrent, pillages, vols avec violence, actes de barbarie. Les parents de Niannian sont violemment battus par les des hommes descendus par centaines des villages avoisinants. Ils finissent par partir sur un cyclopousse électrique. Les habitants de Gaotiang veulent revenir à l'époque Ming et recréer le royaume de la Grande paix céleste, ils se reconnaissent à leur bandeau jaune (symbole de l'Empereur), tandis que les hommes des villages brandissent le drapeau rouge (des communistes) : métaphore de l'opposition passé-présent, ville-campagne, Empire- système communiste : le roman semble une fable politique autant que philosophique.
Quand arrive une éclipse de soleil, un ciel nuageux épais et opaque, les opposants combattent sans pitié, somnambules ou pas. On finit par ne plus savoir qui est somnambule. Pour faire revenir le soleil, Li a une idée : verser toute l'huile de cadavres récupérée au crématorium, la verser dans le cratère au sommet de la montagne et y mettre le feu. Pour qu'on voie mieux ce soleil, il se constitue en pieu dressé au milieu des flammes et se transforme en torche vive.

« La Mort du soleil » entre tristement en résonance avec le mal qui touche l'humanité aujourd'hui. de beaux élans d'humanité côtoient de sordides tentatives d'enrichissement. En Californie, certains habitants demandent à ce que les magasins d'armement soient ouverts comme magasins de première nécessité. A quand une guerre pour du gel hydroalcoolique ou pour du papier toilette ?

Livre intéressant par sa portée métaphorique, on se rappelle que l'auteur Yan Lianke a eu quelques soucis avec le régime en place.






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Suis-je en train de dormir ou bien rêvais-je ? On eût dit que quelque chose me poussait à rédiger mon avis à une heure tardive. Suis-je en train d'être atteint d'une crise de somnambulisme ?

Je ne le sais pas, mais ce que je sais par contre est que j'ai beaucoup aimé cette histoire et ce, même-ci, il y a beaucoup de choses à propos de l'histoire de la Chine dont l'auteur fait référence de manière allégorique. Cela n'a en rien entravé cette histoire, sauf ma compréhension de certaines points.

Tout d'abord cette histoire m'a fait penser à la chanson : La nuit te ressemble de Jo Lemaire,
Maintenant que j'ai cessé de soliloquer textuellement, je vais arriver à l'histoire et cette histoire nous plonge dans une nuit sans fin, une nuit noire, une nuit froide, une nuit où tous les chats sont gris et animés de mauvaises intentions, mais cette nuit symbole du mystère et du caché est ourlée de diverses confessions. Cela m'a fait penser au principe de l'inconscient et ce somnambulisme à une représentation du Ça de Freud. Mais cela est purement personnel.

Et dans cette nuit qui n'en finit pas comme l'a si bien écrit Agatha Christie, c'est un bourg tout entier qui sombre dans une crise de folie, une crise où les gens aveuglés par la disparition du soleil finissent par ouvrir les digues qui contenaient les réservoirs de leurs pulsions. Tout y passe et tout y trépasse. Viols, meurtres, vols, confessions intimes et chacun y livre ses plus terribles secrets sous l'oeil froid de la nuit qui observe en silence que tout soit bien conforme, que tout rentre dans l'ordre établi. Mais ce village perdu en plein milieu du Pays du Milieu, nous montre aussi que l'orgueil précédent la chute, mais également que le combat des différentes classes sociales reste toujours d'actualité. le personnage principal que l'on qualifie d'idiot est pour moi, une belle interprétation des lanceurs d'alerte d'aujourd'hui. Les premiers à payer les pots cassés pour avoir ré-veillé leur peuple endormi ou plongé dans l'illusion d'un rêve sans fin.

Certains éléments de l'histoire m'ont fait penser à des événements comme
Homme de Tian'anmen ou la révolution chinoise. L'auteur en fait des passages symboliques et en parlant d'auteur, j'ai vraiment apprécié que celui-ci en devienne un personnage de son propre livre. D'ailleurs le fait que celui-ci ne parvienne plus à écrire fait clairement référence à la censure qu'il subit dans son pays. Il y a pas mal de références à ses précédents ouvrages qu'il me tarde de découvrir. Être lettré n'empêche pas de se faire censurer. Bien que certaines références m'ont échappé, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette histoire, car il y a un passage qui fait que le lecteur devient lui aussi un personnage du livre. C'est un pouvoir hypnotique de la nuit auquel on ne peut échapper. Si profond et si grand que le déni en est flagrant. Tout emporté, tout consumé.

Tout ce pavé pour dire que j'ai absolument aimé ce livre et aussi car il s'agit du premier livre que je reçois des éditions Picquier lors d'une Masse Critique de Babelio, Merci à eux deux,

Si vous pensez qu'après avoir lu cette tartine vous allez vous endormir, je vous conseille de boire un thé et de vous rafraîchir avec une serviette. Si, si.

Une veille bientôt et un oiseau s'envole.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation

17 h 00-18 h 00

Par où commencer ? 
Commençons par là. 
C’était pendant la canicule, le jour de la fête du dragon, le six du sixième mois du calendrier lunaire, il faisait si chaud que la terre sentait craquer ses os et, sur sa peau, les poils devenus poussière. Sur les arbres racornis, les fleurs fanaient, les fruits tombaient. En suspens dans les airs, les chenilles se momifiaient. 
Sur la route, les pneus des voitures éclataient, on les voyait dévier de leur trajectoire. On ne recourait déjà presque plus aux bêtes de somme, les paysans conduisaient des tracteurs, les plus riches avaient des voitures. Lorsqu’éclatait un pneu au bord d’un champ, une camionnette déglinguée venait à la remorque. Les tracteurs exhalaient une odeur de peinture rouge. Parfois surgissait une charrette tirée par un cheval ou un bœuf. Mais en grande majorité les paysans comptaient sur leurs propres forces et portaient sur leurs épaules, avec une palanche, le blé mis en bottes. Les champs les engloutissaient tous, tel un immense serpent ; la route était bouchée, les disputes allaient bon train. On en venait parfois aux mains. Un homme mourut ainsi lors d’une rixe. Peut-être plusieurs. 
Cette nuit-là, la nuit de la fête du dragon, des hommes périrent à cause de la chaleur. Chez nous, dans notre boutique du Nouveau Monde, toutes les robes mortuaires furent vendues. Nos marchandises d’occasion, notre collection d’objets funéraires, ceux même qui, remisés dans l’armoire, étaient mités, tout fut emporté. Les couronnes de fleurs, le papier-monnaie, les figurines, chevaux, chars et autres articles de papier découpé et coloré d’or, d’argent, de jade… 
Quelques jours auparavant, en entrant dans notre boutique – cette boutique funéraire à l’enseigne du Nouveau Monde –, vous auriez été choqués de voir quelle somptueuse abondance de marchandises s’y trouvait. Mais il n’y a plus rien à présent. Le soir de la fête du dragon, notre commerce a connu son apogée. En un clin d’œil, tout a été vendu. Exactement comme lorsqu’on annonce une brutale inflation des prix et que les gens se précipitent à la banque pour retirer leurs sous. La banque a été vidée jusqu’à la moindre coupure, même obsolète. Dans la rue, les magasins ont été totalement dévalisés, il ne reste plus rien.

(Début du Livre 1)
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Il est plus célèbre que notre chef de bourg, plus célèbre que notre chef de district. Sa renommée est si grande que l'on pourrait le comparer à une pastèque dans un champ de sésame, à un chameau mené paître au milieu des moutons.
Quant à moi, je suis aussi méconnu qu'un grain de poussière dans un champ de sésame.
Ma vie ressemble à celle des poux et des lentes sur le dos des bœufs et des chameaux.

Page 14.
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Un grillon chantait. Là, parmi la végétation en bordure de route, il ne cessait de chanter. Sur le jujubier, une sauterelle chantait . Sur le jujubier qui avait poussé à flanc de falaise, elle ne cessait de chanter. Dans la nuit, le monde était devenu d'un silence mortel.
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Les hommes des villages environnants s'étaient rassemblés en grand nombre, l'heure était venue pour eux de se déverser dans le bourg. Ils affluaient comme par une vanne ouverte, submergeant les digues. Comme une armée prête à tuer.
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Les somnambules sont comme des vagabonds sans toit, des moutons sans berger. Il leur suffit d'un berger, d'un endroit où manger, dormir et s'enrichir, et ils vous suivent.
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