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Critique de mh17


Servir le peuple est un court roman satirique jubilatoire toujours interdit en Chine, depuis sa parution dans un bimestriel en 2005.
A l'époque, "le Département de la Propagande du Comité central du Parti communiste chinois juge, que le roman dénigre Mao et son "noble but de se mettre au service du peuple", qu'il nuit à l'image de l'armée, qu'il porte atteinte à l'idée de révolution, que ses scènes de sexualité débridée sont de nature à semer le trouble dans les esprits et, enfin, qu'il fait l'apologie de concepts occidentaux erronés" ( Courrier International du 27/4/2005).
Vous vous dites les Chinois exagèrent, ils censurent pour un oui pour un non...Heu peut-être mais là non. Il fallait être sacrément culotté pour publier un roman aussi insolent !
L'action se déroule pendant la Révolution culturelle. Wu Dawang est un jeune soldat d'origine paysanne tellement zélé qu'il a été affecté au service de son colonel. Celui-ci, très soucieux de faire des économies, l'a choisi car il cumule avantageusement les fonctions d'ordonnance et de cuisinier. Wu Dawang semble extrêmement servile et, à celui qui s'en étonne, il répète inlassablement la formule militaire qu'il a apprise du Grand Timonier : "se mettre au service de l'officier, c'est se mettre au service du peuple". Un jour, le colonel part pour deux mois dans un séminaire à Pékin. le laissant seul avec Madame, trente deux ans. "C'était comme si, dans un immense jardin, il n'était resté qu'une jolie fleur et un sarcloir".
J'ai beaucoup aimé ce livre. D'abord il est complètement iconoclaste. Il désacralise l'armée, la révolution, Mao. Un jour l'amant brise sans faire exprès une statue en plâtre du grand Timonier. A l'époque, une maladresse pareille aurait été prise sans aucun doute comme un acte anti-révolutionnaire gravissime. Là au contraire elle décuple la libido des deux amants qui s'en donnent à coeur joie en foulant aux pieds les objets du culte en veux-tu en voilà. Il s'en prend aussi à l'ordre social sclérosé et au mariage arrangé. Si Wu est aussi zélé, c'est qu'il n'a pas le choix. Il s'est engagé, a fait des promesses. Il lui faut servir l'armée pour espérer pouvoir quitter sa condition misérable de paysan et accéder au statut de citadin. Mais les places sont rares, il faut donc avoir des relations. Et l'on comprend que servir le peuple revient à se servir soi-même J'ai aussi bien apprécié la complicité que crée l'auteur avec son lecteur en lui présentant les ficelles et la dramaturgie de son récit. Et puis l'écriture est formidable, pleine de métaphores bucoliques à la sauce révolutionnaire. Elle mêle avec bonheur l'ironie douce, le sarcasme et la bouffonnerie.
Bref un livre épatant superbement traduit.
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