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Claude Payen (Traducteur)
EAN : 9782809701388
240 pages
Editions Philippe Picquier (17/10/2009)
3.73/5   87 notes
Résumé :
Lorsque Yan Lianke s'empare du célèbre slogan de la Révolution culturelle, c'est pour piétiner au passage les tabous les plus sacrés de l'armée, de la révolution, de la sexualité et de la bienséance politique. De quoi donner une crise d'apoplexie au ministre de la Propagande chinois, en charge de la censure.

Son court roman est aussi iconoclaste que jubilatoire. Ou comment servir le peuple devient, pour l'ordonnance d'un colonel de l'Armée populaire d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Qu'est-ce que servir le peuple pour un chinois durant la révolution culturelle ? Jusqu'où cela va-t-il ? Jusqu'au sacrifice de soi ? Jusqu'à trahir ? Jusqu'à l'absurde ? Telles sont les questions que posent Lianke Yan dans ce petit roman jubilatoire dans lequel l'auteur souvent nous interpelle directement afin de mieux souligner l'absurdité ou la cocasserie des situations engendrées par le régime communiste. Si nous nous éloignons de la poésie presque animiste qui m'avait enchantée dans « Les jours, les mois, les années » et dans « Un chant céleste », il est bon de retrouver la plume de l'auteur plus caustique, plus féroce que jamais.

Étudiant et serviteur modèle, servile, Wu Dawang est un homme qui a le sens du devoir, sens d'autant plus exacerbé qu'il a promis à son beau-père et à sa femme de monter vite les échelons et de devenir cadre du parti, promesse faite lors de ce mariage arrangé, aussi redouble-t-il de zèle et d'obéissance.
Il connait les citations de Mao Zedong par coeur, et récite, tels des mantras, les formules et aphorismes adéquats à qui l'interroge. A tel point d'ailleurs que si on enlevait de son cerveau les slogans peints sur les murs et les discours imprimés dans les journaux et les livres ou proclamés dans les haut-parleurs, Wu Dawang serait un homme vide qui n'a pas réussi pour le moment à trouver le bonheur conjugal, sa femme étant très froide et distante, ne désirant que son ascension sociale. Parler peu et travailler avec ardeur sans jamais se plaindre, tel était le principe qui règle sa vie. En bon élève obéissant, il redouble d'effort pour « servir le peuple » du nom du slogan maoïste de 1944. D'ailleurs ses efforts portent leurs fruits, il devient cuisinier du Colonel et de sa jeune et belle épouse Liu Lian. Il cultive leurs légumes et leur fait les repas. Liu Lian se retrouve souvent seule, le colonel étant très occupé.

« Ainsi, lorsque le colonel vaquait à ses occupations, il ne restait dans cette maison construite par les Soviétiques que Liu Lian, la femme du colonel, âgée de trente-deux ans, et Wu Dawang, l'ordonnance faisant office de cuisinier, âgé de vingt-huit ans. C'était comme si, dans un immense jardin, il n'était resté qu'une jolie fleur et un sarcloir ».

Liu Lian, sous prétexte d'avoir besoin de lui, l'attire dans sa chambre dans laquelle elle lui fait clairement comprendre ce qu'elle souhaite. Voici notre Wu Dawang tiraillé entre l'attrait pour cette femme somptueuse qui le désire ardemment et l'honnêteté qu'il se doit d'avoir vis-à-vis de son supérieur hiérarchique, tiraillement décrit avec sensualité et grivoiserie par l'auteur qui atteindra un summum lorsque, d'abord luttant contre ses désirs, il apprend que Liu Lian a exprimé son mécontentement auprès des autorités, elle souhaite le renvoyer car il a désobéi et n'a pas bien « servi le peuple », ce qui compromet ses ambitions et la promesse faite à sa femme…Vaudeville à la sauce pékinoise que Lianke Yan maitrise de main de maitre, je me suis régalée…

« du coin de l'oeil, il regarda dans la direction de Liu Lian ; ce n'était plus un arc-en-ciel qu'il voyait. Ses yeux le brûlaient et la douleur devenait intolérable. Au moment où il détournait les yeux, le souffle gonfla le haut de la chemise de nuit et, pris au dépourvu, il ne put s'empêcher d'apercevoir ses seins. Ils étaient gros, blancs, aussi ronds que s'ils avaient été tracés au compas et aussi appétissants que les petits pains cuits à la vapeur dont le colonel était si friand. le colonel et sa femme étaient des gens du Sud, ils appelaient ces petits pains des mantous et ils les adoraient. Ce fut donc l'image des mantous qui vint à l'esprit de Wu Dawang lorsqu'il aperçut les seins de Liu Lian, et il faillit tendre le bras pour les saisir. Heureusement, dans sa jeunesse, il était allé au collège et l'armée avait fait de lui un homme à l'idéal élevé qui jouissait de la confiance et de l'estime du colonel et de tout le régiment, un homme résolu à consacrer sa vie tout entière au combat pour le communisme ».

Lianke Yan détourne le slogan maoïste et « servir le peuple » devient de façon très drôle le devoir de satisfaire les désirs sexuels de la femme du colonel. La fable prend peu à peu une allure féroce : pour alimenter ce brasier et entretenir le désir, pour éloigner le spectre de l'ennui et de l'habitude dans lequel cas il n'aurait pas réussi à « servir le peuple », le couple illégitime s'aperçoit que plus ils détruisent et saccagent des symboles liés à Mao Zedong (portraits et sculptures cassés, livres d'aphorismes déchirés…), plus la peur terrifiante que cela provoque alimente un désir se faisant incandescent…

C'est hilarant, jubilatoire, c'est satiriquement drôle ! Vous imaginez bien que ce livre a été, et est toujours, interdit en Chine. Quelle insolence et quel courage de la part de l'auteur d'avoir écrit avec autant d'originalité et de liberté de ton cette satire contre l'ordre social ubuesque provoqué par la révolution culturelle et le maoïsme, et contre les mariages arrangés.

J'imagine Lianke Yan rire en écrivant ce livre. Et son rire aurait eu « le bruit d'un glaçon tombant sur la braise »…

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J'ai beaucoup d'admiration pour Lianke Yan, son courage, son esprit rebelle... "Bons baisers de Lénine" et "le rêve du village des Ding" sont pour moi des modèles d'oeuvres dissidentes. Ces romans étaient forts, durs, prenant pour sujets des thèmes graves. Au contraire de ces récits, "servir le peuple" a un ton léger, souriant et grivois. Ce qui n'atténue en rien la force du propos. S'il n'a pas la charge émotionnelle des romans dramatiques de l'auteur, s'il ne suscite pas le même sentiment de colère, "servir le peuple" est un jeu de massacre jubilatoire.

Wu Dawang est ordonnance et cuisinier au service d'un colonel de l'armée. Lorsque ce dernier s'absente, Wu Dawang et la fmme du colonel, Liu Liang, vont entamer une liaison passionnée. Première offense envers l'establishment chinois : le slogan maoïste "servir le peuple" est détourné, prenant ici le sens de devoir satisfaire sexuellement la femme du colonel. Par la suite, le couple illégitime découvre, en cassant par accident un tableau de citations du grand timonier que ce geste quasi-blasphématoire enflamme leurs sens, décuple l'intensité de leurs ébats et de leur plaisir. S'ensuit un passage très drôle où le cuisinier tout en besognant fougueusement sa partenaire, piétine avec tout autant d'ardeur le tableau de citations. Et Lianke Yan ne s'arrêtera pas à cette scène. le lecteur sera abasourdi par un chapitre hallucinant où les amants pris d'une frénésie érotico-destructrice saccagent tout ce que la caserne peut contenir d'objets en rapport à Mao. Tout y passe, les portraits ont les yeux crevés, les sculptures ont le nez défoncé, les bols et assiettes arborant les slogans du régime sont brisés, les pages des livres d'aphorismes arrachées... On imagine bien la jubilation de l'auteur lorsqu'il a écrit ces cinq pages délirantes. Bien entendu, ces outrages ont valu au livre d'être interdit en Chine.

Le reste du récit est plus sage. "Servir le peuple" n'a pas la force émotionnelle des drames de Lianke Yan mais rien que pour l'audace et la folie de ces passages à rendre dingues les membres du parti communiste chinois, rien que pour saluer le courage de cet homme qui fut militaire et écrivain officiel de l'armée avant de devoir s'exiler, ce roman mérite le détour.

Challenge Multi-défis 2016 - 50 (un livre dont le titre contient un verbe à l'infinitif)
Challenge ABC 2016-2017 - 8/26
Challenge Petits plaisirs 2016 - 47
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Servir le peuple est un court roman satirique jubilatoire toujours interdit en Chine, depuis sa parution dans un bimestriel en 2005.
A l'époque, "le Département de la Propagande du Comité central du Parti communiste chinois juge, que le roman dénigre Mao et son "noble but de se mettre au service du peuple", qu'il nuit à l'image de l'armée, qu'il porte atteinte à l'idée de révolution, que ses scènes de sexualité débridée sont de nature à semer le trouble dans les esprits et, enfin, qu'il fait l'apologie de concepts occidentaux erronés" ( Courrier International du 27/4/2005).
Vous vous dites les Chinois exagèrent, ils censurent pour un oui pour un non...Heu peut-être mais là non. Il fallait être sacrément culotté pour publier un roman aussi insolent !
L'action se déroule pendant la Révolution culturelle. Wu Dawang est un jeune soldat d'origine paysanne tellement zélé qu'il a été affecté au service de son colonel. Celui-ci, très soucieux de faire des économies, l'a choisi car il cumule avantageusement les fonctions d'ordonnance et de cuisinier. Wu Dawang semble extrêmement servile et, à celui qui s'en étonne, il répète inlassablement la formule militaire qu'il a apprise du Grand Timonier : "se mettre au service de l'officier, c'est se mettre au service du peuple". Un jour, le colonel part pour deux mois dans un séminaire à Pékin. le laissant seul avec Madame, trente deux ans. "C'était comme si, dans un immense jardin, il n'était resté qu'une jolie fleur et un sarcloir".
J'ai beaucoup aimé ce livre. D'abord il est complètement iconoclaste. Il désacralise l'armée, la révolution, Mao. Un jour l'amant brise sans faire exprès une statue en plâtre du grand Timonier. A l'époque, une maladresse pareille aurait été prise sans aucun doute comme un acte anti-révolutionnaire gravissime. Là au contraire elle décuple la libido des deux amants qui s'en donnent à coeur joie en foulant aux pieds les objets du culte en veux-tu en voilà. Il s'en prend aussi à l'ordre social sclérosé et au mariage arrangé. Si Wu est aussi zélé, c'est qu'il n'a pas le choix. Il s'est engagé, a fait des promesses. Il lui faut servir l'armée pour espérer pouvoir quitter sa condition misérable de paysan et accéder au statut de citadin. Mais les places sont rares, il faut donc avoir des relations. Et l'on comprend que servir le peuple revient à se servir soi-même J'ai aussi bien apprécié la complicité que crée l'auteur avec son lecteur en lui présentant les ficelles et la dramaturgie de son récit. Et puis l'écriture est formidable, pleine de métaphores bucoliques à la sauce révolutionnaire. Elle mêle avec bonheur l'ironie douce, le sarcasme et la bouffonnerie.
Bref un livre épatant superbement traduit.
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Wu Dawang, agé d'une vingtaine d'années, a laissé au village sa femme et son fils pour rejoindre l'armée où il est l'ordonnance d'un colonel pour lequel il travaille également comme jardinier. Liu Lian, la femme du colonel, à peine trente ans, a repéré le jeune homme et par stratagème se l'attache comme cuisiner le menaçant, s'il refuse, de le faire renvoyer dans sa famille. Wu, docile et conditionné ”pour servir le peuple”, s'acquitte de ses taches avec obéissance et déférence. Liu se fait de plus en plus pressante et, pendant l'absence de son mari, continue son entreprise de séduction, alternant menaces et gestes provoquants, laissant le jeune homme d'abord hesitant mais assez rapidement consentant. Débute alors une relation passionnelle, attisée par la transgression de tous les préceptes de l'éthique, de la morale et de la politique pronés par le régime communiste.

Servir l'exemple est un récit transgressif - Lianke Yan est interdit de publication en Chine - un récit dans lequel le jeune Wu, programmé pour servir les idéaux communistes dans l'armée, se trouve manipulé par une jeune femme, qui va non seulement lui faire découvrir l'amour passionnel, mais profondément remettre en question les fondements et les croyances dans lesquels tout chinois est baigné et conditionné dès l'enfance. de destruction du buste représentant Mao, aux images et livres politiques foulés aux pieds, les deux amants vont, au joug imposant de ”servir le peuple”, préfèrer leur bonheur individuel, un bonheur qui ne peut perdurer bien longtemps.
Lianke Yan livre un récit original sur le sujet de la transgression, une variation dont j'ai trouvé l'écriture (ou la traduction) assez maladroite, un style assez enfantin, la psychologie des personnages est assez bien rendue mais ils restent assez froids - un sentiment dû à une narration assez distante. Une petite déception donc, mais intéressant pour connaître le moule et le conditionnement continuel que subissent les individus, niés par le système politique.
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Un roman (et un auteur) découvert grâce à mes amies babeliotes hordeducontrevent et mh17.

Absolument étonnant et en même temps réjouissant que de lire un tel ouvrage, écrit dans un pays tout ce qu'il y a de totalitaire, et qui, il faut bien le constater, le devient encore plus avec le pouvoir de Xi Jinping.

Il fallait vraiment un bonne dose de courage pour oser écrire ces pages, et on peut comprendre que ce livre soit toujours interdit en Chine depuis sa parution en 2005, et que l'auteur ait été chassé de l'armée en 2002 pour la publication d'un autre roman, Bons baisers de Lénine.
Je me demande d'ailleurs comment cet écrivain peut encore résider à Pékin, comme l'indique sa biographie.

Car cette histoire est absolument jubilatoire, menée par un auteur qui pratique avec brio l'humour pince-sans-rire, qui nous sert de façon parodique des paroles de Mao ou d'autres dignitaires du régime chinois, à commencer par le titre Servir le peuple, qui est tourné en dérision pour prendre ici une connotation bien particulière.

A une époque qui doit se situer dans les années 1960 , le jeune Wu Dawang, issu de la paysannerie, est un soldat modèle, zélé à l'extrême, connaissant par coeur les phrases du petit Livre Rouge, et voulant par sa docilité au service de l'armée devenir cadre et pouvoir ainsi résider avec sa famille en ville. Comme il est aussi exceptionnellement doué pour la cuisine, le Colonel de son régiment le recrute pour lui servir à la fois d'ordonnance et de cuisinier.
Ce colonel est marié avec une très belle femme plus jeune que lui, Liu Lian qui trouve Wu Dawang bien séduisant, et lui laisse entendre que Servir le peuple, c'est aussi servir la femme d'un gradé.
Le Colonel part en mission à Pékin pour deux mois, laissant le champ libre à la belle. Après avoir été réticent, car il est marié, notre héros succombe et c'est une liaison torride qui s'installe, et quand un «coup de mou » survient dans leurs ébats, les amants s'aperçoivent que la destruction des « icônes » du régime, portrait ou buste en plâtre de Mao, maximes affiches au mur, etc.. stimule à chaque fois leur libido, et chacun des amants, pour retrouver l'excitation, surenchérit avec une volupté rageuse en se prétendant le meilleur ou la meilleure « contre-révolutionnaire ».
Mais le Colonel doit bientôt revenir, et Wu Dawang quitte sa belle qui lui annonce être enceinte de ses oeuvres.
La dernière partie du roman est un peu moins réussie, plus incertaine, mais j'ai trouvé la fin suggérée par l'auteur plutôt belle, je n'en dis pas plus.

On comprend que ce roman satirique qui tourne en ridicule les maximes et objets sacrés du communisme chinois, n'ait pas plu du tout aux autorités du pays.

J'ai beaucoup aimé aussi l'écriture du roman, surtout dans la première partie, avec son choix de citations détournées de leur sens, ses métaphores comiques.

En conclusion, grâce à Babelio, encore une belle découverte, et une forte envie de lire d'autres livres de l'auteur, il paraît d'ailleurs qu'il a écrit des romans forts et émouvants, et d'autres très poétiques
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critiques presse (5)
Auracan
02 novembre 2018
Les dessins faussement naïfs rehaussés par des couleurs à dominante rouge et verte formant une ambiance surannée de bon aloi.Une mention particulière pour les éditions Sarbacane qui ont réalisé un bel objet fort soigné, mettant un joli écrin à ce bel album, tout en sensualité.
Lire la critique sur le site : Auracan
Telerama
10 octobre 2018
L’auteur lillois produit avec "Servir le peuple", d’après le roman de Yan Lianke, une bande dessinée érotique et violente, aussi étonnante visuellement que prenante narrativement.
Lire la critique sur le site : Telerama
BoDoi
09 octobre 2018
Tout est léché, soigné, éclatant. Un tour de force graphique qui n’ennuie pas une seconde et donne à cette histoire au final terrible un écrin étincelant.
Lire la critique sur le site : BoDoi
LeMonde
17 août 2018
Au-delà d’un classique travail d’adaptation, Alex W. Inker s’est donc livré à un pastiche, avec une belle maîtrise de l’art de la farce et de l’ironie. Les différentes scènes de soumission entre les personnages laissent ainsi place à une dramaturgie délibérément ampoulée. Tous pleurent et grimacent à outrance, s’accroupissent et se redressent à l’envi.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
17 décembre 2014
Lianke YAN propulse d'abord ses deux protagonistes dans un ballet complètement suggestif où la seule évocation du tourment intérieur des acteurs déborde totalement les mots devenus inutiles. La poésie de ces instants est magnifique.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Il se déshabilla à son tour. Ils ramassèrent leurs vêtements et les enfermèrent dans l'armoire. Ils étaient désormais dans un autre monde, à l'écart des hommes. Ils éprouvaient un immense sentiment de liberté et un bonheur qu'ils n'avaient encore jamais ressenti. Ils s'enlacèrent. Elle se mit à le caresser partout où elle avait envie de le caresser, et il se mit à l'embrasser partout où il avait envie de l'embrasser. Tout leur était permis. Ils ne connaissaient plus de tabous. Lorsqu'ils étaient fatigués, ils s'arrêtaient pour se reposer. Si ce n'était pas elle qui enfourchait ses genoux, c'était lui qui posait ses cuisses en travers des siennes. Ils s'asseyaient ou s'étendaient à même le sol. Parfois, il posait sa tête à l'endroit le plus tendre de son corps ; ses cheveux en brosse, raides comme le chaume, la chatouillaient délicieusement et il oscillait de la tête pour augmenter son plaisir. Elle riait, d'abord faiblement, puis plus fort et, à nouveau, faiblement. Son désir se réveillait et il voulait recommencer. Alors, telle une petite fille, elle se sauvait pour lui échapper. Il la poursuivait et, lorsqu'il l'avait rattrapée, il la reprenait et s'ébattait sur son corps avec l'insouciance d'un petit berger courant joyeusement sur la pente herbeuse de la montagne.
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La chemise de nuit était largement fendue sur les côtés et, à chaque retour du souffle, elle se soulevait et laissait voir la belle peau blanche et lisse de ses longues cuisses effilées. A vrai dire, c'était la première fois de sa vie qu'il voyait une femme en chemise de nuit. Un parfum enivrant de fleur d'osmanthe émanait de dessous la chemise de nuit chaque fois que le souffle la soulevait, envahissait peu à peu la pièce et devenait oppressant. Il respirait de plus en plus difficilement et la sueur ruisselait dans la paume de ses mains dont il ne savait que faire. Il restait donc les bras ballants. Ses mains tremblaient un peu et la sueur continuait de couler.
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Wu Dawang était considéré par tout le régiment comme l’étudiant modèle. Il avait donc parfaitement assimilé la pensée politique qu’on lui avait enseignée et comprenait mieux que quiconque le sens profond de la pancarte. Les cinq étoiles symbolisaient la révolution. Le fusil et la gourde représentaient le combat et l’histoire, le long et difficile processus révolutionnaire. Quant aux gerbes de blé, elles préfiguraient la prospérité et le bonheur futur, les années de félicité qui suivraient l’avènement du communisme.
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Il ne comprenait pas comment il pouvait s’ennuyer lorsqu’il était couché avec sa femme. Avec elle, il avait l’impression d’être un éléphant coincé dans un puits, privé de sa liberté de mouvement. Faire l’amour revenait à semer des melons pour récolter des haricots, des haricots desséchés de surcroît, ou à semer des haricots pour récolter des graines de sésame qui ne contenaient pas d’huile.
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Le soir de son mariage, après que le chef de la brigade de production, les gens du village et les enfants qui jouaient dans la chambre nuptiale se furent retirés, Wu Dawang, fou de désir, avait commencé à caresser maladroitement Beauté. Soudain, elle lui avait demandé :
- Dans ton régiment, ne m'as-tu pas dit que tu étais un soldat modèle ?
- Bien sûr que si, mon commandant de compagnie et mon instructeur le disent.
- Alors, comment peux-tu avoir le culot de me tripoter partout comme un voyou ?
En l'entendant, il avait compris qu'il manquait quelque chose à leur mariage, ce que les livres appellent "le grand amour". Il s'assit sur le lit et regarda sa femme. Il ressentait un froid indicible qu'on ne peut ressentir que dans le mariage et qui l'envahissait peu à peu. Il éprouvait une douleur qui émanait du rouge lit nuptial et qui grandissait entre eux, le plus douloureux étant que sa femme ne ressentait absolument rien.
Il se rhabilla. Au moment où il allait sortir, sa femme demanda :
- Où vas-tu à cette heure de la nuit ?
- Dors, je vais aux toilettes.
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