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Critique de Soleney


Pour moi, le point fort de ce manga, c'est l'idée. Personnellement, j'aime beaucoup les histoires qui tournent autour des anges, des démons, de l'au-delà… Si c'est bien mené, on peut mettre en place quelques pistes de réflexion philosophiques, théologiques et sociologiques très intéressantes (telles que : l'homme est-il naturellement mauvais ? Y-a-t-il quelque chose après la mort ? Dieu existe-t-il ?).

Mais le problème ici, c'est que c'est que le scénario est très brouillon. J'avais lu les dix premiers tomes il y a quelques années, et j'avais complètement décroché parce que j'étais perdue entre toutes ces intrigues, les doubles vies de chaque personnage, les aventures tordues, les trucs mal expliqués… Je viens de relire le premier volume, et j'ai senti cette confusion dès les premières pages – un signe avant-coureur que j'ai pu cette fois anticiper…

Pour la petite histoire : Sétsuna est non seulement un lycéen aux hormones en ébullition, mais aussi unE ange surpuissantE qui se serait rebellée contre Dieu – Alexiel. (Je souligne ici la féminité de son ancienne vie parce que ça m'avait pas mal surprise à la première lecture.) Ce jeune homme ne peut réfréner son désir sexuel pour sa soeur, mais ce n'est que la répétition d'un schéma millénaire. En effet, le frère jumeau de l'ange qu'il était était lui aussi amoureux d'elle. S'en suivent moult quiproquos car, bien sûr, ces quatre-là (Alexiel, son frère Rochel, Sétsuna et sa soeur Sara) sont extra-beaux et les personnes qui sont attirés par eux sont de plus en plus nombreux au fil des tomes. Qui représente quoi pour eux, telle est la question.
L'histoire commence plus ou moins quand Rochel se libère de la prison dans laquelle sa soeur l'avait enfermé il y a des siècles (pourquoi, on ne sait toujours pas). Il est bien décidé à se venger de l'affront qu'elle lui a fait. Mais, pendant ce temps, deux démons partent à la recherche de la réincarnation d'Alexiel afin qu'elle sauve les Enfers, menacés par la pollution humaine et les armées célestes. Quelle n'est pas leur surprise quand ils se rendent compte que leur idole est devenue un jeune homme caractériel et immature. Ça commence déjà à devenir compliqué, et pourtant ce n'est que le début…

Les relations entre les personnages sont elles aussi confuses. Kouraï est visiblement amoureux(se) d'Alexiel, mais déteste Sétsuna (en tout cas au début). Kira, autrefois fiancé d'Alexiel, s'est auto désigné protecteur de ses réincarnations en tuant son ange gardien. En plus de cela, on découvre qu'il est l'esprit réincarné de sa fidèle épée (comment ils se sont fiancés, du coup, ça je n'en sais rien). Son personnage est particulièrement sombre et séduisant, et c'est un de mes préférés car une aura de mystère plane systématiquement autour de lui. Arachné, quant à elle, est en fait un homme aux hormones tout aussi dynamiques que celles de Sétsuna.

La sexualité, bien que jamais explicitement désignée, est donc un sujet très récurrent dans cette série. Ou plus précisément, c'est le thème de l'identité sexuelle qui l'est. Sétsuna était une femme, Arachné est un homme, Kouraï se fait passer pour un garçon mais est une fille, Rochel est visiblement bi… J'ai envie de dire, c'est un peu exagéré, un seul personnage aurait suffi. Non seulement ça complique les choses, mais ça ne fait pas très réaliste. Je ne sais pas comment est traité la question de la sexualité au Japon, mais il me semble justement qu'ils ont un point de vue plus rigide que le nôtre. Cette oeuvre est-elle une tentative de faire bouger les mentalités dans son pays ? Peut-être… En tout cas, elle a le chic pour bouleverser les préjugés : au niveau des personnages principaux, les anges sont souvent des êtres mauvais et/ou psychopathes (Rochel, Sévoth-Tart, Kirieh…) malgré quelques exceptions, et les démons sont du côté des gentils (Kouraï et Arachné).
En fait, quand on y réfléchit, anges et démons sont seulement des humains avec des ailes et des pouvoirs. Les premiers sont faibles, ils cèdent très (trop ?) facilement à la tentation ; et les seconds sont loin d'être foncièrement mauvais. J'aurais préféré que l'auteure joue un peu plus avec les apparences, qu'elle montre une société angélique propre sur elle au début, mais finalement gangrénée par le mal. Là, j'ai l'impression que c'est un étalement de dépravation, presque de l'exagération (je pense notamment au passage où Kouraï nous raconte le massacre qui a eu lieu dans les Enfers quand elle était jeune). La plupart des anges sont très orgueilleux et c'est pas crédible. Ils pourraient au moins faire SEMBLANT d'être pétris de bonnes intentions.

Mais malgré le fait que cette série aille généralement à l'encontre des préjugés, j'ai quand même réussi à relever une phrase relativement sexiste : « La beauté et la douceur d'une femme ne naissent que lorsqu'elle se sent protégée », dixit Sétsuna à Kouraï pour qu'elle se trouve un mec au lieu de jouer à l'homme (volume 2). Est-ce que ça veut dire que les femmes ne peuvent/doivent pas se protéger toutes seules ? Mais pourquoi ? Et donc le rôle de l'homme est de protéger la femme ? Ça rabaisse le rang de cette dernière à celui d'une petite créature faible, et c'est tellement réducteur que j'en ai ragé ! Pire : ça entre en contradiction avec le reste de la série puisqu'Alexiel est la plus redoutable des guerrières, et pourtant c'est une femme d'une remarquable beauté. Bon, d'accord, on oublie la douceur, mais vous voyez l'idée !

Je n'ai éprouvé que très peu d'attachement pour le personnage de Sétsuna, qui m'énerve assez régulièrement. La seule dimension qui lui apportait du charme est celle de la culpabilité qu'il ressent vis-à-vis de sa soeur. J'aime bien cette dernière, d'ailleurs, mais leur romance à tous les deux me laisse de marbre tellement elle est pétrie d'auto-apitoiement. Leur amour est présenté de manière idyllique et parfaite : comme dans les grandes passions de la littérature (Roméo & Juliette, Tristan & Iseult, et j'en passe), ils ne peuvent réfréner leurs sentiments et assurent être incapables d'aimer quelqu'un d'autre. Par conséquent, on les montre comme deux pauvres agneaux ne demandaient qu'à avoir le droit de s'aimer, mais que la vilaine société refuse aveuglément de laisser être heureux au nom de principes douteux… C'est un peu trop manichéen pour moi, merci bien !

Et finalement, cette puissante opposition entre le bien et le mal se ressent un peu partout. Les gentils sont profondément bons et sont très souvent des victimes (Ruri a été manipulée par Rochel et en est morte, Kouraï a failli être violée par des anges quand elle était plus jeune, Arachné est moquée des hommes (quoiqu'à titre humoristique), etc.), tandis que les méchants sont des psychopathes (pourquoi Rochel est-il comme ça ? L'a-t-il toujours été ?).
Malgré tout, quelques personnages sont ambigus et difficiles à cerner : Adam Kadamon est-il un allié de Sétsuna ? le prêtre aveugle est-il de son côté ? Que cherche-t-il ? Katan retournera-t-il sa veste ? Dommage qu'ils ne soient pas plus nombreux.

Par ailleurs, la fin de ce troisième tome est tout à fait haletante. Tout est révolu, l'histoire est en plein bouleversement, et la donne a complètement changée. Honnêtement, la première fois que j'ai lu ça, j'ai eu du mal à imaginer comment pourrait continuer le scénario… C'est quand même assez osé !

Pour conclure, je n'ai pas aimé les dessins, je n'ai pas aimé le héros, ni le scénario trop compliqué, mais malgré tout, j'ai passé un moment assez sympa en lisant ce manga. Dommage que l'auteure ait autant compliqué l'histoire, parce qu'un peu de simplicité aurait grandement accentué l'intérêt que je lui aurais porté.
Mais qui sait, peut-être que j'arriverai jusqu'au bout, cette fois…
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