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Critique de Dixie39


J'aurai eu toutes les raisons de détester ce livre : son côté « sex, drugs and rock and roll », ces nombreux passages de beuverie stérile, de scènes SM, cette application méthodique de l'auteure à se (tout) foutre en l'air et j'en passe. Mais, voilà. Je l'ai adoré !
Je l'ai adoré parce qu'il m'a touché.
Je l'ai adoré car il transpire la sincérité et résonne à mes oreilles comme un chant d'espérance.
Oui, vous avez bien lu, Espérance...
Pourtant rien ne prédestine à cela cette autofiction d'une auteure qui se raconte, avec ses mots de femme écorchée vive, amputée du sentiment de l'estime de soi par un père violent et incestueux, une mère non-aimante et alcoolique.
Lidia Yuknavitch nous raconte son enfance où sa seule lumière est son entraînement quotidien à la piscine, son seul espoir de fuite, une bourse pour étudier ailleurs, n'importe où, mais quitter ces parents toxiques qui n'ont de famille que le nom.
Elle devient une nageuse promise à un bel avenir professionnel. Mais voilà, la sirène, pour qui l'eau protège et isole du bruissement de la vie (comme un enfant qui se réfugie sous la couette) ne va pas savoir comment faire avec cette réalité pleine de promesses qui s'offre à elle. Comment accueillir cet avenir positif, se battre pour gagner, obtenir, mériter... quand on a en soi un degré zéro d'estime de soi...
Quand on nous a transmis que soumission et dégradation.
Quand on nous a appris qu'être femme c'est se taire, souffrir et écarter les cuisses...

La naissance de sa petite fille morte-née, (ne pas avoir su être une mère protectrice quand on n'a pas été une petite fille protégée) va décupler cette autodestruction.
Souffrir dans son corps autant que dans son coeur...

Se laisser descendre au plus profond, à la limite de la noyade, jusqu'à sentir le fond sous les pieds et donner une grande impulsion pour enfin entamer la remontée.
Ce fond salvateur se sera les mots, ceux de l'écriture et de la lecture, de la création et du partage, soutenu par une soeur aimante et une poignée d'amis fidèles, dont la bienveillance a accompagné toutes ses errances.

Lidia boit, rit, pleure, jouit, hurle, sans pudeur ni retenue... Est-ce plus vulgaire, choquant, dans les mots (le corps) d'une femme que dans ceux d'un homme ? Je ne sais... mais c'est la parole d'une femme qui écrit de cette singularité qu'est un corps de femme, des mots qui sortent de ses tripes et de son coeur...
« Ecrire face à la « culture » », nous dit Lidia Yuknavitch dans ses remerciements.

Sincérité car il en faut, pour donner de soi un tel portrait quand le but n'est pas d'effrayer ou choquer, encore moins de glorifier ou juger, mais livrer ainsi la réalité « à nue » à travers ses mots.
Ces descriptions crues et explicites sont sa réalité avant que l'écriture « la sorte de l'eau » comme une noyée qu'on récupère à bout de souffle et qu'on réanime : comme une seconde naissance et un second souffle... Les mots qui (re)donnent vie. Et quels mots ! Cinglants comme une paire de claques et beaux... Vraiment. Beaux.

Espérance car l'écriture en particulier, l'art en général, sont des bouées jetées aux bras des naufragés, des filets qui ramènent les rescapés sur le rivage.
Combien coulent encore ?

« C'est difficile de penser Oui. Vers le haut. Quand ce qu'on ressent n'est que combat ou fuite.
Si je pouvais revenir en arrière, je me donnerais des cours particuliers à moi-même. Je serais la femme qui m'a appris à me tenir debout, à vouloir des choses, à les demander. Je serais la femme qui dit, Ton esprit, ton imagination, ils sont plus importants que tout. Regarde comme c'est beau. Tu mérites de t'asseoir à la table. L'éclat tombe sur chacun d'entre nous. »

L'éclat tombe sur chacun d'entre nous...
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