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Critique de Jolap


Les phrases sont courtes et les nombreuses métaphores sont belles. du début à la fin les faits sont à peine suggérés et pourtant, dès que l'on a les éléments de départ on se doute de ce qui va se passer.

C'est un peu ça « L'inondation ». Une tension qui monte, une histoire d'homme qui prend forme à pas feutrés, qui s'infiltre et déborde engloutissant tout sur son passage, et puis c'est la Neva, le fleuve qui coule à St Petersbourg, et qui déborde aussi, ravageur et inattendu faisant rompre les digues et ployer tout sur son passage.

Cette histoire dramatique m'a émue.
Trois personnages essentiels nous envahissent tout au long du récit :
Trofim Ivanytch, un macho sordide, Sophia une femme soumise et rongée par la culpabilité et Ganka un petit oiseau sans scrupules .Sordide si je les épingle de cette manière brutale non? Mes mots ont fini de salir ce que l'histoire avait déjà souillé.

C'est sans compter sur le talent d'Evgueni Zamiatine qui par la construction du récit, son sobre dépouillement, son rythme lent au départ bien sûr mais qui s'emballe très vite et la force des mots savamment maitrisés nous ôte tout envie de juger. C'est un peu comme si des phrases sublimes servaient de contrepoids aux actes les plus regrettables. Les mots sont animés par un souffle, une vie intérieure, une mission. ….je les ai aimés ces mots, j'ai suivi leur cadence et j'ai offert à cette lecture tout ce que je pouvais pour me glisser dans les pas de l'auteur.

Au début du récit « Pourtant il y avait quelque chose qui clochait. Quoi au juste, ce n'était pas encore bien clair, cela n'avait pas encore pris la consistance des mots ». Et ainsi nous progressons le souffle court : « Elle n'avait plus rien, ni bras, ni jambes, rien que son coeur qui tournoyait comme un oiseau, tombait, tombait, tombait » nous relisons certains passages tel un chien conduisant son troupeau…… « Ses lèvres frémissaient comme la peau du lait lorsqu'elle est tout à fait prise » ……… Cest beau non ?

J'ai assez parlé. Je partage encore le bruit de la pendule qui « frappait bruyamment du bec dans le mur » Vous l'entendez cette grosse pendule ? et avant de terminer ce billet je vous laisse imaginer un personnage du livre qui « avec difficulté, par degrés, se mit à inspirer de l'air, remontant avec son souffle, comme avec une corde, une pierre qui était au fond ». C'est moi qui manque de souffle quand je lis des phrases comme ça ! Que c'est beau ! Je crois l'avoir déjà dit!

Ce récit écrit en 1929 est un condensé de richesse. Je le classe dans la catégorie "Chef-d'oeuvres"

Vite lu ? Non car les retours sont fréquents. Nous ressassons, relisons, pour vivre un peu plus longtemps avec ces mots là.

Vite oublié ? Certainement pas. Une centaine de pages soulève des montagnes de questions sur la condition des femmes à cette époque.

Vite rangé? Non plus. Ce petit livre va circuler et inonder quelques amateurs, comme le ferait la Neva

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